Intervention de Jean-Jacques Hyest

Réunion du 15 mars 2005 à 10h30
Services dans le marché intérieur — Discussion des conclusions du rapport d'une commission

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je n'utiliserai pas de formules chocs, lesquelles masquent parfois une certaine complexité, et je me contenterai, en revenant à des choses beaucoup plus concrètes, d'évoquer un aspect de la proposition de directive sur les services.

Je parle de directive sur les services, car je pense que l'on ne devrait jamais affecter les lois d'un nom propre, a fortiori les directives. En l'occurrence, cette proposition de directive tire son nom d'un commissaire, qui n'occupe plus le même poste aujourd'hui.

Cela dit, je me contenterai, monsieur le président, d'évoquer deux problèmes concernant les officiers publics ou ministériels et les avocats. Je n'aborderai les problèmes soulevés par la directive à l'égard de l'application de la loi pénale que lors de l'examen d'un amendement.

En ce qui concerne les officiers publics ou ministériels, la proposition de directive ne prévoit aucune dérogation pour exclure ces professions juridiques réglementées de son champ d'application. Or, à la différence des avocats, les officiers publics ou ministériels ne sont régis par aucune réglementation communautaire sectorielle susceptible de les faire échapper à ce texte général.

Ces professions pourraient bénéficier de l'exception posée par l'article 45 du traité, mais il ressort de l'interprétation de la Cour de justice des Communautés européennes que les professions juridiques réglementées françaises pourraient ne pas être protégées par cette dérogation. La plupart d'entre elles entrent effectivement dans le champ des services participant à l'exercice de l'autorité publique - greffiers des tribunaux de commerce, huissiers de justice, notaires et commissaires-priseurs judiciaires -, mais d'autres - avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et avoués près les cours d'appel - paraissent exclues du bénéfice de la dérogation de l'article 45 au regard de la jurisprudence de ladite Cour.

C'est la raison pour laquelle le maintien de ces professions dans le champ d'application de la proposition de directive relative aux services pourrait fragiliser leur statut et bouleverser l'organisation judiciaire. La participation de ces professions au service public de la justice mérite d'être prise en compte, même si les activités en cause ne sont pas directement liées à l'exercice de l'autorité publique. A ce titre, il conviendrait de prévoir un traitement particulier de ces professionnels. Comme l'indique d'ailleurs M. Badré dans son rapport, il n'appartient évidemment pas à une directive relative aux services de légiférer dans le domaine « justice et affaires intérieures », qui relève de dispositions communautaires spécifiques.

Madame la ministre, vous avez indiqué que les professions juridiques réglementées devaient être exclues du champ de la directive, et nous en prenons acte ; c'est ce que préconise la proposition de résolution.

Les problèmes soulevés par la proposition de directive à l'égard des avocats sont complètement différents.

La libre prestation de services offerte par les avocats et le libre établissement de ces professionnels dans un Etat membre autre que celui dans lequel la qualification a été acquise font déjà l'objet d'une réglementation communautaire assez avancée à travers deux directives, que nous avons d'ailleurs eu à transposer dans le droit français. Nous avons à plusieurs reprises évoqué ces questions, notamment en commission des lois.

Ce contexte explique le fait que les avocats soient soumis, dans le projet de directive, à des dispositions distinctes de celles qui sont proposées pour les autres professions réglementées.

Néanmoins, le texte proposé par la Commission européenne institue un mécanisme complexe en incluant les avocats dans son champ d'application tout en les excluant de l'application du principe du pays d'origine s'agissant des activités couvertes par la directive 77/249 CE.

Si la méthode communautaire fait primer les textes particuliers sur les textes généraux, la rédaction de la proposition de directive paraît ambiguë en ne reconnaissant pas clairement la primauté du droit communautaire sectoriel. De ce fait, les avocats s'inquiètent d'une éventuelle contradiction entre les principes posés par la directive et ceux régissant les directives sectorielles.

Tel est l'avis exprimé par le barreau de Paris notamment, ainsi que par le Conseil national des barreaux, selon lequel les directives sectorielles se suffisent à elles-mêmes, même si elles peuvent être améliorées.

On pourrait par ailleurs estimer que la clarification de l'articulation entre la directive sur les services et les directives sectorielles permettrait de préserver le statut des avocats sans qu'il soit nécessaire de les exclure du champ de la directive.

La proposition de résolution reprend ce raisonnement en demandant l'affirmation de la primauté du droit communautaire sectoriel sur la directive sur les services dans le marché intérieur, sans remettre en cause le maintien des avocats dans le champ de la directive sous les réserves prévues par l'article 17 du texte.

Afin d'éviter toute erreur d'interprétation et de clarifier la compatibilité des différents textes communautaires qui ne ressort pas de manière évidente de la rédaction de la proposition de résolution, je souhaiterais, madame la ministre, obtenir la confirmation que le fait d'être inclus dans le champ de la directive n'empêche pas les avocats de demeurer sous l'empire des deux directives sectorielles, y compris lorsque les règles qui en résultent seraient contraires à la proposition de directive.

En outre, il conviendrait d'obtenir l'assurance que la logique sectorielle, guidée par le souci d'harmoniser les législations, ne sera pas remise en cause après l'entrée en vigueur éventuelle d'une directive sur les services, mais qu'elle perdurera.

Telles sont les observations relatives aux professions juridiques que je voulais formuler, étant entendu que, pour ce qui concerne l'application de la loi pénale, qui pose de redoutables problèmes, j'aurai l'occasion, lors de l'examen d'un amendement, de développer ce point qui a été abordé tant par la délégation pour l'Union européenne que par la commission des affaires économiques.

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