Notant à titre liminaire que les crédits de la mission seraient modifiés par la loi de finances rectificative pour 2006, M. Claude Lise, rapporteur pour avis, a remarqué que, tandis que les estimations portant sur le total en 2007 des dépenses publiques consacrées à l'outre-mer, soit 12,41 milliards d'euros, faisaient apparaître, en euros courants, une hausse de 4,6 % en crédits de paiement, les crédits de la mission « Outre-mer », présentés comme stables, étaient en réalité en baisse de 14 % pour les autorisations d'engagement (AE), qui s'élèveront à 2,03 milliards d'euros, et de 1,5 % pour les crédits de paiement (CP), qui s'établiront à 1,96 milliard d'euros.
Il a indiqué qu'à l'issue de la seconde délibération à l'Assemblée nationale, les crédits avaient été minorés de 10,7 millions d'euros en AE et en CP.
Il a précisé que ces crédits seraient complétés par des fonds de concours pour un montant estimé à 4,63 millions d'euros et que les dépenses fiscales associées aux programmes « Emploi outre-mer » et « Conditions de vie outre-mer » étaient évaluées à 409 et 2.104 millions d'euros.
La répartition des crédits de paiement par programmes fait apparaître, comme l'an dernier, la prédominance du programme « Emploi outre-mer », qui représente près de 60 % du total, cette proportion étant voisine de 20 % pour chacun des deux autres programmes, le programme « Conditions de vie outre-mer » et le programme « Intégration et valorisation de l'outre-mer ».
Le rapporteur pour avis a conclu l'analyse des crédits en évoquant les critiques formulées par la Cour des comptes sur la coordination et l'évaluation des interventions publiques outre-mer, critiques qui ont été corroborées par les rapports des missions d'audit de modernisation sur l'outre-mer menées cette année et par l'avis du Conseil économique et social sur l'évaluation de la loi de programme du 21 juillet 2003. Il a relevé que ces critiques semblaient avoir été entendues : le ministère a mis en chantier une réforme de son administration centrale et une nouvelle mission d'audit de modernisation a été chargée de proposer la mise en place d'un outil de suivi des dépenses publiques outre-mer adapté au cadre de la LOLF.
Indiquant qu'il avait choisi de centrer son rapport sur l'emploi et le logement, deux sujets cruciaux pour l'outre-mer et qui sont aussi au coeur des préoccupations relatives à l'évaluation de l'action du ministère de l'outre-mer, M. Claude Lise, rapporteur pour avis, a en premier lieu examiné la politique de l'emploi.
Rappelant que des actions fortes de soutien à l'activité et à l'emploi étaient indispensables outre-mer pour faire baisser le taux de chômage et pour surmonter les handicaps liés à l'éloignement, à l'insularité, aux différentiels de coûts salariaux avec les pays voisins, il a exposé que ce soutien passait à la fois par des mesures d'abaissement du coût du travail et par des aides à la création d'emplois et à l'insertion professionnelle.
Il a précisé que le dispositif d'exonération des charges patronales de sécurité sociale, destiné à abaisser le coût du travail, représenterait, en 2007, 823 millions d'euros sur les 838 dont est dotée l'action 01 du programme « Emploi outre-mer » et il a noté que ce dispositif avait fait l'objet en 2006 de trois évaluations : la première par une mission d'audit de modernisation, la deuxième par le Conseil économique et social, la troisième évaluation, menée par la commission nationale d'évaluation de la loi de programme mise en en place en juillet dernier et dont il est membre, étant encore en cours.
Il a souligné que le dispositif en vigueur permettait d'abaisser en moyenne de 29 % le coût du travail et s'appliquait à près de 37.000 entreprises, dont 91 % de moins de 11 salariés : il concernerait, d'après la mission d'audit, 62 % des salariés du secteur concurrentiel.
a jugé important que la mission d'audit de modernisation et le Conseil économique et social aient admis la nécessité d'un dispositif spécifique à l'outre-mer et celle de lui assurer une certaine stabilité.
Il a observé qu'avaient aussi été reconnus ses effets positifs sur la création d'emplois et d'entreprises, sur le maintien de l'emploi et sur la lutte contre le travail clandestin.
En revanche, des critiques convergentes ont porté sur la faiblesse du pilotage, l'insuffisance dans la collecte des données, l'absence de dispositifs de contrôle et d'évaluation.
En ce qui concerne le dispositif lui-même, ont notamment été relevées la persistance d'effets de seuil dans les TPE et dans les entreprises du BTP, ainsi que l'insuffisante sélectivité du système, qui limite son efficacité dans les secteurs les plus exposés.
Le rapporteur pour avis a noté que les préconisations de réforme s'orientaient vers un régime « à deux étages » permettant une plus grande sélectivité en faveur des secteurs les plus exposés, dont la définition pourrait être affinée en fonction des spécificités de chaque département.
En ce qui concerne les mesures d'aide à la création d'emplois et à l'insertion, il a mentionné, pour la regretter, la réduction du nombre des contrats aidés -69.088 en 2001, 53.890 en 2005- indiquant que 25.000 nouveaux contrats étaient prévus en 2007. Il a également mentionné qu'un amendement du gouvernement adopté par l'Assemblée nationale proposait de prolonger d'un an le congé solidarité, qui serait toutefois accordé dans des conditions plus restrictives et financé par un redéploiement de crédits.
Evoquant enfin la contribution de la défiscalisation des investissements à la création et au maintien d'emplois et de capacités de production, il a relevé un net ralentissement en 2005 par rapport à 2004 et à 2003, affectant à la fois le montant total des investissements aidés (497,4 millions d'euros) et celui des créations directes d'emplois (896 équivalents temps plein).
Abordant ensuite le sujet du logement, M. Claude Lise, rapporteur pour avis, a rappelé qu'il avait insisté, lors de l'examen du budget pour 2006, sur l'ampleur des besoins et l'insuffisance des crédits, qui se traduit par l'alourdissement de la dette de l'Etat et la mise en péril de nombreuses entreprises.
Il a souligné que l'audit de modernisation consacré au financement du logement social outre-mer, comme le contrôle de l'efficacité des politiques du logement outre-mer que vient d'effectuer le rapporteur spécial de la commission des finances du Sénat, le sénateur Henri Torre, révélaient toute la gravité de la situation.
Le rapporteur pour avis a exprimé, avec regret, la crainte que, pour le court terme, ni le projet de budget, ni les mesures annoncées en Guadeloupe par le Premier ministre ne soient à la mesure du problème et il s'est déclaré plus inquiet encore pour l'avenir, les solutions proposées face à un constat accablant ne paraissant pas très convaincantes.
Il a analysé le constat dressé par la mission d'audit :
- d'une part, la gestion de la ligne budgétaire unique s'est traduite par une « fuite en avant » et une distorsion croissante entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement. Il en est résulté un reste à payer évalué à 800 millions d'euros au 31 décembre 2005, sur la base duquel la mission estime entre 450 et 500 millions d'euros les engagements à honorer dans les trois ans à venir ;
- d'autre part, il faudrait réaliser en outre-mer 27.000 logements sociaux pour atteindre le même ratio de logements sociaux qu'en métropole à l'issue du plan de cohésion sociale, alignement qui ne tiendrait d'ailleurs pas compte de la plus forte proportion de population éligible en outre-mer. Or, depuis six ans, le nombre annuel moyen de logements locatifs sociaux autorisés a été d'environ 4.200.
Le rapporteur a précisé qu'à partir de ce constat, la mission d'audit évaluait à 307 millions d'euros par an sur 5 ans le besoin de financement de la politique du logement social outre-mer, le projet de loi de finances fixant quant à lui pour 2007 les dotations de l'ancienne ligne budgétaire unique à 175,75 millions d'euros en crédits de paiement (+ 3 %), et à 220,7 millions d'euros en autorisations d'engagement (- 17 %).
a ensuite détaillé les indications relatives à la traduction des engagements pris par le Premier ministre sur le règlement de la dette exigible de l'Etat et sur l'application outre-mer du volet logement du plan de cohésion sociale qu'avait données à l'Assemblée nationale le ministre de l'outre-mer :
- en ce qui concerne le règlement de la dette de l'État exigible fin 2006, chiffrée à 113 millions d'euros et qui doit être apurée à la fin de mars 2007, 60 millions d'euros sont prévus : une avance de 30 millions de la Caisse des dépôts et consignations, qui a déjà été versée, 18 millions prélevés sur la réserve gouvernementale et un crédit de 12 millions inscrit en loi de finances rectificative. Il reste par conséquent 53 millions à financer ;
- en ce qui concerne l'application à l'outre-mer du plan de cohésion sociale, soit 120 millions d'euros supplémentaires sur trois ans, dont 60 en 2007, les moyens correspondants seront également inscrits en LFR et reportés, de façon d'ailleurs dérogatoire, sur le budget 2007.
Le rapporteur pour avis a précisé que ces 60 millions d'euros seraient prévus en autorisations d'engagement, 13 millions seulement étant inscrits en crédits de paiement.
Il a observé que, d'une part, cette répartition n'allait pas dans le sens du rééquilibrage entre AE et CP et que, d'autre part, les crédits de paiement pour 2007 s'élèveraient ainsi à 188,75 millions d'euros, ce qui n'était pas considérable, surtout s'il fallait prélever sur ce montant le règlement du solde de la dette de l'Etat.
Passant ensuite en revue les solutions envisagées à plus long terme pour le financement du logement social outre-mer, M. Claude Lise, rapporteur pour avis, a exposé que le ministre de l'outre-mer avait exprimé le souhait que la commission nationale d'évaluation fasse des propositions pour une défiscalisation orientant l'épargne vers le logement social. Il a indiqué qu'il ne fondait pas de grands espoirs sur une telle réforme, les investisseurs ayant le souci, au-delà de la défiscalisation, de la rentabilité de leurs investissements.
Quant à un éventuel réexamen, souhaité également par le ministre, des conditions d'intervention de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) et de l'utilisation du 1 % logement, il a estimé que cela ne résoudrait pas, pour ce qui est de l'ANAH, le problème de la contrainte budgétaire et que les ressources du 1 % logement n'étaient pas illimitées.
a conclu en réaffirmant ses inquiétudes pour l'avenir du financement de la politique du logement social outre-mer.
Après avoir proposé à la commission de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer », il a présenté un amendement ayant pour objet d'insérer un article additionnel après l'article 50 bis de la deuxième partie du projet de loi de finances et tendant à intégrer, dans le « document de politique transversale » consacré à l'outre-mer, dont le contenu informatif est assez léger, les informations détaillées et pertinentes qui figuraient dans les anciennes annexes « jaunes » au projet de loi de finances, estimant qu'il serait paradoxal que l'application de la LOLF se traduise par un appauvrissement de l'information fournie au Parlement.