Intervention de Rachida Dati

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 3 juin 2008 : 2ème réunion
Constitution — Modernisation des institutions - Audition de Mme Rachida daTi garde des sceaux ministre de la justice et de M. Roger Karoutchi secrétaire d'etat chargé des relations avec le parlement

Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice :

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, et de M. Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.

a considéré que si la Constitution avait fait l'objet de vingt-trois révisions depuis 1958, jamais aucune n'avait redéfini l'équilibre général de nos institutions. Elle a souligné que le Président de la République, convaincu de la nécessité de moderniser la vie politique de notre pays, avait, dès le mois de juillet 2007, confié à un comité présidé par M. Edouard Balladur le soin de lui soumettre des propositions sur la modernisation et le rééquilibrage de nos institutions.

Après avoir relevé que M. Jean-Jacques Hyest, président, avait, lors de son audition par le comité, utilement contribué à la réflexion de ce dernier par son analyse des institutions et son expérience d'élu, elle a indiqué que le comité avait formulé soixante dix-sept recommandations, soumises ensuite aux différentes forces politiques du pays avant d'aboutir au projet de loi constitutionnelle.

Elle a ensuite présenté les trois principales orientations du texte, complété sur certains points par l'Assemblée nationale « en pleine intelligence avec le Gouvernement » :

- un pouvoir exécutif mieux contrôlé ;

- un pouvoir législatif profondément renforcé ;

- des droits nouveaux pour les citoyens.

Au titre de la première orientation, elle a souligné qu'il visait à encadrer les pouvoirs du Président de la République par différentes évolutions majeures :

- limitation à deux mandats successifs, afin que le Président de la République travaille « à agir plutôt qu'à durer » ;

- encadrement du pouvoir de nomination par la saisine pour avis d'une commission parlementaire, qui serait, en application d'un amendement adopté par les députés, titulaire d'un droit de veto à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés ;

- encadrement du recours à l'article 16 de la Constitution, d'une part, en permettant qu'au-delà d'un délai de trente jours, le Conseil constitutionnel puisse être directement saisi par le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou sénateurs, d'autre part, en prévoyant qu'au-delà d'un délai d'application de plus de soixante jours, le Conseil constitutionnel puisse s'autosaisir afin de vérifier si les conditions de mise en oeuvre des pleins pouvoirs sont toujours réunies ;

- modernisation du régime du droit de grâce, afin qu'il ne s'exerce plus qu'à titre individuel et après avis d'une commission dont la composition serait fixée par la loi ;

- instauration d'un droit d'expression du Président de la République devant les parlementaires réunis en Congrès. Elle a relevé que le chef d'Etat pouvait s'exprimer devant tous les Parlements du monde à l'exception du Parlement français et a souligné que l'allocution pourrait être suivie d'un débat hors sa présence, mais non d'un vote, afin de ne pas remettre en cause la nature même du régime.

Abordant la deuxième orientation de la réforme, à savoir le renforcement des pouvoirs du Parlement, elle en a cité les principales avancées :

- une plus grande souplesse des modalités d'exercice de ses missions et dans son organisation interne ;

- une meilleure maîtrise de l'ordre du jour ;

- la discussion en séance plénière sur le texte adopté en commission, à l'exception des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, ainsi que des projets de révision de la Constitution ;

- une plus longue durée d'examen des textes ;

- la revalorisation des fonctions de contrôle et d'évaluation, au travers du vote de lois de programmation pluriannuelle des finances publiques et de l'assistance de la Cour des Comptes dans l'exercice de la mission d'évaluation des politiques publiques du Parlement ;

- la possibilité d'organiser des séances de questions d'actualité pendant les sessions extraordinaires ;

- une information du Parlement, éventuellement suivie d'un débat sans vote, en cas de décision d'intervention des forces armées à l'étranger et une autorisation expresse du Parlement si l'intervention se prolonge au-delà de quatre mois ;

- la possibilité d'adopter des résolutions sur toutes les propositions d'actes et tous les documents émanant d'une institution de l'Union européenne ;

- la constitutionnalisation d'une commission chargée des affaires européennes.

Enfin, au titre du troisième volet de la réforme, à savoir conférer des droits nouveaux aux citoyens, elle en a cité quatre :

- l'instauration, par les députés, d'un référendum d'initiative populaire permettant à un cinquième des membres du Parlement, soutenu par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, de présenter une proposition de loi, qui devrait être examinée par le Parlement, faute de quoi elle serait soumise à référendum ;

- la création d'un contrôle de constitutionnalité par voie d'exception, afin de permettre aux justiciables de contester, devant les juridictions ordinaires, la constitutionnalité de dispositions législatives qu'ils estiment contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution. Elle a souligné que le juge pourrait, en cas de doute sur l'inconstitutionnalité alléguée, saisir le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation, qui pourraient, à leur tour, saisir le Conseil constitutionnel ;

- l'institution d'un défenseur des droits du citoyen. Signalant que si la création en 1973 du Médiateur de la République a constitué un progrès notable en matière de protection des droits des administrés, il convenait aujourd'hui de remplacer cette autorité par un défenseur des droits du citoyen, doté de pouvoirs plus étendus et que toute personne s'estimant lésée par le fonctionnement d'un service public pourrait saisir directement. Elle a ajouté que le périmètre exact d'intervention de cette nouvelle instance devrait être défini par le législateur organique mais qu'en tout état de cause, le gouvernement, qui avait bien noté la volonté de la commission des lois du Sénat de maintenir l'autonomie du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, ne souhaitait pas attendre l'entrée en vigueur de la révision constitutionnelle pour nommer le Contrôleur pour lequel la commission, a-t-elle rappelé, a donné un avis favorable, unanime, à la candidature de M. Jean-Marie Delarue.

- l'obligation de consulter les Français, par référendum, sur tout projet d'adhésion à l'Union européenne d'un pays qui représente plus de 5 % de la population de l'Union, eu égard à l'impact d'une telle adhésion sur le fonctionnement des institutions européennes.

a conclu par la réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Elle a expliqué que la réforme répondait aux reproches régulièrement adressés à cette instance. D'une part, elle propose que le CSM ne soit plus présidé par le Président de la République, ni par le garde des sceaux, mais par les deux plus hauts magistrats de France et que son avis soit sollicité pour les nominations de procureurs généraux, afin de ne plus faire peser sur le CSM un soupçon de dépendance à l'égard du pouvoir exécutif ; d'autre part, elle prévoit que le CSM serait majoritairement composé de non-magistrats, et ce, afin de ne plus susciter de critiques de corporatisme.

Elle a ajouté que le projet de loi constitutionnelle consacrait l'existence de la formation plénière du CSM, qui réunit les formations compétentes pour les magistrats du siège et pour ceux du parquet.

Elle a précisé enfin que le texte prévoyait la possibilité pour les justiciables de saisir le Conseil supérieur de la magistrature en cas de dysfonctionnement allégué de la justice.

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