Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur s'inscrit pleinement dans la « stratégie de Lisbonne », qui érige la compétition au rang de valeur de l'Union européenne.
A ce titre, cette proposition de directive préfigure l'Europe telle qu'elle est conçue par le traité constitutionnel européen. La dévotion aux règles du marché règne en maître dans la lettre et dans l'esprit de ces deux textes.
C'est pourquoi nous profitons de ce débat pour alerter à nouveau nos concitoyens sur l'enjeu du référendum du 29 mai prochain.
Déjà, les manifestations de jeudi dernier témoignent de l'angoisse sociale grandissante dans notre pays. A l'instar du traité constitutionnel européen, la proposition de directive Bolkestein ne devrait pas rassurer nos concitoyens sur l'avenir qu'on leur dessine à Bruxelles à l'Elysée et à Matignon.
Il ne s'agit pas d'un discours général, détaché de la réalité technique des textes en question. L'analyse détaillée de la proposition de directive fait apparaître en effet un certain nombre de dangers pour les travailleurs de notre pays et des autres Etats membres.
L'extrême ampleur et l'imprécision du champ d'application de la proposition de directive doivent nous inciter à la vigilance. Celle-ci couvre en effet les services fournis en tant qu'activité économique au sens du traité sur l'Union européenne et de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes, à savoir les services aux entreprises, les services aux entreprises et aux particuliers ainsi que les services aux particuliers.
La proposition de directive a donc une vocation horizontale. Elle ne prévoit pas une délimitation claire dans les domaines de l'économie sociale et des services d'intérêt général ainsi que dans les domaines déjà couverts par des directives sectorielles.
Dans la mesure où la proposition de directive Bolkestein s'ajoute aux directives sectorielles, elle pourrait remettre en cause les dispositions de textes existants ou en préparation, comme celles qui concernent, notamment, la reconnaissance des qualifications professionnelles et le détachement des travailleurs.
D'une part, l'introduction du principe du pays d'origine pourrait s'articuler difficilement avec la proposition de directive relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles également en cours de discussion, laquelle permet à tout ressortissant communautaire, légalement établi dans un Etat membre, d'offrir une prestation de services de façon temporaire et occasionnel dans un autre Etat membre sous son titre professionnel d'origine et en respectant certaines formalités administratives.
La proposition de directive prévoit des mécanismes de reconnaissance mutuelle pour certaines professions mais d'autres professions sont exclues. Ajouter le principe du pays d'origine pourrait conduire à une reconnaissance de fait de qualifications qui, précisément, ont été exclues du champ de la directive sectorielle.
D'autre part, le principe du pays d'origine est en contradiction avec la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de service, qui consacre l'application du droit du travail du pays d'accueil.
La directive Bolkestein rendrait inapplicable la directive sur le détachement des travailleurs et mettrait très largement fin au pouvoir des Etats membres de vérifier, et donc de garantir, le respect des législations et des réglementations qui protègent les travailleurs contre différentes formes d'abus de la part des employeurs.