Ce socle commun de connaissances répond, en outre, à la principale préoccupation de la majorité des Français. La nation affiche ainsi clairement ses attentes à l'égard de l'école, en définissant ce que nul ne peut ignorer pour poursuivre sa formation, réussir sa vie en société et préparer son avenir professionnel. En parallèle, l'acquisition de ce socle de connaissances par tous les élèves devra faire l'objet, à chaque étape, d'une évaluation, prise en compte dans la poursuite de la scolarité.
Mais ce serait une erreur de voir dans ce socle commun une illusoire uniformité des parcours de réussite. L'école accueille des élèves divers ; elle a pour devoir d'offrir et de promouvoir des voies de réussite plurielles.
L'égalité des chances appelle aujourd'hui d'autres réponses que l'égalité de traitement. Cette dernière a produit des effets limités et parfois destructeurs. Bien au contraire, l'égalité des chances repose, à mon sens, sur l'inégalité de traitement. Nous en sommes aujourd'hui convaincus.
J'ai été guidé, tout au long de l'examen du projet de loi, par cette phrase d'Hervé Bazin dans son Abécédaire : « Pour que chacun soit, nous devons vivre ce paradoxe : tous égaux, tous non pareils ».
La personnalisation des apprentissages que vous avez souhaitée, monsieur le ministre, avec le programme personnalisé de réussite scolaire - je vous proposerai de le rebaptiser « parcours de réussite éducative » pour en souligner l'aspect progressif et global - constitue, en ce sens, une avancée importante.
Plusieurs des amendements que je présenterai au nom de la commission des affaires culturelles répondent au souci d'aller plus loin dans cette direction.
Tout d'abord, j'ai souhaité donner à ce projet de loi d'orientation une forte tonalité politique, pour mettre un terme au postulat culturel de hiérarchisation des formes d'intelligence sur lequel est bâti notre système éducatif. En raison de préjugés tenaces, la voie professionnelle demeure toujours perçue comme une voie de relégation, qu'on ne rejoint qu'à la suite d'une orientation par l'échec, une orientation subie et non choisie.
C'est pourquoi il appartient à la nation de proclamer haut et fort que l'école doit accorder le même intérêt à toutes les formes de talents, reconnaître et valoriser l'intelligence « du geste », celle de la main, tout autant que les capacités d'ordre plus conceptuel. Pour cela, elle doit privilégier des approches diversifiées.
L'école de l'égalité des chances est d'abord celle qui permet à chacun d'aller au plus loin de ses potentialités, dans l'expression de ses talents, aussi bien intellectuels que manuels, artistiques et sportifs.
Ensuite, et dans le même esprit, l'école doit s'adapter aux élèves qui présentent des besoins spécifiques, pour leur offrir les meilleures chances de réussite.
Nous avons eu de riches débats, ces derniers mois, en vue d'améliorer les conditions de scolarisation des élèves handicapés. J'ai souhaité que ce projet de loi d'orientation adresse des messages analogues à l'égard des élèves intellectuellement précoces, qui sont, paradoxalement, les oubliés de la difficulté scolaire. L'école doit pouvoir leur offrir un cadre pédagogique adapté et stimulant, pour accompagner leur progression, y compris en favorisant une accélération de leur parcours scolaire.
En outre, l'école de la République a le devoir d'accueillir les « primo-arrivants », c'est-à-dire les élèves non francophones qui arrivent sur notre territoire. Leur assurer une maîtrise rapide de la langue française est la première clé à leur donner pour faciliter leur intégration.
Enfin, l'éducation nationale doit reconnaître qu'elle ne détient pas le monopole des voies de la réussite. Il m'a semblé primordial de donner à ce projet de loi d'orientation toute sa dimension, en l'inscrivant dans une vision large et solidaire de toutes les composantes du système éducatif.
L'enseignement privé sous contrat contribue à la qualité du service public de l'éducation et doit disposer de moyens humains suffisants pour remplir ses missions.
De même, les voies de l'alternance, l'apprentissage et l'enseignement agricole concourent, avec succès, aux objectifs de réussite et d'élévation des niveaux de qualification.
Par souci de parallélisme, il est apparu légitime de compléter les éléments de programmation introduits par l'Assemblée nationale par des données similaires traduisant l'engagement du Gouvernement à mettre en oeuvre, dans l'enseignement agricole, les mesures annoncées. Le Sénat, en particulier la commission des affaires culturelles qui y consacre un rapport budgétaire au moment de l'examen du projet de loi de finances, présenté par notre collègue Françoise Férat, manifeste un attachement fort pour cette composante originale de notre système éducatif, qui accueille près de 175 000 élèves et dont la réussite est saluée unanimement.
A ce titre, l'une des propositions que je vous présenterai prend modèle sur l'organisation des lycées agricoles, dont l'ancrage dans nos territoires contribue à favoriser l'insertion professionnelle des élèves : dans le cadre d'une expérimentation, les lycées professionnels pourront élire le président de leur conseil d'administration parmi les personnalités extérieures qui y siègent.
Cela permettra, dans la logique du projet de loi, non seulement de renforcer le pilotage stratégique des établissements, mais aussi de permettre au chef d'établissement de se consacrer pleinement à son rôle essentiel d'animateur pédagogique. Monsieur le ministre, votre texte renforce en effet de façon tout à fait positive ses missions en ce domaine, en lui confiant la présidence du conseil pédagogique, nouvellement institué.
Par ailleurs, nous ne remporterons le pari de l'école de la réussite de tous et de l'égalité des chances que si l'ensemble des acteurs réussissent et se mobilisent autour de ces objectifs.
Guidé par cette conviction, je vous présenterai un certain nombre de propositions qui s'inscrivent dans le prolongement des orientations déjà tracées par le projet de loi, en faveur d'une plus large ouverture de l'école sur ses partenaires.
Telle est la vocation de l'importance renouvelée que j'ai souhaité donner à la notion centrale de « communauté éducative ». Dans un récent rapport sur les violences scolaires, notre collègue Christian Demuynck, relatant les propos d'un proviseur, relevait très justement que « l'équilibre d'un jeune repose sur trois piliers, sur lesquels il s'appuie et se construit : l'école, la famille, la cité ». Ces piliers sont réunis au sein de la communauté éducative.
En premier lieu, les parents y occupent une place particulière. L'école doit mieux reconnaître la responsabilité qu'ils assument dans la réussite des élèves, pour les associer plus étroitement au suivi de leur scolarité. La réussite d'un jeune est forcément le résultat d'une conjugaison entre l'action de l'école et celle de la famille ; or on observe encore parfois, dans le milieu scolaire, les stigmates d'une défiance réciproque entre les familles et les enseignants, alors qu'il convient de privilégier, au contraire, les relations fondées sur le dialogue et sur la confiance mutuelle.
En second lieu, cette meilleure compréhension réciproque et ce souci d'ouverture doivent prévaloir avec l'ensemble des « acteurs de la cité ». Ces derniers apportent une contribution de plus en plus active et essentielle à la réalisation de la mission éducative.
Ces partenaires sont, de toute évidence, les collectivités territoriales, auxquelles la loi confie une « compétence partagée » en matière d'éducation. Elles s'en sont pleinement saisies avec une efficacité et une capacité d'innovation que nous connaissons tous.
La communauté éducative réunit également les autorités institutionnelles de l'Etat, les services médico-sociaux et les milieux professionnels et économiques, dont l'implication est devenue une exigence accrue pour répondre aux attentes et aux défis nouveaux auxquels est confrontée notre école, à savoir les défis non seulement de la sécurité, de la prévention des comportements à risques, mais aussi de l'orientation et de la préparation des parcours professionnels des élèves.
L'information sur les métiers est en effet l'une des premières sources d'inégalité, un domaine dans lequel les parents et les jeunes se sentent souvent démunis. Les collectivités territoriales et les organismes professionnels doivent contribuer à améliorer la qualité de cette information, en fournissant des données actualisées sur les débouchés professionnels et les perspectives d'évolution de carrière. Il existe un paradoxe inacceptable consistant à voir certaines filières se vider de leurs effectifs, alors qu'elles répondent aux besoins de notre économie et de notre société, y compris au niveau local.
Permettez-moi, monsieur le ministre, mes chers collègues, de prendre l'exemple de mon département. La Haute-Savoie concentre sur le bassin d'emploi de la vallée de l'Arve, c'est-à-dire entre Genève et Chamonix, quelque 800 PME-PMI spécialisées dans le décolletage et les activités connexes de la mécanique. Ces entreprises emploient 13 000 salariés, et chaque année, elles doivent recruter environ 500 personnes ayant le niveau du baccalauréat professionnel, voire plus. Actuellement, à peine le quart des besoins est pourvu.