Au cours d'une seconde séance tenue l'après-midi, la commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M. Claude Belot, rapporteur spécial, sur la mission « Médias, livre et industries culturelles », le compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public » et l'article 76 du projet de loi de finances pour 2011.
L'ordre du jour est particulièrement chargé. Je me réjouis d'entendre Claude Belot et je salue la présence de Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis de la commission de la culture et de la communication.
Je salue à mon tour la présence de Catherine Morin-Desailly car nous avons l'obligation de travailler ensemble et y arrivons fort bien - contrairement à ce qu'on dit parfois, il n'y a pas incompatibilité de logiciels entre culture et finance.
L'année, budgétairement parlant, est sereine pour cette mission. Depuis douze ans que je présente ce rapport, il y a toujours un état de crise ou un frémissement, mais l'an dernier a été sagement décidé ce que je réclamais depuis longtemps : on a augmenté la contribution à l'audiovisuel public anciennement dénommée « redevance audiovisuelle ». On y voit plus clair cette année, une règle du jeu a été établie. On a concilié orthodoxie financière et augmentation des ressources. En des temps plus fastes, l'idée était de chasser la publicité des chaînes publiques mais, la crise venue, on a réalisé qu'il faudrait compenser la suppression partielle de la publicité sur les services nationaux de France Télévisions à hauteur de 450 millions d'euros. Or le groupe a maintenu son audience et a accru ses recettes publicitaires. Après une investigation approfondie, on a conclu qu'il n'était pas urgent de changer la situation. C'est pourquoi je présente un amendement afin de prolonger le moratoire sur la publicité en journée jusqu'en 2015.
Tout à fait. L'équilibre financier est aujourd'hui au rendez-vous. L'objet du moratoire est de le préserver.
S'agissant de la présentation globale de la mission, son périmètre est élargi au livre et aux industries culturelles. Compte tenu de la très grande transversalité du secteur, il est intelligent d'avoir retenu cette organisation. Cet élargissement de la maquette s'accompagne d'une progression des crédits. Celle du groupe d'intérêt public France Télé Numérique ne peut échapper à personne. Son budget explose parce que la TNT est une opération « coup de poing », mais qui sera terminée fin 2011.
L'état de l'audiovisuel public extérieur me soucie davantage. J'avais souhaité la création de France 24 ; nous la réclamions pour dégager une bonne synergie entre tous ceux qui travaillent pour l'audiovisuel extérieur français. Cela se met en place difficilement. Les rivalités entre dirigeants et la « guerre des chefs » sont trop souvent évoquées. Lorsque nous avons été avec Louis de Broissia à France 24, nous n'avions pu malheureusement être reçus par les dirigeants en dépit du fait que nous avions porté l'institution sur les fonts baptismaux. Je souhaite pouvoir les rencontrer un jour, à l'instar des autres dirigeants des sociétés audiovisuelles.
ou en parler au ministre.
Le président d'Arte France a bien rempli son mandat, les comptes sont tenus et le contrat d'objectifs et de moyens respecté au centime près - le contraste est curieux.
S'agissant de l'éternel problème des aides à la presse, on a toujours dit que notre presse, quoique la plus aidée d'Europe, était celle qui était dans l'état le plus critique. On sait pourquoi. Elle vit « sous perfusion ». Après les états généraux de la presse réunis par le président de la République, les aides ont progressé de 81 %. Un rapport a été demandé à Aldo Cardoso. Remis le 8 septembre 2010, il reprend ce que nous affirmions depuis des années. Il y a certes le développement d'Internet, le portage, la diffusion auprès des jeunes, mais il serait grand temps qu'une rationalisation des aides à la presse, dans un cadre cohérent et piloté, se mette en place. La prise de conscience existe, mais les remèdes sont difficiles à administrer. L'enjeu financier est de taille : plus de 300 millions d'euros en 2011.
L'évolution de l'AFP m'inquiète un peu. Cette superbe entreprise faisait notre fierté. J'ai mené un contrôle sur pièce et sur place jusqu'à Hong-Kong, il y a quelques années. Or, depuis deux ou trois ans, sa situation est menacée alors qu'elle se classait au troisième rang mondial pour le chiffre d'affaires. Je ne m'explique pas les raisons de ce manque de dynamisme. Il faudrait que nous sachions pourquoi et comment y remédier.
Je ne dispose pas de toutes les précisions nécessaires quant à la capacité de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) à résoudre le problème du piratage. Ce point mérite d'être approfondi. On a également évoqué une « carte musique » pré-payée de 25 euros pour permettre aux jeunes d'acheter de la musique en ligne sur des plateformes légales.
Au total, la situation est satisfaisante malgré des sujets d'interrogation. Je vous propose d'adopter les crédits des missions, dont ceux de France Télévisions, qui apparaissent en légère baisse, afin de tenir compte de l'amélioration des recettes publicitaires.
Quant à l'amendement que je vous propose à l'article 76, il est cohérent avec les délais des contrats d'objectifs. La règle du jeu sera ainsi fixée pour tout le mandat du président de France Télévisions.
La commission a adopté ce matin un amendement étendant aux résidences secondaires la contribution à l'audiovisuel public sur les récepteurs télévisuels ainsi que sur les terminaux Internet, selon le principe « d'une taxe d'habitation, une contribution à l'audiovisuel public », quel que soit le nombre de récepteurs.
Je vous remercie de m'accueillir. S'agissant de la publicité, le moratoire proposé par le Gouvernement s'applique jusqu'en 2014. La mission de contrôle nous ayant fourni des chiffres plus fiables, nous proposons donc d'aller jusqu'au 1er janvier 2015.
S'agissant de France 24, je n'ai pas eu la même expérience que Claude Belot. J'ai rencontré Alain de Pouzilhac. Il semble reprendre en main cette maison : l'audience augmente, des économies ont été réalisées. Les nouvelles de cette stabilisation sont plutôt rassurantes.
Louis de Broissia et moi avions été choqués par l'accueil qui nous avait été réservé.
Le « parrainage » ressemble beaucoup à de la publicité. Cette hypocrisie doit cesser. Ce n'est pas ce que nous avions voté. Il faudra être très ferme.
Si l'on ne revoit pas le taux de TVA sur le livre numérique, qui est à 19,6 %, on risque des fuites vers le Luxembourg. Le rapporteur général a dû renoncer à son amendement ce matin. Peut-être pourra-t-on proposer un taux intermédiaire la semaine prochaine que l'on pourrait appliquer au livre numérique ?
N'avons-nous pas voté une proposition de loi de la commission de la culture ?
On avait dit, lors du vote de la loi sur l'audiovisuel, que les sociétés privées seraient avantagées par le gain de nouvelles parts de marché. Or les recettes publicitaires des chaînes publiques s'accroissent, grâce au bon travail de la régie.
Il devait y avoir compensation par des fonds publics ainsi que par une taxe sur les chaînes privées. Le Gouvernement n'affecte-t-il pas le produit au budget général et ne serait-il pas juste de prendre une mesure équivalente pour les chaînes privées ?
0,5 % au lieu de 3 %.
A l'issue de ce débat, la commission adopte l'amendement présenté par le rapporteur spécial à l'article 76 du projet de loi de finances pour 2011.
Puis, elle décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » ainsi que l'adoption de l'article 76 ainsi modifié.
La commission procède ensuite à l'examen du rapport de MM. Philippe Adnot et Philippe Dominati, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » et l'article 78 du projet de loi de finances pour 2011.
Contrairement à la plupart de mes collègues, j'ai la chance, avec Philippe Dominati, de rapporter depuis plusieurs années une mission dont les crédits, comme les personnels, sont prioritaires en termes « budgétaires ».
Ainsi, pour 2011, les crédits de la mission sont en légère progression grâce à la dynamique de la dépense de personnel qui ne connaît pas les contraintes appliquées aux masses salariales des autres ministères. Je rappelle que, dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques que nous venons de discuter, la mission ne sera pas soumise, entre 2011 et 2014, à la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Cette exonération profite également aux opérateurs de la mission dont le plafond d'emplois explose suite au passage à l'autonomie de la majorité des établissements d'enseignement supérieur. A ce titre, je précise qu'après les 38 universités et écoles passés aux responsabilités et compétences élargies en 2010, 31 établissements supplémentaires accéderont à l'autonomie en 2011. Cette dynamique perturbe la compréhension de l'évolution des crédits compte tenu des effets de périmètre qu'elle implique entre le titre 2 (dépenses de personnel) et le titre 3 (dépenses de fonctionnement).
L'année 2010 n'est pas seulement marquée par la loi de programmation, mais aussi par la mise en place du programme d'investissements d'avenir décidé par la première loi de finances rectificative pour 2010.
Plus de la moitié de l'emprunt national est fléché en faveur de la recherche et de l'enseignement supérieur. Une majeure partie de ces fonds est non-consomptible, c'est-à-dire que seuls les intérêts financiers correspondant à la rémunération du dépôt de ces fonds du Trésor, pourront être utilisés. Sous réserve de cette remarque, qui limite le volume des crédits directement affectés aux acteurs de la recherche, je souhaite attirer votre attention sur la nécessité d'être extrêmement vigilant sur l'impact de ce programme sur les comportements des opérateurs de recherche : en effet, il ne faudrait pas que les financements de l'emprunt conduisent ces derniers à négliger les appels à projets en provenance de l'Agence nationale de la recherche (ANR) ou de l'Union européenne. Il serait plus que regrettable que l'emprunt national conduise à un repli des organismes au lieu de conduire à une démultiplication des capacités d'action de ces derniers et un renforcement de leur position.
En ce qui concerne des programmes qu'il me revient de commenter, je souhaiterais faire les remarques suivantes.
S'agissant du programme relatif aux formations supérieures et à la recherche universitaire, j'ai déjà mentionné l'impact de l'autonomie budgétaire des universités sur la ventilation des crédits. Cette autonomie prendra une nouvelle dimension en 2011 puisque cinq universités devraient devenir propriétaires de leur patrimoine. Ceci a été annoncé vendredi dernier, je m'en félicite. Toutefois, je rappelle que le volet financier de la dévolution du patrimoine est extrêmement compliqué et n'est pas à ce jour stabilisé.
Je constate que Bercy rejoint les propositions du rapport que j'ai eu l'occasion de faire au printemps dernier avec mon collègue Jean-Léonce Dupont : une contribution annuelle récurrente de la part de l'Etat et une soulte versée en un ou deux ans pour prendre en compte le caractère particulièrement dégradé du patrimoine. Je souhaite que la ministre s'explique davantage en séance sur les critères utilisés pour calibrer l'intervention de l'Etat.
S'agissant du programme 231 « Vie étudiante », la mesure marquante de ce budget consiste à verser un dixième mois de bourse aux étudiants suite à l'allongement de la durée de l'année universitaire. Le principe ne me gêne pas, bien au contraire ; en revanche les modalités de financement de cette mesure soulèvent des interrogations : en effet, le premier demi-mois supplémentaire a été versé cette année, au titre de l'exercice budgétaire 2010. On peut donc s'attendre à des reports de charge sur 2011 car ceci n'avait pas été prévu en loi de finances initiale l'année dernière.
Par ailleurs, je rappelle que, depuis deux ans, la programmation budgétaire est insuffisante concernant les aides sociales. Pour 2011, je constate que le ministère a amélioré ses modalités de prévision mais je doute que l'exercice soit parfait compte tenu des évolutions quelque peu erratiques du nombre de boursiers depuis deux ou trois ans.
S'agissant du programme 187 « Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources », je me permets d'indiquer que l'amendement déposé par la commission des finances de l'Assemblée nationale, tendant à réduire le budget de l'INRA au profit des instituts techniques agricoles, n'a pas été adopté. Je m'en félicite car c'était sans aucun doute le meilleur moyen de remettre en cause le partenariat qui existe actuellement entre l'INRA et ces instituts.
S'agissant du programme « Enseignement supérieur et recherche agricole », je constate que ce programme illustre la manière dont les ministres peuvent contourner le principe de réduction des dépenses de fonctionnement. Ce principe a été préconisé par François Fillon lors des conférences sur le déficit public au printemps dernier. La traduction peut être délicate. Force est de constater que, lorsque les programmes contiennent des subventions pour charge de service public, ce sont les lignes investissements de ces subventions qui portent la réduction, ce qui réduit la contrainte sur le fonctionnement à proprement parler.
S'agissant enfin du programme « Recherche culturelle et culture scientifique », je vous indique que le rapprochement entre la Cité des Sciences et de l'Industrie et le Palais de la Découverte est effectif. Toutefois, je reste circonspect sur les modalités de ce rapprochement notamment en ce qui concerne le Palais de la Découverte, qui géographiquement se trouve également dans une autre grosse opération qui est le projet « Grand Palais des arts et des sciences ». Là aussi, je souhaite interroger en séance la ministre afin que les intentions du Gouvernement soient précisées.
Sous réserve des précédentes remarques, je suis favorable à l'approbation de ces crédits.
C'est la première fois que je vais m'exprimer devant vous en tant que rapporteur spécial. Comme vous le savez, je n'ai eu que peu de temps pour préparer la présentation des crédits de cette mission, ainsi que l'article 78 qui lui est rattaché.
Des cinq programmes qu'il me revient plus particulièrement de commenter, le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » est le plus important en taille. Il finance les plus importants organismes publics de recherche, parmi lesquels le Centre nationale de la recherche scientifique (CNRS), l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), ou encore l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA). Côté crédits, il regroupe 5,132 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP), soit 20,4 % des CP de la mission. Il affiche une diminution de 1,5 % de ses CP à périmètre constant par rapport à 2010, essentiellement en raison de la baisse des crédits budgétaires de l'Agence nationale de la recherche (- 68 millions d'euros, soit - 8,1 % comparé à l'an dernier).
Cette contraction peut étonner après plusieurs années de montée en puissance de cette agence, traduction d'un choix politique clair : faire émerger et développer une « culture de projets » au sein du monde français de la recherche.
Le ministère indique que cette évolution des crédits vise essentiellement à éviter des « doublons » entre la MIRES et l'emprunt national. Je prends acte de ces explications, mais des précisions pourront sans doute être apportées en séance, l'emprunt national n'ayant normalement pas vocation à se substituer aux crédits budgétaires.
D'autre part, l'ANR ayant été désignée comme le principal opérateur des actions du programme des investissements d'avenir, elle gèrera à ce titre 17,9 milliards d'euros de crédits, non consomptibles pour l'essentiel. Ses effectifs croîtront de 65 emplois temps plein (ETP) pour atteindre 156 ETP. Il serait bon que la ministre puisse expliquer comment l'Agence absorbe ses nouvelles missions.
Les autres opérateurs du programme, bien qu'ayant des crédits orientés à la hausse, devront néanmoins faire preuve d'une gestion rigoureuse afin d'assumer d'une part, les conséquences financières de la poursuite du « plan carrières » dont bénéficieront les chercheurs, et, d'autre part, pour certains d'entre eux, l'évolution de la part des crédits qui leur sont consentis qui devront être mis en réserve.
Sur le programme « Recherche spatiale », j'évoquerai tout d'abord l'évolution de la dette de la France à l'égard de l'Agence spatiale européenne (ESA), sur laquelle, à l'initiative de Christian Gaudin, la commission des finances avait demandé une enquête à la Cour des comptes.
Comme promis l'an dernier, les crédits budgétaires vont augmenter, mais pas autant qu'annoncé devant la commission : 755 millions d'euros en 2011 au lieu de 770 millions (à comparer à 685 millions par an jusqu'en 2010). Surtout, et c'est inquiétant, cette ligne ne suffira pas pour commencer à combler le « trou ». Au contraire, la dette devrait passer à 450 millions d'euros fin 2010, puis à 500 millions fin 2011. Les documents budgétaires montrent toujours une dette ramenée à zéro fin 2015, mais au prix d'un nouvel effort financier (plus de 800 millions d'euros par an dès 2012) et, bizarrement, d'une diminution des sommes que l'ESA réclamera à la France à compter de 2012. Cette dernière hypothèse méritera d'être vérifiée en séance publique...
Au sujet des actions purement nationales, ce budget, qui est le premier du nouveau contrat Etat-Centre national d'études spatiales (CNES) 2011-2015, offre une traduction concrète du caractère prioritaire de la recherche spatiale aux yeux de l'Etat. En effet, pour ses programmes en propre, le CNES enregistre une augmentation de 15 millions d'euros de sa dotation (+ 2,6 %), ce qui le place parmi les opérateurs de la MIRES les plus favorisés de l'Etat.
En revanche, plusieurs opérateurs du programme « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables » ne connaissent pas la même évolution.
C'est, dans une certaine mesure, le cas de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), dont les crédits diminueront de 30 millions d'euros, qui devraient être compensée par l'instauration d'une nouvelle redevance. Le caractère régulier et incontestable de cette redevance devra être particulièrement assuré, l'IRSN ne pouvant se passer des moyens budgétaires supprimés sans compensation à due concurrence.
C'est aussi le cas du CEA, dont l'augmentation de crédits ne fait que traduire la budgétisation du dividende qu'il tirait jusqu'à présent d'AREVA (104 millions d'euros).
C'est enfin et surtout le cas de l'IFP énergies nouvelles, dont la dotation affiche ainsi une diminution de 20 millions d'euros (- 12 %). Je note qu'un rapport de revue générale des politiques publiques (RGPP) recommande à cet institut de développer ses ressources extérieures. Toutefois, je relève qu'IFP énergies nouvelles sera, en 2011, l'un des très rares opérateurs de recherche dont plus de la moitié du financement ne sera pas constituée d'une subvention étatique. Il n'est donc pas prouvé que cette réduction de crédits n'affecte pas un établissement performant, ce dont les prochains budgets devraient tenir compte...
Un dernier mot sur les avances remboursables de la filière aéronautique. Leur diminution de plus de moitié résulte, là aussi, au moins en partie, d'un transfert de charge vers le grand emprunt (en particulier pour le programme Airbus A 350).
Quelques mots enfin sur le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » et plus particulièrement sur OSEO Innovation. Son mode de financement est grandement simplifié dans le présent projet de loi de finances car tout passe désormais par ce programme, du fait de l'épuisement de la réserve qu'OSEO tirait de sa fusion avec l'ancienne Agence pour l'innovation industrielle (AII) en 2008. Cette budgétisation entraîne une importante augmentation apparente de crédits, de 170 millions à 285 millions d'euros dans ce budget. Mais, en tenant compte de l'effet de périmètre dont je vous ai parlé, cette augmentation correspond, en réalité, à une diminution de 26 millions des crédits d'intervention de l'agence.
Il s'agit là d'une évolution particulièrement dommageable et je ne souhaite pas que, l'année prochaine, le soutien aux PME innovantes subisse de nouvelles coupes claires.
Le programme « Recherche duale » n'appelle pas de remarque particulière.
Sous le bénéfice de ces observations, je rejoins Philippe Adnot pour recommander l'adoption sans modification des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Le physicien que je suis voudrait démonter le caractère « optique » de la présentation des crédits de cette mission. S'agissant de l'INRA, je ne sais pas quelle mouche a piqué les députés pour qu'ils envisagent de prendre des crédits sur le budget de cet institut, même si leur initiative n'a finalement pas abouti. L'IFP-Energies nouvelles, quant à lui, a un rôle important à jouer dans le volet recherche du Grenelle de l'environnement et il fonctionne très bien. La ponction que l'on opère sur ses crédits ne se justifie donc pas.
D'autre part, des opérations, comme la budgétisation du dividende qu'Areva versait au CEA, gonflent optiquement les crédits, mais elles sont « blanches » en termes de moyens.
Le principe de transparence, qui est un des piliers de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) n'est pas respecté. Chaque ministère joue à « cache-cache » et identifier les crédits nécessite un vrai travail de bénédictin. J'ai du mal à m'y retrouver. Je conviens toutefois qu'il y a comme une « sanctuarisation » de la recherche publique, avec une augmentation de 0,9 % des crédits à périmètre constant. Cependant, la dépense intérieure de recherche et développement (DIRDE) est en régression et l'on revient de 2,11 % à 2,09 % du PIB. C'est un problème de compétitivité pour la France. En outre, je m'étonne du fait que les rapporteurs spéciaux n'aient pas évoqué le crédit impôt recherche (CIR)...
Il en a été question ce matin dans le cadre du débat sur la première partie du projet de loi de finances.
La succession de primo-accédants au CIR relevant de la même holding pourrait faire l'objet d'un amendement. Ce sont là des dérives.
J'en ai terminé. Je présenterai mon avis budgétaire mercredi prochain à la commission de l'économie.
J'ai reconnu une progression des crédits dédiés à la recherche de 0,9 %.
Comment le Palais de la découverte, que j'ai encore visité dimanche dernier et qui un bel instrument de vulgarisation scientifique, s'inscrit-il dans le rapport Cluzel ?
On voit bien le rapprochement avec la Cité des sciences, et moins bien les modalités avec le Grand Palais. On interrogera le ministre.
Comme l'a souligné Nicole Bricq, nous avons évoqué le crédit impôt recherche ce matin dans le cadre de l'article 15 du projet de loi de finances. En reparler ici aurait donc été redondant.
A cet égard, le président de la commission de l'économie souhaitera se rapprocher du président Arthuis, afin que les deux commissions puissent prendre, éventuellement, des initiatives communes.
L'appréciation que nous portons sur l'IFP est très complémentaire de celle que vous évoquez.
Reconnaître que le budget comporte des mesures positives n'empêche pas d'exprimer des inquiétudes et de mettre en garde contre des dérives. Le financement des universités devait reposer davantage sur leur performance. Le grand emprunt a perturbé la procédure et s'il y a un effort considérable, nous devons rester lucides sur les dérives, notre rôle étant de mettre la ministre en garde.
Le rapporteur spécial a-t-il un avis sur la dévolution du patrimoine immobilier aux universités ?
Le rapport que nous avons rendu, Jean-Léonce Dupont et moi-même, est parfaitement d'actualité. L'ambition est bonne. Cinq universités ont accepté la dévolution, mais tous les sujets ne sont pas réglés car l'enveloppe actuelle d'investissement et d'entretien est sous-évaluée. L'expérience des premières universités sera fort utile. Notre proposition de loi est destinée à régler des problèmes intermédiaires. Certaines universités ne peuvent passer de partenariats public-privé faute de pouvoir disposer des droits réels.
La dotation aux amortissements dépend de la valeur des immeubles, élevée en centre-ville et faible en périphérie alors que les investissements de mise à niveau sont de même nature.
Vous souhaitez donc que l'Etat, au moins pendant la période transitoire et bien qu'il ne soit plus propriétaire, verse une dotation d'entretien ?
La dévolution suppose une dotation aux amortissements. Nous estimons dans notre rapport qu'il manque 150 millions d'euros.
Je vous invite donc à considérer avec attention l'amendement à l'article 30 dont nous avons parlé ce matin.
Le rapporteur spécial pourrait nous présenter l'article 78, rattaché à la mission.
Bien volontiers. Depuis la loi de finances pour 2004, les jeunes entreprises innovantes (JEI) sont exonérées de cotisations patronales de sécurité sociale, pour les chercheurs, techniciens, gestionnaires de projet de recherche-développement, juristes chargés de la protection industrielle et des accords de technologie liés au projet et personnels chargés de tests pré-concurrentiels. L'exonération porte sur les cotisations maladie, maternité, invalidité, décès, vieillesse, allocations familiales, accidents du travail et maladies professionnelles. Elle est totale et non plafonnée. L'article 78 tend à revoir cet avantage en instaurant un plafond de rémunération mensuelle brute par personne, fixé à 4,5 fois le salaire minimum, un plafond annuel de cotisations éligibles par établissement fixé à trois fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit 103 860 euros pour 2010, et en prévoyant une diminution progressive des exonérations au cours de la vie de l'entreprise : sur la base du montant d'exonération auquel peut prétendre l'établissement, le taux d'exonération serait inchangé de la première à la quatrième année, puis connaîtrait une réduction progressive au cours des quatre années suivantes avant son extinction. L'économie est évaluée à 57 millions d'euros par le Gouvernement.
Mais je ne peux pas suivre son raisonnement. En effet, la principale motivation de cette mesure est l'évolution du coût du CIR depuis la réforme de la loi de finances pour 2008. Or, si cette réforme a eu d'incontestables effets positifs, j'observe que les jeunes entreprises innovantes qui, par nature, connaissent une forte croissance de leurs dépenses de recherche-développement, ont été les plus pénalisées par la suppression de la tranche de CIR dite « en accroissement » lors de la réforme de 2008 ; c'est même parmi ces entreprises que l'on peut trouver quelques-uns des très rares perdants de cette réforme. En outre, les crédits d'intervention d'Oseo doivent diminuer de 26 millions d'euros en 2011 ; là encore, les JEI font partie des entreprises qui auront à subir les conséquences financières de cette réduction d'un important dispositif de soutien public aux projets innovants. C'est pourquoi je vous propose un amendement de suppression de cet article, cosigné par Philippe Adnot. Cela concerne environ 2 500 entreprises.
Je voudrais rappeler que lors de l'instauration du régime spécial des JEI, la commission des finances était très réservée : il nous paraissait inopportun de distinguer entre les entreprises et de créer une nouvelle niche ; d'ailleurs la définition des JEI est complexe. Le régime présente plusieurs avantages au plan fiscal, elles sont exonérées de l'imposition forfaitaire annuelle et pouvaient naguère l'être de taxe professionnelle et de taxe foncière, comme aujourd'hui de contribution économique territoriale, sur délibération des collectivités ; elles sont également exonérées de l'impôt sur les sociétés sur leurs bénéfices, entièrement pendant trois ans et de moitié pendant deux ans. Certes, ces jeunes entreprises sont rarement bénéficiaires les premières années, mais elles le deviennent ensuite.
S'agissant des cotisations sociales, les JEI bénéficient du remboursement anticipé du CIR, comme désormais toutes les PME, et sont exonérées des cotisations patronales pour certains de leurs salariés. Le coût de ces exonérations va croissant : 129 millions d'euros en 2009, 145 millions en 2010. M. Dominati a rappelé la teneur de l'article 78, qui tend à plafonner l'exonération et à la diminuer progressivement au cours de la vie de l'entreprise : je crois pour ma part qu'un atterrissage en douceur est souhaitable. L'économie de 57 millions d'euros ainsi réalisée n'est pas négligeable. D'ailleurs les JEI conserveront un régime dérogatoire. Considérant que la réduction des niches est un objectif légitime, je souhaite le retrait de cet amendement.
Nous avons parlé ce matin de l'importance d'une législation stable ; or ce dispositif n'a pas encore huit ans ! Je sais d'ailleurs que M. le rapporteur général est très attaché au principe de non-rétroactivité en matière fiscale. Je ne suis pas un adepte du rabot : il faut examiner au cas par cas les effets des mesures proposées.
Le problème de la France, c'est la faiblesse de son réseau d'entreprises de taille intermédiaire. La période comprise entre le troisième et le cinquième anniversaire d'une entreprise est délicate ; allons-nous abandonner les JEI en rase campagne, alors que dans ces domaines de pointe, comme les biotechnologies, la valorisation des recherches prend du temps ? Si l'État ne soutient pas les projets novateurs, ils seront vendus à l'étranger au bout de quelques années. L'article 78 ne s'impose pas pour des raisons d'équilibre budgétaire : la faible économie de 57 millions d'euros n'est attendue qu'à terme, car les premières JEI arrivent tout juste à l'âge de la diminution prévue. Mieux vaudrait s'attaquer à certains abus du CIR. Si l'amendement de Philippe Dominati n'est pas adopté, j'en proposerai un autre, lors de l'examen en séance publique, tendant à imposer le remboursement des aides d'État si une entreprise, qui a bénéficié du régime, est vendue à l'étranger.
Nous ne pouvons pas nous contenter de constater la situation préoccupante des finances publiques : il faut y remédier. Les niches fiscales et sociales ont toutes leur justification, et chaque fois que nous tenterons de mettre un coup de rabot ou plutôt de varlope, certains se récrieront : il faut s'y résoudre. Au nom du principe de non-rétroactivité, on pourrait aussi bien abandonner l'idée de réduire les dépenses de l'État !
Le régime des JEI coûte 145 millions d'euros à l'État ; le Gouvernement ne propose que d'économiser 57 millions sur les cotisations de 2011. La sortie progressive du régime me paraît être une solution modérée. Certes, il faut de la stabilité, mais nous n'avions pas prévu la crise. D'ailleurs cet article n'est pas rétroactif : il ne porte que sur les cotisations à venir. Comme l'a dit François Trucy, chaque fois que nous essaierons de revoir un régime fiscal favorable, il y aura des mécontents ; mais si la commission des finances n'est pas intraitable, qui le sera ?
Il y a six ans, nous avons instauré un régime fiscal applicable pendant huit ans ; au cours des quatre premières années, les JEI n'en ont pas bénéficié puisqu'elles n'ont dégagé aucun bénéfice. Ce serait un mauvais signal que de réduire aujourd'hui cet avantage : autant le supprimer tout bonnement !
L'amendement de suppression de l'article 78 présenté par M. Philippe Dominati est rejeté.
« La douleur est toujours moins forte que la plainte », disait La Fontaine...
A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » et de l'article 78 du projet de loi de finances pour 2011.
Puis, la commission examine le rapport de M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, sur la mission « Sécurité ».
La mission « Sécurité» est dotée de 16,818 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 16,819 milliards d'euros de crédits de paiement (hors fonds de concours), soit une augmentation de 2,7 % par rapport à l'exercice précédent. Avec 14,621 milliards d'euros, les dépenses en personnel constituent 86,9 % des crédits de la mission. La mission « Sécurité» est donc avant tout une mission de personnel, et cette caractéristique forte induit d'ailleurs une vraie rigidité dans son pilotage.
Depuis 2009, la mission est marquée par une évolution presque historique : le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur, de l'outre mer et des collectivités territoriales. Ce rattachement ne remet toutefois pas en cause le statut militaire de la gendarmerie nationale, ni le dualisme « policier-gendarme ». Il consiste en un rattachement organique et opérationnel en vue d'améliorer l'efficacité de la politique de sécurité. En tant que rapporteur spécial de cette mission, je peux d'ailleurs témoigner des efforts considérables et des progrès remarquables, accomplis par les deux forces, en vue d'un travail chaque jour plus coopératif. Les policiers et les gendarmes ne disent plus « ils », mais « nous ».
La baisse de la délinquance sous toutes ses formes est le premier objectif de la mission. De ce point de vue, si la délinquance constatée en matière d'atteintes aux biens a reculé de 15 849 faits entre 2008 et 2009, celle concernant les atteintes à l'intégrité physique des personnes a augmenté de 12 240 faits.
La coopération internationale s'appuie sur un réseau implanté dans 93 pays, couvrant 156 États et animé par 251 attachés de sécurité intérieure, aussi bien policiers que gendarmes. C'est un élément à part entière de notre diplomatie, qui peut aussi déboucher sur la vente de matériel français à l'étranger. La création, le 1er septembre 2010, de la direction de la coopération internationale (DCI) doit permettre d'amplifier encore ces retombées positives.
Comme en 2009 et 2010, le budget pour 2011 de la mission « Sécurité» est adossé à la future loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2). Toutefois des écarts significatifs existent entre la programmation triennale, prévue par le projet de loi de programmation des finances publiques en cours d'examen, et la LOPPSI 2. Hors charges de pension, la programmation triennale serait plus généreuse de 88 millions d'euros que la LOPPSI 2 en 2011, puis plus restrictive de 74 millions d'euros en 2012 et de 316 millions d'euros en 2013. Le Gouvernement doit rétablir la cohérence de l'ensemble, afin de sortir de l'incertitude actuelle.
Grâce aux moyens consentis en loi de finances, la police et la gendarmerie devront continuer de s'adapter à une délinquance en perpétuelle évolution. A cet égard, il convient de relever quelques décisions marquantes pour 2011. Entrée en application depuis septembre 2009 à Paris et dans trois départements limitrophes, la police d'agglomération s'étendra l'année prochaine aux ensembles urbains de Lille, Lyon et Marseille. La suppression des frontières administratives est un gage d'efficacité. En outre, les brigades spécialisées de terrain (BST) prendront le relais des unités territoriales de quartier (UTeQ). La doctrine d'emploi de ces brigades, déployées dans les zones sensibles, passe par l'occupation du terrain afin de lutter contre la délinquance, les violences et les trafics. Ces BST, comme avant elles les UTeQ, constituent une sorte de police de proximité envisagée sous l'angle pragmatique de l'efficacité opérationnelle.
On peut également se réjouir que le Gouvernement ait enfin écouté les parlementaires : à compter du 1er janvier 2011, la responsabilité du transfèrement des détenus entre leur cellule et les palais de justice, ainsi que les missions d'escorte et de garde des détenus hospitalisés dans les unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI), sera transférée au ministère de la justice et des libertés. En contrepartie, celui-ci se verra accorder 800 emplois supplémentaires entre 2011 et 2013. Afin de limiter les transfèrements, un recours accru à la vidéoconférence serait d'ailleurs souhaitable. Je me félicite également du progrès en cours dans le domaine des gardes statiques : le ministre de l'intérieur a tout récemment annoncé un effort de rationalisation en la matière, s'appuyant notamment sur la vidéosurveillance.
Je veux enfin souligner la suppression de certains doublons entre police et gendarmerie. Cet effort doit être poursuivi sans relâche. A titre d'exemple, un nombre croissant d'actions de formation sont désormais menées en commun. La réorganisation des services informatiques de la police et de la gendarmerie a également débouché sur la création d'un service commun. Espérons que cela permettra d'éviter les errements du passé, tels que la non compatibilité des systèmes de communication « Acropol » (pour la police) et « Rubis » (pour la gendarmerie).
Le programme « Police nationale » comporte 9,088 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 3,9 %. Il connait une augmentation de son plafond d'emploi qui passe à 145 504 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT), mais une baisse de 712 ETPT de ses effectifs à périmètre constant. Sur quatre ans, 4 373 ETPT auront ainsi été supprimés dans le cadre de la RGPP, l'effet de ces suppressions étant toutefois amorti par des recrutements importants d'adjoints de sécurité (ADS). Les dépenses de fonctionnement enregistrent une baisse de 0,6 % et se montent à 762,7 millions d'euros. Toutefois, après prise en compte des arbitrages réalisés en gestion au cours de l'exercice 2010, cette diminution est plus marquée : 5,5 %. Un seuil a ainsi été atteint concernant les moyens de fonctionnement de la police. Aller au-delà ferait désormais peser un risque sur le potentiel opérationnel de cette force.
Les dépenses d'investissement connaissent un recul conséquent : les crédits de paiement chutent de 28,3 % et les autorisations d'engagement de 77,5 %. On peut s'en inquiéter : si l'on ne peut qu'être favorable au « rabotage » des dépenses, il ne faut pas atteindre l'os... Or, au sein du programme, les marges de manoeuvre sont d'autant plus limitées que la LOPPSI 2 impose l'utilisation de certains crédits pour des dépenses liées aux nouvelles technologies.
Le programme « Gendarmerie nationale » s'appuie sur 7,755 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une progression de 12,7 %. La RGPP fixe pour objectif la suppression de 3 509 ETPT sur la période 2009-2011. En application de cette politique, 1 246 ETPT ont été supprimés en 2009, 1 303 ETPT l'ont été en 2010. Pour 2011, le plafond d'emploi de la gendarmerie s'établit à 97 198 ETPT. Je rappelle toutefois que la densité des forces de sécurité est plus forte en France que chez tous nos voisins européens. Les dépenses de fonctionnement diminuent de 2 % et se montent à 1,057 milliard d'euros en 2011. Dans un contexte de réduction des crédits et afin de préserver la continuité du service et la performance des unités, le choix a été fait de sanctuariser les dépenses de fonctionnement courant au détriment des investissements. Ainsi, la dotation en crédits de paiement consacrée à l'ensemble de l'effort d'investissement s'élève-t-elle à 262,2 millions d'euros, en baisse de 13 % par rapport à 2010.
Enfin, l'opération en Afghanistan explique pour une très large part les surcoûts prévisionnels des opérations extérieures (OPEX) pour la gendarmerie nationale en 2010. Alors que l'autorisation initiale de dépense était fixée à 15 millions d'euros, un surcoût de 27,9 millions d'euros est à déplorer. A elle seule, notre intervention en Afghanistan coûte 20 millions d'euros.
Les crédits consentis aux programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale» contribueront d'autant plus à l'efficacité de nos forces de sécurité que celles-ci continueront d'avancer sur la voie de la rationalisation de leurs moyens. Je veux ici insister sur la nécessité d'aller vers un principe de spécialisation, seul garant de la pérennité de nos deux forces. La police et la gendarmerie n'en ont pas fini de leur processus de mutation et de modernisation. En conclusion, je vous propose l'adoption des crédits proposés pour la mission « Sécurité» et pour chacun de ses programmes.
Quels sont les pays européens qui disposent à la fois d'une double force de sécurité, militaire et civile ? Y a-t-on favorisé les coopérations ?
Ces trois pays sont l'Italie, l'Espagne et la Belgique, peut-être en raison de l'héritage napoléonien. Les Belges ont envisagé un temps de supprimer leur gendarmerie et l'ont finalement rapprochée de la police. Encore une fois, la spécialisation et la suppression des doublons sont indispensables. Mais il sera par exemple difficile de faire accepter la disparition, soit du Raid, soit du groupement d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN).
Je ne comprends pas bien les raisons qui ont poussé à rattacher la gendarmerie au ministère de l'intérieur.
C'était la nécessité de mutualiser les moyens et de supprimer les doublons, qui coûtent cher.
A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Sécurité ».
La commission procède enfin à l'examen du rapport de MM. François Trucy, Charles Guené et Jean-Pierre Masseret, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Défense » et l'article 69 du projet de loi de finances pour 2011.
Je vous prie d'excuser Charles Guené, empêché, qui a participé à la rédaction de ce rapport. Notre première satisfaction est d'avoir reçu des états-majors et des services du ministère des réponses précises à toutes nos questions, ce qui n'est pas toujours le cas.
La nouvelle programmation budgétaire triennale prévoit que, par rapport à la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2009 à 2014, sur la période 2011-2013, la mission « Défense » verra ses crédits budgétaires réduits d'un montant total de 3,63 milliards d'euros, partiellement compensés par la perception décalée de 2,37 milliards d'euros de recettes exceptionnelles, soit une perte de ressources nette de 1,26 milliard d'euros sur trois ans. Cependant, il ressort de la programmation actualisée que, compte tenu du fort supplément de dépenses constaté en 2009, sur la totalité de la période de programmation l'écart entre les dépenses effectives et celles prévues par la loi de programmation militaire ne serait pas significatif, si l'on retient l'hypothèse d'une stabilisation en volume en 2014 de l'ensemble des ressources de la mission « Défense ».
Il existe cependant plusieurs aléas. Tout d'abord, les ressources exceptionnelles attendues de la vente de fréquences hertziennes et de cessions d'immeubles n'ont pas été à la hauteur des attentes, en raison notamment de la conjoncture des marchés. Ensuite, le ministère de la défense doit réussir sa réforme. Le Livre blanc et la RGPP conduisent en effet à une réduction d'effectifs assez considérable, de l'ordre de 54 000 postes civils et militaires. L'évolution est semblable au Royaume-Uni : notre armée comptera 225 000 personnes en 2014 contre 274 000 en 2008, l'armée britannique en comptera 218 000 en 2015 contre 260 000 en 2010. Par ailleurs, les opérations extérieures posent un problème récurrent de financement. Jusqu'à récemment, elles étaient surtout financées par décrets d'avances et prélèvements sur les programmes d'équipement ; à partir de 2005, on a assisté fort heureusement à une rebudgétisation. Les progrès réalisés à cet égard sont considérables, le montant inscrit dans le présent projet de loi de finances étant de 630 millions d'euros. Cependant, comme les années précédentes, l'excédent du surcoût des opérations extérieures (OPEX) par rapport aux montants inscrits en lois de finances a été financé en 2009 et en 2010 par un décret d'avance « gagé » sur des annulations de crédits d'équipement, rouverts en loi de finances rectificative de fin d'année. Le problème des crédits reportés et non consommés risque donc de se poser à nouveau. Or les OPEX ne sont pas un luxe : elles contribuent à l'influence et à l'image de la France à l'étranger, et les réduire aurait un coût politique considérable.
Certaines cibles d'acquisition de matériels pour 2014 ont déjà été révisées. Ainsi, les prévisions d'achats d'équipements FELIN, qui garantissent l'efficacité et la sécurité des fantassins, ont été revues à la baisse ; en revanche, treize Rafale de plus seront achetés, pour un coût de près d'1 milliard d'euros, parce qu'aucun n'a été vendu à l'étranger...
Lors de l'examen du projet de LPM 2009-2014, mes collègues et moi-même nous étions efforcés d'évaluer les principaux aléas relatifs à la programmation, que nous estimions alors à environ 7 milliards d'euros. Notre estimation révisée est désormais de plus de 12 milliards d'euros, en raison notamment des incertitudes accrues sur les ressources. La perception des recettes exceptionnelles est en effet incertaine, et le contexte budgétaire pourrait exiger de nouvelles réductions de dépenses.
La France a fondé sa puissance militaire sur sa capacité d'intervention, qui requiert des avions performants. Or notre flotte de transport tactique est désuète, et un avion coûte de plus en plus cher à entretenir à mesure qu'il vieillit : il en va ainsi du Transall. Il était donc indispensable de conclure le contrat industriel qui prévoit la livraison à la France de 50 A400M sur un total de 180, pour un montant de 6 milliards d'euros sur un total de 20 milliards. Or ce programme a pris du retard. Il a fallu que les pays participants se réunissent en une sorte de « camp du Drap-d'Or » et acceptent des surcoûts. Les premières livraisons, prévues en 2009, sont désormais attendues en 2013, mais dans l'intervalle il faudra maintenir notre flotte. La location d'avions, la prolongation de la durée de vie de certains des Transall actuels, et l'acquisition de CASA espagnols, permettront-ils de préserver les capacités opérationnelles ? Certains officiers en doutent.
Il faut saluer l'accord historique conclu entre la France et le Royaume-Uni, alors que les précédentes négociations sur les frégates et les porte-avions avaient toutes échoué. C'est la seule voie vers l'Europe de la défense, car en la matière l'Allemagne ne peut être notre seul partenaire : on y débat encore de la professionnalisation des armées... La mutualisation de nos forces pourrait permettre des économies considérables.
Je vais maintenant vous présenter plus spécifiquement les crédits prévus pour la mission « Défense » en 2011. La mission « Défense » comporte quatre programmes, dont les plus importants sont le programme 178 « Préparation et emploi des forces » et le programme 146 « Equipement des forces ».
Les sommes en jeu, qui ne sont pas négligeables, doivent assurer année après année l'outil, la formation et les capacités nécessaires à la mise en oeuvre des politiques décidées par le Président de la République et le Parlement.
Sur les crédits de paiement, les économies par rapport à la LPM atteignent 500 millions d'euros ; mais des ressources exceptionnelles supplémentaires de 450 millions d'euros sont attendues - bien que non encore concrétisées - provenant notamment de la cession de biens immobiliers et de fréquences hertziennes, de sorte qu'au total selon le Gouvernement les ressources de la mission « Défense » seraient réduites de seulement 50 millions d'euros. Par ailleurs, ces économies sont accrues d'environ 30 millions d'euros par rapport à une application stricte de la LPM, le Gouvernement ayant retenu une hypothèse d'indice des prix légèrement inférieure à celle associée au présent projet de loi de finances. Il faut souligner à cet égard que l'inflation quasiment nulle observée en 2009 pourrait réduire le « pouvoir d'achat » de la mission « Défense » d'environ 1,5 milliard d'euros sur la période de programmation. Les économies affectent particulièrement le programme 146 : ralentissement des commandes, étalement des livraisons, techniques bien connues, avec la réduction du nombre d'unités commandées.
Les effectifs sont singulièrement réduits, ils sont inférieurs d'environ 4 000 ETPT chaque année par rapport à la loi de programmation militaire. La déflation des effectifs n'est pas plus rapide que prévu en rythme annuel mais on est parti en 2008 d'un niveau plus bas. Elle ne se ralentira pas.
Les dépenses sont destinées à bâtir un outil militaire opérationnel. Contribuent-elles vraiment, dans les faits, à poursuivre cet objectif ? Ce n'est pas tout à fait le cas. La précédente LPM prévoyait de pouvoir projeter une force globale de 50 000 militaires ; cet objectif a été ramené à 30 000 par la LPM actuelle. Autre exemple, l'emploi du matériel maritime : les quasi-ruptures capacitaires sont nombreuses, sur les sous-marins nucléaires d'attaque, sur les frégates... L'argent est engagé, mais la satisfaction des besoins n'est pas forcément au rendez-vous. On s'interroge donc naturellement sur notre capacité future à tenir les prévisions.
J'en viens au service de santé des armées (SSA). Je n'oublie pas que j'ai failli être médecin militaire !
Cette année, la Cour des comptes a établi un rapport critique sur la gestion des hôpitaux des armées. L'utilité d'un tel travail est incontestable et les prescriptions de la Cour sont indéniablement pertinentes. Mais la sévérité de certains jugements me paraît un peu injuste. Les militaires ne sont pas des fonctionnaires portant un uniforme. Le recrutement, la formation initiale et continue, sont très différents de ce qu'ils sont dans les autres corps de l'État. Les missions et les contraintes également. Les nombreux CDD ne sont pas toujours renouvelés, surtout avec la déflation des effectifs. Et les intéressés sont prévenus au dernier moment. En dépit de l'accompagnement - formation de sortie, pécule - les conditions de sortie de l'emploi sont particulières... Quant aux professionnels qui ont pris la place des jeunes conscrits célibataires, ils ont famille, enfants. Je plaide pour que les jugements de la société civile tiennent compte de ces spécificités.
Le taux d'occupation dans les hôpitaux du SSA est de 52 %. Certes. Mais songez que lorsque la guerre du Golfe a été brutalement déclarée, les 800 lits de l'hôpital Sainte-Anne de Toulon ont été libérés en prévision du rapatriement des blessés. Il est resté vide pendant plusieurs mois. Comment demander une gestion en équilibre à pareil établissement ? Dans les OPEX, le SSA assure la couverture médicale, chirurgicale, dentaire des troupes ; et cela compte dans le moral de celles-ci. Or, pour monter une antenne médicale en Afghanistan, on pille les huit hôpitaux français : je le mentionne comme une réponse à un reproche de la Cour des comptes, laquelle compare les 140 séjours chirurgicaux par chirurgien et par an dans les hôpitaux militaires aux 243 des hôpitaux civils. Je signale qu'un amendement adopté par la commission des finances dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, à l'initiative de son rapporteur pour avis, notre collègue Jean-Jacques Jégou, tend à charger les agences régionales de santé (ARS) de contracter avec les hôpitaux militaires afin d'instaurer des coopérations.
Nous avons un hôpital militaire à Metz, dont le personnel est hautement qualifié. Mais son avenir est en suspens.
J'en viens maintenant aux perspectives à plus long terme. Un graphique intéressant a été établi par l'état-major de l'armée de terre, pour illustrer les perspectives d'application de la loi de programmation militaire 2011-2014, et plus généralement du Livre blanc de 2008. La capacité de financement des objectifs du Livre blanc ou de la loi de programmation suit une pente descendante. Si cette tendance se confirme dans les années à venir, les conséquences à moyen et long termes seront considérables. Plusieurs scenarii, pour la période allant jusqu'en 2020, ont été explorés par les rapporteurs spéciaux. Celui du Livre blanc, d'abord, selon lequel, à partir de 2012, les crédits doivent augmenter de 1 % par an en volume : cet objectif ne sera pas tenu. Celui d'une évolution « zéro volume » à partir de 2014 : tout dépend de si l'on inclut ou non les ressources exceptionnelles de 2013 dans le montant pris comme point de départ. La catastrophe serait une évolution « zéro valeur », autrement dit une dégradation en volume. Dans l'hypothèse la plus défavorable, pour les dépenses en 2020, l'écart entre l'objectif du Livre blanc, 33 milliards d'euros, et la réalisation, 26 milliards, atteindrait 7 milliards...
La question principale est dès lors : quelle armée voulons-nous en 2020 ? Quel positionnement de la France dans l'Europe de la défense ? Quelles capacités opérationnelles ? Quelles économies acceptons-nous, sur quels matériels : les sous-marins nucléaires d'attaque, les hélicoptères, les A400M ?
Ces préoccupations ne sont ni de droite ni de gauche. Le décalage n'est pas nouveau avec les objectifs des lois de programmation militaire - en incluant les dépenses non prévues, les ressources manquantes ont atteint, pour les dépenses d'équipement des deux dernières LPM, 13 et 8 milliards d'euros -, mais précisément, le cumul produit une désagrégation progressive. Pas seulement chez nous, du reste : les Britanniques n'ont plus d'industrie militaire, ne sont plus capables de produire industriellement leurs ogives nucléaires. Finalement ils viennent nous voir, ce qui est très nouveau, pour proposer des coopérations !
Nous ne pourrons esquiver longtemps ces questions. Nous devons nous les poser très tranquillement, quelles que soient nos appartenances politiques respectives. François Mitterrand, lorsqu'il siégeait à la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, disait : « On ne vote pas contre les crédits militaires de son pays ».
L'absence de politique de défense européenne, la place - ou non - de l'Europe dans le monde futur, ne sont pas des sujets de polémiques mais d'interrogations. Les pays émergents consentent des efforts considérables. La Chine, la Russie, dépensent beaucoup plus que nous en pourcentage de PIB, mais aussi en milliards d'euros. Pour notre pays, un simple maintien du niveau des dépenses en pourcentage de la richesse intérieure imposerait une progression de 2 % en volume. Nous n'y sommes pas. La loi de programmation 2009-2014 prévoit une révision en 2012 : nous aurons donc bientôt l'occasion de réfléchir à tout cela, lucidement, objectivement. Car les difficultés à venir sont plus grandes que ce que l'on imagine.
Personne ne vote ce budget de gaité de coeur, chacun préférerait consacrer les sommes à l'éducation ou la culture. C'est la raison qui nous l'impose. Je partage le point de vue de M. Masseret. Et peut-être y a-t-il une fenêtre pour une coopération fructueuse avec les Britanniques - avec, faut-il espérer, un effet d'entraînement sur les autres, qui investissent si peu, l'Allemagne par exemple, qui songe à réduire encore ses dépenses militaires.
Bientôt s'ouvrira le débat sur l'Otan et la défense anti-missiles balistiques. Les Américains sont en position, via leur base de Ramstein en Allemagne, de prendre la maîtrise de l'espace aérien européen. Les discussions seront compliquées.
L'effort militaire demandé à la nation est important. Et puisque l'on cherche des économies dans tous les secteurs de la dépense publique, la défense ne peut pas ne pas y contribuer. Ayons conscience, tout de même, des conséquences de la réduction des effectifs : un fonctionnaire qui part à la retraite et n'est pas remplacé, c'est un retraité de plus, mais un militaire dont le CDD n'est pas renouvelé, c'est un chômeur supplémentaire. Des mesures d'accompagnement spécifiques sont-elles prises ?
On doit y consacrer de l'ordre d'un milliard d'euros sur la période de programmation.
La moitié du déficit des hôpitaux publics provient des huit hôpitaux militaires. Et si les ARS veulent mettre en place des conventions avec les hôpitaux militaires, elles auront de quoi faire... Je suis président d'un centre hospitalier régional (CHR) et je constate l'évolution très rapide des techniques, des métiers, des équipements : nous avons tout intérêt à démarrer rapidement la mutualisation. Certes, les hôpitaux militaires ont des contraintes et des spécificités, mais une nouvelle guerre n'est pas déclenchée chaque mois. On peut déplorer une certaine opacité de gestion. Nous aurions intérêt, me semble-t-il, à aller jusqu'au bout de la réflexion ouverte par la Cour des comptes. Le Sénat ne pourrait-il mener sa propre analyse des possibilités de mutualisation des équipements et de mobilité du personnel ?
L'investissement dans les équipements militaires représente des masses financières considérables, mais avec un effet en retour sur la recherche civile, le développement industriel, le progrès : a-t-on évalué cette incidence ? On parle toujours de réindustrialiser la France, mais les leviers pour le faire ne sont pas si nombreux : ici, nous en avons un.
Snecma, Thales, Safran, Sagem contribuent à l'activité économique et à la mise au point d'outils civils. La recherche civile et militaire, dite recherche duale, se développe rapidement. Des centaines de milliers d'emplois industriels sont en jeu, dans les grandes entreprises mais aussi chez les sous-traitants et jusque dans les petites PME. De nombreuses entreprises lorraines travaillent ainsi pour Dassault ou Thales.
C'est en mettant l'accent sur ces effets induits que l'on obtiendra l'adhésion de la nation à l'effort militaire.
Les militaires doivent aussi apprendre à sortir de leur tour d'ivoire. Lorsque deux hôpitaux, un civil et un militaire, cohabitent dans une ville, les équipements du second sont enviés et je peux vous dire que l'on n'en est pas encore au stade de la complémentarité !
M. Masseret et moi proposons conjointement à la commission d'adopter les crédits de la défense, ainsi que l'article 69 relatif à l'évolution du régime de responsabilité pécuniaire applicable aux militaires.
A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Défense » ainsi que de l'article 69 du projet de loi de finances pour 2011.