Puis la commission a entendu M. Stéphane Maugendre, président du groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI), Mme Florence Boreil, responsable des lieux privatifs de liberté à l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT), et M. Patrick Delouvin, responsable France d'Amnesty international.
Après avoir rappelé qu'il était à la fois président du GISTI et avocat au barreau de Bobigny en Seine-Saint-Denis, M. Stéphane Maugendre s'est demandé si la réalisation de l'objectif de 28.000 éloignements du territoire fixé par M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, passait nécessairement par une diminution des droits des étrangers en rétention.
Il a souligné que les personnes retenues n'étaient pas des délinquants et qu'elles avaient droit à une assistance sociale et juridique, estimant que cette mission ne pouvait faire l'objet d'un appel d'offres. Il a rappelé qu'en l'état du droit, le dispositif actuel d'aide juridictionnelle ne permettait pas une assistance juridique de qualité aux personnes retenues.
Prenant l'exemple récent de personnes de nationalité afghane interpellées à Calais et retenues à Lille en vue d'une procédure d'éloignement, il a insisté sur la nécessité pour les structures chargées de l'accompagnement juridique des personnes retenues d'avoir une compétence nationale, afin de suivre le parcours des personnes retenues et d'offrir la même réponse dans tous les centres de rétention de France.
Il a souligné que les personnes retenues, faute de pouvoir se déplacer, n'avaient pas accès à certains documents essentiels pour leur défense et que les associations compétentes devaient donc effectuer auprès des familles et services, un travail de collecte d'informations essentiel pour établir leur dossier.
Rappelant que la recommandation n° 52 du comité contre le racisme et pour la tolérance du Conseil de l'Europe préconisait à la France de poursuivre l'amélioration des conditions d'assistance sociale et juridique des personnes en centre de rétention, il a noté que la politique gouvernementale n'allait pas dans ce sens.
Après avoir rappelé que l'ACAT luttait contre les mauvais traitements dans tous les lieux de rétention et accompagnait les demandeurs d'asile, Mme Florence Boreil a indiqué que son association faisait partie de celles qui avaient dénoncé le décret du 22 août et l'appel d'offres du ministère de l'immigration.
Elle a déclaré que, sous couvert d'une plus grande transparence et de respect du pluralisme, le ministère de l'immigration voulait transformer la mission actuelle d'assistance aux étrangers retenus en simple mission d'information.
Elle a expliqué qu'en annulant l'appel d'offres en référé, le juge administratif avait considéré que celui-ci, en privilégiant le critère de l'accompagnement social des personnes retenues au détriment de l'assistance juridique, seulement prise en compte à hauteur de 15%, ne garantirait pas en fait la défense des droits des étrangers en rétention.
Elle a déclaré que l'émiettement du marché en huit lots distincts rendrait plus difficile la possibilité, pour les acteurs chargés de l'accompagnement des personnes retenues, d'avoir une action globale.
Précisant que l'ACAT n'avait pas vocation à être candidate à l'appel d'offres, elle a estimé d'une part, qu'une coordination nationale des associations compétentes était nécessaire pour éviter des pratiques différentes selon les centres et d'autre part, qu'il ne fallait pas empêcher l'existence d'un droit de regard extérieur et critique sur le fonctionnement des centres de rétention par l'insertion d'une clause de neutralité et de confidentialité.
Elle a souligné que l'action des pouvoirs publics devait s'inspirer des préconisations émises sur l'accès au droit des personnes retenues, en juillet, par le comité des droits de l'Homme de l'Organisation des Nations unies.
Après avoir rappelé qu'Amnesty international luttait depuis longtemps pour qu'un regard extérieur puisse témoigner sur l'activité de tous les lieux de privation de liberté, M. Patrick Delouvin a précisé que les demandeurs d'asile en centre de rétention ne pouvaient bénéficier que de la procédure prioritaire, moins protectrice des droits.
Il a ainsi rappelé que le délai pour demander l'asile n'était que de cinq jours, que les personnes retenues ne pouvaient pas bénéficier de traduction dans l'accomplissement de leurs démarches, que le recours n'était pas suspensif et que l'office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ne les entendait pas systématiquement.
Rejoignant les propos de Mme Florence Boreil sur la transformation de la mission d'accompagnement des étrangers retenus en simple mission d'information par le décret du 22 août, il a expliqué qu'avec l'intégration d'une clause de confidentialité, le ministre de l'immigration souhaitait probablement empêcher les témoignages sur la réalité de la vie dans les centres de rétention.
Il a estimé qu'il serait pourtant souhaitable que le prochain appel d'offres du ministère de l'immigration présente les garanties demandées par les associations.
Evoquant à son tour la préparation d'un vol « charter » pour reconduire plusieurs personnes de nationalité afghane dans leur pays, il a fait part de ses inquiétudes sur leur sort et souligné que seule la méconnaissance du droit français et européen de plusieurs d'entre elles les avait conduites à refuser de demander l'asile dans le délai de cinq jours.