Intervention de Bernard Piras

Commission des affaires économiques — Réunion du 22 novembre 2006 : 1ère réunion
Pjlf pour 2007 — Mission « régimes sociaux et de retraite » - examen du rapport pour avis

Photo de Bernard PirasBernard Piras, rapporteur pour avis :

Après avoir rappelé que cette mission interministérielle relevait, pour deux de ses programmes, du ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer et, pour le troisième, du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a souligné qu'elle ne traduisait pas au plan budgétaire une politique publique spécifique, mais simplement les engagements pris par l'Etat à l'égard d'ayants-droit de certains régimes en matière de prestations sociales et de pensions de retraite. Il a ajouté que, puisque les crédits demandés étaient dès lors totalement conditionnés par l'évolution démographique des régimes concernés et par celle de la constitution des droits des bénéficiaires, et qu'aucun emploi n'était prévu en gestion, ni les responsables des programmes, ni le Parlement n'avaient, sur ces crédits, une quelconque marge de manoeuvre, sinon à long terme, s'il s'agissait d'infléchir les conditions d'ouverture des droits. Il a relevé qu'à cet égard, les objectifs et indicateurs de performance de la mission n'avaient d'autre objet que de garantir la qualité des conditions de gestion des prestations et celle du service rendu aux usagers.

Abordant l'analyse des crédits demandés au titre de l'exercice budgétaire 2007, M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, après avoir souligné qu'ils s'élevaient à près de 5 milliards d'euros, en progression considérable par rapport à l'an passé (+ 11 %), a détaillé leur ventilation par programme.

Avec 3,3 millions d'euros (M€), le premier programme, intitulé « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres », représente les deux tiers des crédits de la mission et évolue de + 9,6 %. Une petite partie de cette somme alimente trois dispositifs sociaux différents :

- le congé de fin d'activité dont bénéficient les conducteurs routiers de voyageurs et de marchandises. Afin de prendre en compte la pénibilité du travail, possibilité est donnée à ces salariés de plus de 55 ans, ayant respectivement plus de 30 ou 25 années de carrière, de partir à la retraite en contrepartie d'embauches de jeunes salariés. Pour 90,5 M€, l'Etat finance 80 % des cotisations sociales afférentes à cet avantage, le reste étant pris en charge par les partenaires sociaux ;

- le complément de retraite versé aux conducteurs partis à la retraite à 60 ans avec un nombre d'annuités insuffisant pour bénéficier d'une pension complète, mécanisme dont le financement de 2,3 M€ est intégralement financé par l'Etat ;

- l'aide annuelle versée depuis l'an dernier aux conjoints collaborateurs d'artisans bateliers afin de participer au rachat de trimestres de cotisations sociales (0,5 M€).

Mais l'essentiel des crédits de ce premier programme, soit 2,77 milliards d'euros, sert à abonder la subvention versée au régime de retraite de la SNCF au titre de la compensation du déséquilibre démographique. En effet, si le rapport entre actifs et retraités est de 1,6 dans le régime général, il est de 0,54 à la SNCF, où on compte près de 165.000 actifs pour 306.000 pensionnés. S'agissant de la RATP, la subvention se monte à 354 M€, pour compenser un déséquilibre résultant essentiellement de la possibilité donnée aux agents de partir précocement à la retraite. Enfin, 71,6 M€ sont prévus pour garantir le paiement des retraites des anciens agents de diverses sociétés de transports terrestres aujourd'hui disparues : les chemins de fer d'Afrique du Nord, les transports urbains tunisiens et marocains, le réseau Franco-éthiopien, le Chemin de fer de La Mure, etc.

Le deuxième programme de la mission concerne le « Régime de retraite et de sécurité sociale des marins ». Ayant pour responsable le directeur de l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM), il est doté de presque 720 M€, en progression de 5 %. Ce régime comporte lui aussi un volet vieillesse, qui représente budgétairement l'essentiel du programme (presque 99 %), et, pour le solde, un volet action sanitaire et sociale, c'est-à-dire le financement des aides aux personnes âgées, des maisons de retraite, des assistantes sociales et des prestations versées aux handicapés. Le régime spécial de retraite des marins est adapté aux difficiles conditions de travail et à la dangerosité de leur métier. Il est l'un des régimes les plus déficitaires puisqu'avec 39.100 actifs contre 123.000 pensionnés, son ratio s'établit à 0,32 et ne cesse de se dégrader.

Quant au dernier programme, intitulé « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers », il prévoit, au titre de la solidarité nationale, le versement de subventions d'équilibre à des régimes de retraite en rapide déclin démographique, voire qui n'ont plus aucun cotisant. Sont ainsi concernés le régime de retraite des mineurs, qui ne compte plus que 13.300 cotisants pour 373.000 pensionnés (845,4 M€ de subvention), le régime de la SEITA, fermé depuis 1981 et qui compte environ 1.200 cotisants pour quelque 10.200 pensionnés (121 M€), et enfin les régimes, qui n'ont plus de cotisants, de l'Imprimerie nationale, des régies ferroviaires d'outre-mer et de l'ORTF, pour à peine plus de 600 bénéficiaires (6,2 M€).

Après avoir relevé qu'à moyen terme, ce troisième et dernier programme avait vocation à disparaître totalement, M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a constaté, pour cette mission très particulière qu'il est impossible de comparer à la plupart des autres, qu'il n'était pas envisageable de transférer des crédits d'un programme à un autre dès lors que les sommes demandées visent à garantir, au titre de la solidarité nationale, des droits sociaux, pour des montants dont l'anticipation précise est relativement aisée à effectuer. S'agissant des indicateurs de performance, dont il a souligné que s'ils étaient utiles pour vérifier la bonne gestion de ces droits, ils ne présentaient guère d'intérêt politique, il a considéré qu'ils étaient globalement pertinents et satisfaisants et que les administrations concernées s'étaient attachées à bien les renseigner, même si des ajustements étaient encore souhaitables à l'avenir.

Puis, rappelant que M. François Fillon avait relancé à la mi-septembre la controverse sur la réforme des régimes spéciaux de retraite, M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a estimé qu'au regard du poids que représentent les subventions d'équilibre versées à la SNCF, à la RATP et à l'ENIM, qui constituent 77 % des crédits de la mission, ce thème ne pouvait pas laisser la commission indifférente, même si les trois régimes précédemment cités ne sont pas les seuls régimes spéciaux et si la question ne peut pas être abordée globalement seulement à l'aune du coût budgétaire de la mission. Il a ensuite relevé que si la réforme du 21 août 2003 n'avait pas concerné les régimes spéciaux en renvoyant le débat à un « rendez-vous » fixé en 2008, bien des évolutions avaient cependant eu lieu depuis trois ans ou étaient actuellement en cours, citant à cet égard la réforme des régimes des industries électriques et gazières en 2004, l'adossement de l'ENIM au régime général l'an dernier, la transformation du syndicat des transports d'Ile-de-France en juillet 2005 ayant entraîné le futur adossement de la RATP, question qui a occupé le Sénat en séance publique la semaine dernière lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ou encore l'application à la SNCF et à la RATP des nouvelles normes comptables IFRS qui va obliger l'an prochain ces deux entreprises à provisionner les engagements de retraite qui sont à leur charge, et qui explique la résurgence, la semaine dernière, de la question de l'adossement du régime de la SNCF au régime général.

Sur ce dernier point, M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a estimé que le budget de la mission était incomplet, dans l'hypothèse où ces réformes interviendraient l'an prochain, puisqu'il ne prenait pas en compte les participations de l'Etat à leur mise en oeuvre. Il a toutefois reconnu au moment de la construction du projet de loi de finances, et même aujourd'hui, qu'il n'était pas possible d'anticiper de manière raisonnable sur le niveau de ces participations.

Puis il a considéré que le contexte actuel se prêtait à une réflexion sur l'avenir des régimes spéciaux. Cette réflexion, prévue pour 2008, sera sans doute activée par le débat précédant l'élection présidentielle. En tout état de cause, elle est nécessaire en raison des déséquilibres des comptes, qui vont s'aggraver pour certains régimes comme celui de la RATP, et de la mise en oeuvre de nouvelles obligations comptables internationales. M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a toutefois estimé que cette réflexion ne devait pas nécessairement conduire à une réforme radicale des régimes spéciaux, qui remettrait en cause les droits des pensionnés et des agents en activité, car les avantages dont bénéficient les personnels au titre de la retraite et de la protection sociale sont partie intégrante de leurs statuts et constituent la contrepartie de contraintes et de pénibilités qui doivent être prises en compte. Aussi a-t-il jugé que les éventuels changements à instaurer ne pourraient concerner, dès lors qu'ils seront profonds, que les nouvelles générations d'agents ou de salariés, dans le cadre de solutions équitables entre les professions et entre les générations conduisant à un partage équilibré des charges entre la solidarité nationale et les contributions des différents secteurs d'activité.

Enfin, après avoir relevé que ce débat à venir ne concernait pas aujourd'hui les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a proposé d'émettre un avis favorable à leur adoption.

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