Permettre au salarié de l’entreprise sous-traitante de voter où il le souhaite, mais en exigeant de lui une condition souvent impossible à remplir s’il souhaite se prononcer chez le donneur d’ordre, c’est fausser ce choix, c’est le déséquilibrer en faisant en sorte que le salarié ne puisse voter ni dans l’entité juridique dont il dépend ni dans la structure économique où il se trouve intégré.
Un autre problème se pose : nul ne peut ignorer non plus que la mobilité et la précarisation des salariés, surtout dans les petites entreprises spécialisées dans la sous-traitance, se sont considérablement développées.
La notion de « présence permanente » devient donc de plus en plus aléatoire. C’est pourquoi la jurisprudence constante, qui exige du salarié trois mois d’ancienneté pour être électeur, est bien adaptée, d’autant que cette durée peut être obtenue par une succession de contrats distincts, même s’ils sont séparés par de courtes périodes d’interruption. La chambre sociale de la Cour de cassation tient parfaitement compte de la situation pour apprécier les conditions fixées par l’assemblée plénière de la juridiction à laquelle elle appartient ainsi que par le Conseil constitutionnel.
M. le rapporteur revient également sur la notion de « présence dans l’entreprise donneuse d’ordre », expression moins brutale que celle de présence « dans les locaux » de l’entreprise utilisatrice, et qui permet de tenir compte de questions juridiques complexes.
Cette présence peut en effet s’entendre au moyen de techniques de communication ou par une proximité immédiate des bâtiments des deux entreprises, de sorte que l’on ignore parfois dans les locaux de quelle société on se trouve.
Pour conclure, j’ajouterai que deux pourvois se trouvent actuellement pendants devant la Cour de cassation, qui concernent précisément Peugeot et Airbus. Nous avons la désagréable impression que l’on veut faire jouer au législateur un rôle qui n’est pas le sien en anticipant sur les arrêts de la Cour de cassation pour obliger celle-ci à renverser sa jurisprudence…
Pour le moins, ce procédé n’est pas correct. Si nous acceptons d’être nous-mêmes des sous-traitants à la demande des grands groupes industriels et des organisations patronales, c’est notre crédibilité et celle de la démocratie politique tout entière qui est atteinte, mes chers collègues.