Intervention de Laurent Béteille

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 26 mars 2008 : 1ère réunion
Contrats de partenariat — Examen du rapport

Photo de Laurent BéteilleLaurent Béteille, rapporteur :

a tout d'abord souligné que le contrat de partenariat, créé par l'ordonnance du 17 juin 2004, complétait la palette des outils de la commande publique, expliquant que ce contrat visait à confier à une personne privée une mission globale comprenant le financement, la construction, l'entretien et l'exploitation d'un ouvrage, d'un équipement ou d'un bien immatériel.

Il a précisé que ce mode de dévolution, utilisé depuis sa mise en place par l'Etat et surtout par les collectivités territoriales, méritait d'être encouragé et amplifié afin de répondre aux besoins en investissements publics de notre pays.

Il a ensuite retracé les différentes étapes juridiques du développement des partenariats public-privé, au départ limités à certains secteurs d'activité :

- la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire, dite loi Chalandon, a autorisé la passation de contrats globaux pour la construction d'établissements pénitentiaires ;

- la loi du 5 janvier 1988 portant amélioration de la décentralisation a permis aux collectivités territoriales de consentir un bail emphytéotique administratif (BEA) sur les dépendances de leur domaine public ;

- l'ordonnance du 4 septembre 2003 a créé, sur le modèle du BEA, le bail emphytéotique hospitalier (BEH) pour la construction et la rénovation d'établissements hospitaliers ;

- les lois d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 et d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 ont autorisé le recours à des marchés uniques pour la réalisation et la gestion respectivement d'immeubles affectés à la police ou la gendarmerie nationales et d'établissements pénitentiaires.

a souligné que le gouvernement, fort du succès de ces dispositifs sectoriels et de celui du PFI (« private finance initiative »), qui représente environ 15 % de la commande publique au Royaume-Uni, avait demandé au Parlement, dans la loi du 2 juillet 2003, une habilitation à créer les contrats de partenariat, applicables à tous les domaines d'intervention de l'Etat et des collectivités territoriales. L'objectif, a-t-il précisé, était de créer un outil qui puisse, dans certains cas, déroger aux règles habituelles des marchés publics, en permettant à une entreprise d'assurer à la fois la construction et l'exploitation d'un ouvrage, en transférant au partenaire privé la maîtrise d'ouvrage et en prévoyant enfin un versement au partenaire privé de loyers tout au long de l'exécution du contrat, alors que le code des marchés publics prohibe au contraire toute clause de paiement différé.

Après avoir rappelé que le Conseil constitutionnel a considéré, dans sa décision du 26 juin 2003 sur la loi d'habilitation, que le contrat de partenariat, dérogatoire au droit commun de la commande publique, ne pouvait être mis en oeuvre que pour des motifs d'intérêt général tels que l'urgence ou la complexité du projet, il a souligné que l'ordonnance du 17 juin 2004 avait repris ces critères.

Dressant le bilan des projets réalisés sous l'empire de l'ordonnance, il a déclaré que vingt-neuf contrats avaient déjà été attribués, dont vingt-deux par des collectivités territoriales, dans des secteurs divers (établissements pénitentiaires, fournitures d'énergie, éclairage public de communes, déchets, informatisation...) et pour des montants très variables, allant d'environ deux millions d'euros pour l'éclairage public d'Auvers-sur-Oise à 765 millions d'euros pour le grand stade de Lille.

Il a ensuite présenté les principales raisons expliquant ce bilan relativement modeste, citant :

- la concurrence des autres formes de partenariats public-privé plus anciens, donc plus ancrés dans la culture des décideurs publics, mais également plus souples d'utilisation ;

- le caractère restrictif des critères d'ouverture ;

- l'existence d'un régime fiscal et juridique moins attractif que celui des marchés publics.

Abordant le contenu du projet de loi, M. Laurent Béteille, rapporteur, a déclaré qu'une de ses principales avancées consistait en l'élargissement des conditions de recours au contrat de partenariat par la création de deux nouveaux cas d'ouverture :

- d'une part, lorsque le rapport d'évaluation préalable met en lumière que le contrat de partenariat présente un bilan avantages/inconvénients plus favorable que celui d'autres contrats de la commande publique ;

- d'autre part, lorsque le projet répond aux nécessité de certains secteurs de l'action publique jugés prioritaires, tels que l'enseignement supérieur, les implantations du ministère de la défense, les infrastructures de transport s'inscrivant dans un projet de développement durable ou la rénovation urbaine. Le projet de loi apporte toutefois un double tempérament : cette voie d'accès sectorielle n'est ouverte que jusqu'au 31 décembre 2012 et uniquement si le rapport d'évaluation n'est pas « manifestement défavorable » au recours au contrat de partenariat.

Il a également précisé que le texte visait à :

- améliorer la neutralité fiscale entre les marchés publics et les contrats de partenariat ;

- autoriser les titulaires du contrat de partenariat à ne pas souscrire, s'ils le souhaitent, à une assurance dommages ouvrage, au même titre que les personnes morales de droit public ;

- assouplir le régime juridique des contrats de partenariat, en particulier en ouvrant la possibilité de conclure un contrat de partenariat sous la forme d'une procédure négociée et en rendant obligatoire le versement d'une prime aux candidats non retenus qui ont fourni un « investissement significatif » pour participer à un dialogue compétitif ;

- apporter certaines clarifications permettant une meilleure sécurité juridique, citant, entre autres mesures, la possibilité de prendre en compte, dans la rémunération du partenaire privé, les ressources complémentaires issues de l'exploitation du domaine pour répondre à d'autres besoins que ceux de la personne publique, la possibilité pour la personne publique de bénéficier de subventions dans les mêmes conditions que si le projet avait été réalisé dans le cadre d'une maîtrise d'ouvrage publique et la sécurisation du mécanisme de cession de créance.

Après avoir signalé que le projet de loi a été élaboré à l'issue d'une consultation exemplaire des acteurs publics et privés de la commande publique, sous l'égide de la Mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat (MAPPP), M. Laurent Béteille, rapporteur, a proposé d'approuver les grandes orientations du texte, tout en souhaitant y apporter certaines améliorations.

Il a tout d'abord estimé nécessaire de préciser les conditions de recours au contrat de partenariat, proposant :

- de faire référence à une situation imprévisible, et non pas imprévue, afin de définir plus strictement le critère de l'urgence ;

- d'encadrer davantage le recours sectoriel aux contrats de partenariat prévu par le projet de loi ;

- d'étendre à la réduction des émissions de gaz à effet de serre des bâtiments publics la liste des secteurs prioritaires pour lesquels le critère de l'urgence est réputé rempli.

Il a ensuite souhaité prévoir la possibilité, pour le partenaire privé, d'exploiter, avec l'accord de la personne publique, son domaine privé au-delà de la durée du contrat de partenariat, cette mesure lui paraissant de nature à mieux rentabiliser le projet et réduire ainsi la rémunération versée par la personne publique.

Il a également suggéré de supprimer le dispositif de cession de créance spécifique aux contrats de partenariat et aux baux emphytéotiques hospitaliers, considérant que ce mécanisme, qui n'a été que très exceptionnellement utilisé depuis 2004, ne devrait pas l'être davantage à l'avenir en dépit des améliorations apportées par le projet de loi. En effet, les professionnels ont, en pratique, recours à la « cession Dailly », mieux connue et garantissant une certaine sécurité juridique. Il a indiqué que le gouvernement semblait envisager une solution de compromis.

Il a également proposé de supprimer l'autorisation de dispense d'assurance dommages ouvrage, prévue par le projet de loi. Après avoir rappelé que l'assurance dommages ouvrage avait pour principal avantage de pouvoir être utilisée sans recherche de responsabilités, il a souligné que cette dispense pourrait mettre les personnes publiques dans des situations délicates dès lors que le partenaire privé ne l'a pas souscrite et ne peut couvrir les éventuels dommages. En outre, il a mis en avant le risque de distorsion de concurrence entre les grandes entreprises, qui n'auraient pas besoin en pratique de souscrire cette assurance et celles de taille plus modeste.

Enfin, M. Laurent Béteille, rapporteur, a déclaré qu'au-delà des dispositions juridiques, le contrat de partenariat ne pourrait, à l'avenir, représenter une part significative de la commande publique que s'il faisait l'objet d'une politique ambitieuse de suivi et d'accompagnement, ce qui suppose de :

- renforcer la capacité d'expertise des décideurs publics compte tenu des enjeux du contrat ;

- bien évaluer les atouts du contrat de partenariat afin de n'y recourir que de manière circonstanciée après une évaluation rigoureuse des délais prévisionnels de réalisation et du coût global du projet, insistant sur le fait que le contrat de partenariat, en permettant de confier au même partenaire privé la construction de l'ouvrage et son exploitation pendant une durée très longue, l'incite fortement à choisir des matériaux de construction d'une durée de vie élevée et des solutions énergétiques pérennes ;

- engager un vaste chantier de simplification et de rationalisation du droit applicable aux partenariats public-privé.

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