Je remercie Marc Massion de nous avoir fourni ces éléments si riches d'enseignements. J'indique que je partage ses analyses, tout particulièrement s'agissant des propositions inacceptables de la Commission européenne.
Je voudrais formuler tout d'abord quelques remarques sur le montant du prélèvement qui est l'objet de notre débat ainsi que sur l'évolution de notre solde net.
Le rythme d'augmentation du prélèvement entre 2011 et 2012 qu'il nous est proposé de voter à travers l'article 30 de projet de loi de finances pour 2012 est de 3,5 %. Cette hausse de 646 millions d'euros, qui porte l'estimation de notre contribution à 18,878 milliards d'euros, résulte aux deux tiers de l'évaluation des besoins de financement de l'UE, le reste s'expliquant par divers facteurs assez complexes.
Nous savons d'expérience qu'au terme de l'exécution 2012, des ouvertures nouvelles en CP seront intervenues et qu'entre le montant du prélèvement affiché dans notre article 30 et ce qu'il sera finalement, il y aura des écarts, favorables ou défavorables au demeurant. J'appelle en effet votre attention sur les écarts considérables constatés entre la prévision et l'exécution du prélèvement. En 2011, il est peut-être possible que l'on assiste à une exécution plus conforme aux prévisions : à ce jour la surestimation serait ainsi quasi-nulle, de l'ordre de 4 millions d'euros, mais des corrections sur exercices antérieurs pourraient in fine aboutir à une sur-exécution de l'ordre d'une centaine de millions d'euros. Je vous ai rappelé ces données pour vous dire que l'estimation du prélèvement soumise au vote du Parlement doit être plus précise et plus fiable.
Pour aller au-delà du sujet du prélèvement lui-même, je précise que la France devrait demeurer en 2012 le deuxième contributeur au budget communautaire derrière l'Allemagne, la part de sa contribution représentant 16,4 % du total des ressources de l'UE, part qui semble, enfin, se stabiliser. La France a par ailleurs remplacé depuis 2006 l'Espagne au rang de premier pays bénéficiaire en recevant environ 12 % des dépenses de l'UE, mais cette situation qui se dégrade est de plus très fragile puisqu'elle ne résulte essentiellement que du poids de la PAC. 75 % des crédits européens dépensés en France sont en effet des dépenses agricoles. Réjouissons-nous à cet égard que les propositions de la Commission européenne aillent dans le sens d'un maintien des dépenses agricoles à un niveau équivalent dans la prochaine programmation.
Je poursuis avec l'épineuse question des soldes nets. Question récurrente et délicate car elle entretient un état d'esprit en contradiction avec le projet communautaire, qui doit s'élever au-dessus de ces considérations de boutiquiers. Cela étant, soyons bien conscients que ce qui mobilise la plupart de nos partenaires, c'est bien leur solde net et le gain qui en résulte dans une sorte de coupe d'Europe des égoïsmes nationaux. Entre 2009 et 2010, la France est passée du rang de troisième à celui de deuxième contributeur net au budget communautaire en volume et du rang de huitième à celui de septième contributeur net en pourcentage du revenu national brut. Notre situation ne cesse donc de se dégrader depuis dix ans : notre solde net représentait moins de 400 millions d'euros en 1999, mais il a été multiplié par treize en dix ans et dépasse le seuil des 5 milliards d'euros depuis 2008. C'est sans doute le prix de notre attachement à la PAC. De même que nous avons dû faire des compromis pour obtenir la TVA à 5,5 % dans la restauration. La multiplication des rabais et des corrections témoigne de ces marchandages incessants, dont nous sommes l'un des rares contributeurs nets, avec l'Italie et le Danemark, à ne pas bénéficier. Aujourd'hui, outre le Royaume-Uni, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède et l'Autriche profitent en effet eux-aussi de diverses corrections en leur faveur.
Bien-sûr, je voudrais, comme avait l'habitude de le rappeler à juste titre notre ancien collègue rapporteur spécial, Denis Badré, souligner la faiblesse de ces analyses en termes de « retour net », qui ignorent les contributions incalculables de la construction européenne : la libre circulation, l'ouverture des Etats les uns vers les autres, et la généralisation de valeurs et, plus particulièrement, celles de la démocratie, de la paix et de la liberté, à défaut de celle de la sincérité des comptes publics.
Toutefois je ne crois pas que l'on puisse en ces temps difficiles faire l'économie d'une analyse en termes de soldes nets. Il convient bien entendu de ne pas s'enfermer dans de telles grilles d'analyses, mais on ne peut pas non plus les écarter.
Trois points pour conclure mon intervention :
- contrairement à ce que laisserait penser le travail de la Commission européenne, l'Europe ne peut pas se placer en-dehors des efforts exigés en matière d'assainissement des finances publiques. A cet égard, je recommande un renforcement de la mise en oeuvre vigilante du principe de subsidiarité, au regard duquel devraient être systématiquement examinés le budget, le fonctionnement et les politiques de l'Union européenne ;
- dans le système communautaire actuel, les parlementaires nationaux se limitent à autoriser un prélèvement sans en discuter ni le montant, ni l'usage qui en sera fait à travers les dépenses de l'Union européenne. Une telle situation n'est pas satisfaisante. Un budget dont les dépenses sont arrêtées par les autorités communautaires, mais dont 85 % des ressources restent dépendantes de décisions des parlements nationaux, porte atteinte au principe du consentement à l'impôt, essentiel dans une démocratie ;
- une plus grande reconnaissance du rôle des parlements nationaux paraît donc nécessaire. Nous devons prendre toute notre place dans la coordination des finances publiques des Etats membres et dans la réflexion en cours sur la réforme du budget communautaire. Il pourrait en être ainsi pour la préparation des conseils européens.
Pour l'heure, Marc Massion et moi-même vous recommandons de vous abstenir quant au vote sur l'article 30 de notre projet de loi de finances pour 2012. Il s'agit d'une contribution obligatoire mais il est utile de faire part de notre humeur. J'ajoute, à titre personnel, mon incompréhension à l'égard de la Commission européenne et du Conseil qui ont laissé filer la Grèce dans une politique de trucage et de maquillage de ses comptes publics, transformant ainsi le Pacte de stabilité et de croissance en pacte de tricheurs et de menteurs. Voici un motif supplémentaire pour justifier mon abstention.