Près de huit mois après l'adoption de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, nous sommes saisis d'une proposition de loi déposée par Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste tendant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d'Île-de-France et de l'État.
Après des mois de conflit entre l'État et la région, marqué par le refus de l'État de transmettre le projet de schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF) 2008 au Conseil d'État, un accord a fini par se concrétiser le 26 janvier dernier, avec la signature d'un protocole relatif aux transports publics en Île-de-France. Ce texte s'inscrit dans son prolongement.
Rappelons qu'à l'heure actuelle, c'est toujours le SDRIF adopté en 1994 qui s'applique. Depuis, la loi du 4 février 1995 a donné à la région compétence pour élaborer le SDRIF, en l'encadrant toutefois sensiblement puisqu'il faut un décret en Conseil d'État pour ouvrir la procédure et un autre pour la clore.
En 2005, un décret a ouvert la procédure de révision, à la demande de la région, qui s'est engagée dans un large processus de concertation, jusqu'en février 2007. Le projet alors arrêté a été transmis pour avis aux personnes publiques associées.
L'État, dans son avis rendu en septembre 2007, exprimait de fortes réserves tant sur le contenu des dispositions retenues dans le projet que sur sa fragilité juridique. Il jugeait notamment que certains enjeux majeurs pour l'Île-de-France, comme le développement de l'activité économique, n'étaient pas assez bien pris en compte.
Dans le même temps, le 17 septembre 2007, le Président de la République lançait une consultation internationale pour l'avenir du Paris métropolitain et créait, en mars 2008, le secrétariat d'État pour le développement de la région capitale, tandis qu'en septembre 2008, le conseil régional adoptait le projet de SDRIF après l'avoir soumis à enquête publique.
Pour les raisons exposées dans son avis de 2007, le Gouvernement refusait alors de transmettre au Conseil d'État le projet de SDRIF, au motif que le texte manquait d'ambition pour la région capitale.
L'année suivante, en juillet 2009, le Gouvernement transmettait à la Région l'avant-projet de loi relatif au Grand Paris et les négociations entre l'État et la région sur un protocole d'accord relatif au SDRIF et au Grand Paris échouaient.
C'est dans ce contexte que le Parlement a examiné, entre l'automne 2009 et l'été 2010, le projet de loi sur le Grand Paris. Définitivement adoptée le 5 juin 201, cette loi vise la construction d'une nouvelle ligne de métro automatique de grande capacité, sur 130 kilomètres, en rocade, projet dit de la « double boucle » ; le développement des territoires situés autour des futures gares de ce nouveau réseau, au moyen des contrats de développement territorial ; la valorisation du pôle scientifique et technologique du plateau de Saclay.
Le projet de « double boucle » différait sensiblement du projet de transport public de la région dénommé « Arc Express », présenté dans le SDRIF 2008 comme « le projet d'infrastructure fondamental et prioritaire ». La loi relative au Grand Paris avait prévu, à cet égard, que soient menés conjointement les deux débats publics relatifs au schéma d'ensemble et au projet Arc-Express, qui furent lancés le 30 septembre 2010.
Au lendemain de l'adoption de la loi sur le Grand Paris, le Gouvernement saisissait le Conseil d'État du projet de décret portant approbation du SDRIF, contre l'engagement de la région de mettre celui-ci en révision pour qu'il intègre les options d'aménagement du Grand Paris.
Or le Conseil d'État a rendu, le 27 octobre 2010, un avis négatif sur le projet de décret. Il a notamment considéré que la loi sur le Grand Paris affectait la cohérence interne du projet de SDRIF qui repose de manière très significative sur le projet « Arc Express » et ignore le futur réseau de transport du Grand Paris.
Le 26 janvier 2011, un protocole d'accord est intervenu entre le ministre de la ville, Maurice Leroy, et le président du Conseil régional d'Île-de-France, prévoyant 32,4 milliards d'euros d'investissements d'ici à 2025 dans les transports franciliens.
Aux termes de ce protocole, l'État et la Région conviennent de porter ensemble à la connaissance de la commission nationale du débat public une contribution sur les évolutions qui pourraient être apportées aux projets de métro automatique soumis aux débats publics en cours et de s'accorder pour la mise en oeuvre d'une solution législative relative au SDRIF « permettant de libérer les projets des collectivités territoriales et de l'État compatibles avec le projet SDRIF adopté par le Conseil régional d'Île-de-France et avec la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, jusqu'à l'approbation de la révision du SDRIF ».
Cet accord tirait les conséquences de l'avis du Conseil d'État, au terme duquel le SDRIF de 1994 continuera de s'appliquer tant que le SDRIF de 2008 n'aura pas intégré les éléments relatifs au Grand Paris. Du coup, les documents d'urbanisme franciliens doivent toujours être compatibles avec le SDRIF de 1994.
Or celui-ci classe en espaces naturels des espaces ouverts à l'urbanisation dans le SDRIF de 2008, ce qui bloque la réalisation de nombreux projets tels que la zone d'activités de la Brosse-Montceaux, l'extension de la zone d'activité du Val Bréon ou encore le développement d'une zone d'activité au niveau de l'échangeur de l'A11 à Boinville-le-Gaillard.
Cette proposition de loi, composée d'un article unique, vise donc à permettre une application anticipée des dispositions du SDRIF 2008 qui ne sont pas contraires à la loi sur le Grand Paris, afin que puissent se réaliser des projets que bloque le SDRIF de 1994 : c'est l'objet de son paragraphe I.
Son II précise qu'aucun document d'urbanisme ne peut être révisé ou modifié pour faire obstacle à la mise en oeuvre des contrats de développement territorial ou au schéma d'ensemble du réseau de transport public du Grand Paris, le préfet pouvant suspendre l'entrée en application du document pour ce motif.
Enfin, son III prévoit une procédure dérogatoire pour la révision du SDRIF : elle sera ouverte par le décret relatif au tracé du réseau de transport public du Grand Paris et ne requerra pas la consultation des conseils généraux ; elle devra porter au moins sur la mise en oeuvre de ce réseau de transport et celle des contrats de développement territorial.
Tels sont, brièvement résumés, le contexte et l'objet de cette proposition de loi, que je remercie son auteur d'avoir déposée, puisqu'elle devrait permettre de libérer des projets très importants pour le développement de la région.
Je vous propose d'exposer, lors de la présentation des amendements, les modifications que je vous suggère d'apporter au texte.