Nous avons un hôpital militaire à Metz, dont le personnel est hautement qualifié. Mais son avenir est en suspens.
J'en viens maintenant aux perspectives à plus long terme. Un graphique intéressant a été établi par l'état-major de l'armée de terre, pour illustrer les perspectives d'application de la loi de programmation militaire 2011-2014, et plus généralement du Livre blanc de 2008. La capacité de financement des objectifs du Livre blanc ou de la loi de programmation suit une pente descendante. Si cette tendance se confirme dans les années à venir, les conséquences à moyen et long termes seront considérables. Plusieurs scenarii, pour la période allant jusqu'en 2020, ont été explorés par les rapporteurs spéciaux. Celui du Livre blanc, d'abord, selon lequel, à partir de 2012, les crédits doivent augmenter de 1 % par an en volume : cet objectif ne sera pas tenu. Celui d'une évolution « zéro volume » à partir de 2014 : tout dépend de si l'on inclut ou non les ressources exceptionnelles de 2013 dans le montant pris comme point de départ. La catastrophe serait une évolution « zéro valeur », autrement dit une dégradation en volume. Dans l'hypothèse la plus défavorable, pour les dépenses en 2020, l'écart entre l'objectif du Livre blanc, 33 milliards d'euros, et la réalisation, 26 milliards, atteindrait 7 milliards...
La question principale est dès lors : quelle armée voulons-nous en 2020 ? Quel positionnement de la France dans l'Europe de la défense ? Quelles capacités opérationnelles ? Quelles économies acceptons-nous, sur quels matériels : les sous-marins nucléaires d'attaque, les hélicoptères, les A400M ?
Ces préoccupations ne sont ni de droite ni de gauche. Le décalage n'est pas nouveau avec les objectifs des lois de programmation militaire - en incluant les dépenses non prévues, les ressources manquantes ont atteint, pour les dépenses d'équipement des deux dernières LPM, 13 et 8 milliards d'euros -, mais précisément, le cumul produit une désagrégation progressive. Pas seulement chez nous, du reste : les Britanniques n'ont plus d'industrie militaire, ne sont plus capables de produire industriellement leurs ogives nucléaires. Finalement ils viennent nous voir, ce qui est très nouveau, pour proposer des coopérations !
Nous ne pourrons esquiver longtemps ces questions. Nous devons nous les poser très tranquillement, quelles que soient nos appartenances politiques respectives. François Mitterrand, lorsqu'il siégeait à la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, disait : « On ne vote pas contre les crédits militaires de son pays ».
L'absence de politique de défense européenne, la place - ou non - de l'Europe dans le monde futur, ne sont pas des sujets de polémiques mais d'interrogations. Les pays émergents consentent des efforts considérables. La Chine, la Russie, dépensent beaucoup plus que nous en pourcentage de PIB, mais aussi en milliards d'euros. Pour notre pays, un simple maintien du niveau des dépenses en pourcentage de la richesse intérieure imposerait une progression de 2 % en volume. Nous n'y sommes pas. La loi de programmation 2009-2014 prévoit une révision en 2012 : nous aurons donc bientôt l'occasion de réfléchir à tout cela, lucidement, objectivement. Car les difficultés à venir sont plus grandes que ce que l'on imagine.