Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, et de M. Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.
a considéré que si la Constitution avait fait l'objet de vingt-trois révisions depuis 1958, jamais aucune n'avait redéfini l'équilibre général de nos institutions. Elle a souligné que le Président de la République, convaincu de la nécessité de moderniser la vie politique de notre pays, avait, dès le mois de juillet 2007, confié à un comité présidé par M. Edouard Balladur le soin de lui soumettre des propositions sur la modernisation et le rééquilibrage de nos institutions.
Après avoir relevé que M. Jean-Jacques Hyest, président, avait, lors de son audition par le comité, utilement contribué à la réflexion de ce dernier par son analyse des institutions et son expérience d'élu, elle a indiqué que le comité avait formulé soixante dix-sept recommandations, soumises ensuite aux différentes forces politiques du pays avant d'aboutir au projet de loi constitutionnelle.
Elle a ensuite présenté les trois principales orientations du texte, complété sur certains points par l'Assemblée nationale « en pleine intelligence avec le Gouvernement » :
- un pouvoir exécutif mieux contrôlé ;
- un pouvoir législatif profondément renforcé ;
- des droits nouveaux pour les citoyens.
Au titre de la première orientation, elle a souligné qu'il visait à encadrer les pouvoirs du Président de la République par différentes évolutions majeures :
- limitation à deux mandats successifs, afin que le Président de la République travaille « à agir plutôt qu'à durer » ;
- encadrement du pouvoir de nomination par la saisine pour avis d'une commission parlementaire, qui serait, en application d'un amendement adopté par les députés, titulaire d'un droit de veto à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés ;
- encadrement du recours à l'article 16 de la Constitution, d'une part, en permettant qu'au-delà d'un délai de trente jours, le Conseil constitutionnel puisse être directement saisi par le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou sénateurs, d'autre part, en prévoyant qu'au-delà d'un délai d'application de plus de soixante jours, le Conseil constitutionnel puisse s'autosaisir afin de vérifier si les conditions de mise en oeuvre des pleins pouvoirs sont toujours réunies ;
- modernisation du régime du droit de grâce, afin qu'il ne s'exerce plus qu'à titre individuel et après avis d'une commission dont la composition serait fixée par la loi ;
- instauration d'un droit d'expression du Président de la République devant les parlementaires réunis en Congrès. Elle a relevé que le chef d'Etat pouvait s'exprimer devant tous les Parlements du monde à l'exception du Parlement français et a souligné que l'allocution pourrait être suivie d'un débat hors sa présence, mais non d'un vote, afin de ne pas remettre en cause la nature même du régime.
Abordant la deuxième orientation de la réforme, à savoir le renforcement des pouvoirs du Parlement, elle en a cité les principales avancées :
- une plus grande souplesse des modalités d'exercice de ses missions et dans son organisation interne ;
- une meilleure maîtrise de l'ordre du jour ;
- la discussion en séance plénière sur le texte adopté en commission, à l'exception des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, ainsi que des projets de révision de la Constitution ;
- une plus longue durée d'examen des textes ;
- la revalorisation des fonctions de contrôle et d'évaluation, au travers du vote de lois de programmation pluriannuelle des finances publiques et de l'assistance de la Cour des Comptes dans l'exercice de la mission d'évaluation des politiques publiques du Parlement ;
- la possibilité d'organiser des séances de questions d'actualité pendant les sessions extraordinaires ;
- une information du Parlement, éventuellement suivie d'un débat sans vote, en cas de décision d'intervention des forces armées à l'étranger et une autorisation expresse du Parlement si l'intervention se prolonge au-delà de quatre mois ;
- la possibilité d'adopter des résolutions sur toutes les propositions d'actes et tous les documents émanant d'une institution de l'Union européenne ;
- la constitutionnalisation d'une commission chargée des affaires européennes.
Enfin, au titre du troisième volet de la réforme, à savoir conférer des droits nouveaux aux citoyens, elle en a cité quatre :
- l'instauration, par les députés, d'un référendum d'initiative populaire permettant à un cinquième des membres du Parlement, soutenu par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, de présenter une proposition de loi, qui devrait être examinée par le Parlement, faute de quoi elle serait soumise à référendum ;
- la création d'un contrôle de constitutionnalité par voie d'exception, afin de permettre aux justiciables de contester, devant les juridictions ordinaires, la constitutionnalité de dispositions législatives qu'ils estiment contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution. Elle a souligné que le juge pourrait, en cas de doute sur l'inconstitutionnalité alléguée, saisir le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation, qui pourraient, à leur tour, saisir le Conseil constitutionnel ;
- l'institution d'un défenseur des droits du citoyen. Signalant que si la création en 1973 du Médiateur de la République a constitué un progrès notable en matière de protection des droits des administrés, il convenait aujourd'hui de remplacer cette autorité par un défenseur des droits du citoyen, doté de pouvoirs plus étendus et que toute personne s'estimant lésée par le fonctionnement d'un service public pourrait saisir directement. Elle a ajouté que le périmètre exact d'intervention de cette nouvelle instance devrait être défini par le législateur organique mais qu'en tout état de cause, le gouvernement, qui avait bien noté la volonté de la commission des lois du Sénat de maintenir l'autonomie du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, ne souhaitait pas attendre l'entrée en vigueur de la révision constitutionnelle pour nommer le Contrôleur pour lequel la commission, a-t-elle rappelé, a donné un avis favorable, unanime, à la candidature de M. Jean-Marie Delarue.
- l'obligation de consulter les Français, par référendum, sur tout projet d'adhésion à l'Union européenne d'un pays qui représente plus de 5 % de la population de l'Union, eu égard à l'impact d'une telle adhésion sur le fonctionnement des institutions européennes.
a conclu par la réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Elle a expliqué que la réforme répondait aux reproches régulièrement adressés à cette instance. D'une part, elle propose que le CSM ne soit plus présidé par le Président de la République, ni par le garde des sceaux, mais par les deux plus hauts magistrats de France et que son avis soit sollicité pour les nominations de procureurs généraux, afin de ne plus faire peser sur le CSM un soupçon de dépendance à l'égard du pouvoir exécutif ; d'autre part, elle prévoit que le CSM serait majoritairement composé de non-magistrats, et ce, afin de ne plus susciter de critiques de corporatisme.
Elle a ajouté que le projet de loi constitutionnelle consacrait l'existence de la formation plénière du CSM, qui réunit les formations compétentes pour les magistrats du siège et pour ceux du parquet.
Elle a précisé enfin que le texte prévoyait la possibilité pour les justiciables de saisir le Conseil supérieur de la magistrature en cas de dysfonctionnement allégué de la justice.
Après avoir salué la qualité du travail et le souci de consensus du comité Balladur, M. Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, a souligné que le projet de loi constitutionnelle marquait également la volonté du Gouvernement de dépasser les clivages politiques pour faire aboutir des réformes souhaitées depuis des années, voire des décennies, par tous les groupes parlementaires.
Jugeant peu satisfaisant le système actuel de législation, il estimé nécessaire d'évoluer vers un système de coresponsabilité qui permette au gouvernement, à la majorité, mais aussi à l'opposition, de jouer son rôle au profit de tous les Français. C'est pourquoi le projet de loi initial et les amendements adoptés par les députés ont, en grande partie, porté sur le renforcement des droits du Parlement, renforcement marqué par trois orientations :
- améliorer la représentativité du Parlement ;
- faire du contrôle et de l'évaluation une mission essentielle du Parlement ;
- rendre plus lisible et plus efficace le travail législatif.
Sur le premier point, il a indiqué que le projet de loi constitutionnelle :
- préservait opportunément la mission spécifique du Sénat de représentation des collectivités territoriales, jugeant nécessaire de ne pas faire du Sénat le clone de l'Assemblée nationale, ce qui ferait perdre au bicamérisme toute utilité. Le texte précise, a-t-il ajouté, que le Sénat représente les collectivités territoriales « en tenant compte de leur population » afin que le mode d'élection des sénateurs ne conduise pas à une disproportion excessive du poids de certaines collectivités territoriales au regard de leur population, sans aboutir pour autant à ce que les sénateurs ne soient plus élus essentiellement par des élus ;
- prévoyait que les Français établis hors de France seraient représentés également à l'Assemblée nationale ;
- fixait, à l'initiative de l'Assemblée nationale, un nombre maximum de députés (577) en laissant au Sénat le soin d'examiner cette question pour lui-même. Il a précisé que le Gouvernement souhaitait que, de ce point de vue, la Constitution conserve une certaine cohérence ;
- prévoyait que le redécoupage des circonscriptions à l'Assemblée nationale serait effectué de manière régulière après avis d'une commission indépendante et que, pour le Sénat, cette commission aurait à se prononcer sur la répartition des sièges entre les circonscriptions ;
- permettait aux membres du Gouvernement de retrouver leur siège au Parlement après l'exercice de leurs fonctions ministérielles.
Abordant le deuxième volet du renforcement des droits du Parlement, à savoir les missions de contrôle et d'évaluation, M. Roger Karoutchi a indiqué que le texte prévoyait :
- la consécration du rôle du Parlement en matière de contrôle de l'action du gouvernement et, par un amendement adopté par l'Assemblée nationale avec un avis favorable du gouvernement, d'évaluation des politiques publiques ;
- la possibilité, pour les assemblées, d'adopter des résolutions en matière européenne ;
- la création d'une commission chargée des affaires européennes ;
- la possibilité, pour soixante parlementaires, d'obtenir un débat pour engager un recours devant la Cour de justice européenne pour violation du principe de subsidiarité ;
- l'organisation en séance plénière, une semaine par mois, de travaux prioritairement consacrés au contrôle parlementaire, précisant que si le Gouvernement n'était pas hostile à cette mesure, il craignait une « rigidification » des conditions de fixation de l'ordre du jour.
Au titre du troisième et dernier volet du renforcement du rôle du Parlement (rendre plus lisible et plus efficace le travail législatif), il a précisé que :
- les assemblées auraient désormais la maîtrise de la moitié de leur ordre du jour, indiquant que les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, ainsi que les textes qui demeureraient trop longtemps en navette, resteraient prioritaires ;
- le rôle des commissions permanentes serait renforcé par plusieurs mesures : possibilité de créer jusqu'à huit commissions permanentes, débat en séance plénière sur le texte adopté en commission, publicité des auditions des commissions. Il s'est toutefois demandé si le principe de cette publicité ne relevait pas plus des règlements des assemblées que de la Constitution ;
- le recours à l'article 49-3 de la Constitution serait limité à un texte par session, ainsi qu'aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale ;
- le droit d'amendement serait renforcé au travers d'une disposition, adoptée par les députés, prévoyant que tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il a un lien, même indirect, avec le texte déposé, et ce, afin de prévenir une jurisprudence trop restrictive du Conseil constitutionnel ;
- le Parlement disposerait de plus de temps pour examiner les textes, soulignant, d'une part, que les députés avaient allongé les délais prévus par le projet de loi initial à six semaines en première lecture devant la première assemblée saisie et trois semaines devant la seconde assemblée, d'autre part, que la procédure d'urgence serait plus encadrée avec un droit de veto des conférences des présidents des deux assemblées ;
- les présidents des assemblées pourraient, sur des questions juridiques ponctuelles et délicates, saisir le Conseil d'Etat pour examiner une proposition de loi en vue de son passage en commission ;
- le gouvernement pourrait, y compris à la demande des groupes parlementaires, faire une déclaration devant les assemblées, suivie d'un vote sans mise en jeu de sa responsabilité, et ce, afin de permettre au Parlement de marquer une volonté politique sans adopter une loi dénuée de portée normative. Il a indiqué que le Gouvernement avait souhaité créer un mécanisme de résolutions afin de permettre aux assemblées de prendre position sur certaines orientations politiques sans avoir à les insérer dans un dispositif normatif, mais que la formule proposée par l'Assemblée nationale avait recueilli l'accord du Gouvernement, qui l'avait jugée conforme à l'objectif poursuivi ;
- le Président de chaque assemblée pourrait opposer l'irrecevabilité à un amendement intervenant dans une matière non législative ;
- le champ des lois de programmation serait étendu en dehors du champ économique et social ;
- les lois rétroactives seraient interdites, sauf motif déterminant d'intérêt général ;
- les ratifications implicites d'ordonnances seraient désormais impossibles ;
- des lois de programmation définissant des orientations pluriannuelles pour les finances publiques pourraient être adoptées ;
- les projets de loi seraient élaborés dans les conditions prévues par une loi organique, sorte de LOLF pour les lois non budgétaires, précisant que si le Gouvernement n'est pas défavorable à un tel dispositif, il estime qu'il doit pouvoir encore être amélioré.
s'est demandé :
- si la procédure d'avis prévue par le nouvel article 13 de la Constitution était susceptible de concerner les magistrats ;
- si les propositions de loi soumises à référendum en vertu du nouvel article 11 de la Constitution pouvaient faire l'objet d'un contrôle de constitutionnalité a priori ;
- si le dispositif adopté par l'Assemblée nationale tendant à limiter les lois rétroactives ne risquait pas de remettre en cause le principe de non-rétroactivité de la loi pénale, posé à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 ;
- s'il ne serait pas opportun de prévoir à l'article 61-1 de la Constitution que des juridictions -comme le Tribunal des conflits ou la Cour de justice de la République- qui ne relèvent ni de l'ordre administratif, ni de l'ordre judiciaire, puissent saisir directement le Conseil constitutionnel dans le cadre du renvoi préjudiciel destiné à assurer un contrôle de constitutionnalité a posteriori ;
- si la saisine du défenseur des droits des citoyens serait soumise à une condition de nationalité, comme sa dénomination pourrait le laisser supposer.
Il a également rappelé la volonté de la commission des lois de ne pas faire disparaître le Contrôleur général des lieux de privation de liberté au profit du défenseur des droits du citoyen, au moins jusqu'au terme du premier mandat de six ans du Contrôleur.
Il s'est enfin interrogé sur l'intérêt de trois amendements adoptés par les députés :
- celui tendant à remplacer, par un débat thématique, le mécanisme des résolutions proposé par le projet de loi, en particulier pour éviter le vote de lois mémorielles ;
- celui visant à faciliter la création par le législateur de « blocs de contentieux », relayant l'inquiétude de nombreux magistrats de l'ordre administratif sur ce point ;
- celui tendant à préciser, à l'article 34 de la Constitution, que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales », alors que le principe selon lequel la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives avait été inscrit à l'article 3 de la Constitution en 1999.
En réponse, Mme Rachida Dati a indiqué que :
- le Conseil supérieur de la magistrature continuerait à donner un avis sur la nomination des magistrats et serait désormais consulté sur la nomination des procureurs généraux, procédure a priori exclusive de la nouvelle procédure d'avis prévue à l'article 13 de la Constitution ;
- le contrôle du Conseil constitutionnel exercé a priori dans le cadre du projet de référendum d'initiative populaire pourrait porter sur la conformité du contenu du projet à la Constitution ;
- le dispositif tendant à limiter les lois rétroactives est parfaitement compatible avec l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
- le Tribunal des conflits, ne statuant pas au fond, n'était pas concerné par la procédure d'exception d'inconstitutionnalité et la Cour de justice de la République pourrait poser une question préjudicielle à la Cour de cassation ;
- la question d'une fusion du Contrôleur général des lieux de privation de liberté au sein du Défenseur des droits du citoyen ne se poserait effectivement qu'à l'expiration du premier mandat du Contrôleur ;
- le principe d'égal accès aux responsabilités professionnelles et sociales avait plus sa place dans le préambule de la Constitution que dans la Constitution elle-même ;
- la saisine du Défenseur des droits du citoyen ne devrait pas être réservée aux seuls citoyens français ;
- l'amendement sur les blocs de contentieux était né de la volonté des députés de clarifier la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction ; le Gouvernement préfèrerait attendre les conclusions de la commission de réflexion sur la répartition des contentieux, dite « Commission Guinchard ».
Abordant la question des résolutions, M. Roger Karoutchi a fait part des craintes exprimées par les députés que le mécanisme proposé par le projet de loi ne ressuscite la pratique de la IVe République, facteur d'instabilité ministérielle.
a douté de la volonté du Gouvernement d'admettre l'alternance politique au Sénat, observant que le Gouvernement multipliait les signes de refus de rééquilibrage du corps électoral, en premier lieu, parce que le projet de loi précisait que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales « en tenant compte de la population », alors que le comité Balladur avait proposé l'expression : « en fonction de la population », en second lieu, parce que M. Roger Karoutchi avait indiqué, dans son intervention, que les sénateurs devaient être élus « essentiellement par des élus ». Par ailleurs, constatant que Mme Rachida Dati avait exprimé le souhait qu'un étranger puisse saisir le défenseur des droits du citoyen, il a appelé de ses voeux l'inscription dans la Constitution du droit de vote des étrangers, sous certaines conditions, relevant que ce droit, promis par le Président de la République lors de la campagne électorale, était reconnu dans la majorité des pays européens.
a mis en avant l'insuffisante visibilité de nombreuses dispositions du texte, compte tenu des fréquents renvois à des lois organiques ou aux règlements des assemblées, citant les exemples du Défenseur des droits du citoyen, dont le périmètre précis d'intervention n'est pas encore arrêté, et de l'examen en séance plénière sur le texte adopté en commission, qui pourrait avoir pour conséquence non souhaitable la présence du gouvernement aux séances de commission, en particulier celles d'examen des amendements extérieurs.
a regretté l'adoption par les députés de l'amendement tendant à rendre obligatoire la consultation des Français par référendum sur tout projet d'adhésion à l'Union européenne d'un pays qui représente plus de cinq pour cent de la population de l'Union, notant que cette disposition visait implicitement la Turquie. Elle s'est, par ailleurs, interrogée sur l'intérêt de créer un défenseur des droits du citoyen eu égard au nombre des instances actuellement chargées de la protection des droits et des libertés fondamentales. Elle a enfin exprimé la crainte que l'amendement sur la répartition des contentieux entre les deux ordres de juridiction, adopté par les députés alors que les commissions Mazeaud et Guinchard n'ont pas encore rendu leurs conclusions, n'ait pour effet de créer une juridiction d'exception pour le contentieux des étrangers.
a pointé la contradiction entre l'ambition du projet de loi - moderniser et rééquilibrer nos institutions - et le refus de le soumettre à référendum. Après s'être déclarée sceptique quant à la volonté du Gouvernement de mieux respecter à l'avenir le travail parlementaire, elle a jugé peu satisfaisantes les modifications du texte en matière de fixation de l'ordre du jour. Elle a regretté que, telle qu'elle a été prévue par les députés, la déclaration thématique du Gouvernement donne lieu à un débat et à un vote, mais sans conduire à une possibilité de mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement. Elle s'est interrogée sur les compétences qui seraient dévolues à la commission pour les affaires européennes et sur l'articulation de ses travaux avec ceux des commissions permanentes. Elle a estimé peu pertinent de fixer un seuil démographique de 5 % dans la Constitution, a demandé plus de précisions sur les contours exacts de la mission du défenseur des droits du citoyen, indiquant au passage partager le souhait de M. Jean-Pierre Sueur d'instaurer le droit de vote des étrangers en France.
Après avoir noté que le Gouvernement n'envisageait pas initialement de modifier l'article 34 de la Constitution, M. François Zocchetto s'est étonné que les députés aient souhaité y inscrire le principe de non-rétroactivité de la loi, au risque de créer des difficultés d'articulation avec l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Relevant que le projet de loi constitutionnelle prévoyait que le garde des sceaux pourrait, sauf en matière disciplinaire, assister aux séances du Conseil supérieur de la magistrature, il s'est demandé quel serait son rôle. Il s'est enfin interrogé sur l'apport de l'amendement, adopté par les députés, substituant à l'expression « comité chargé des affaires européennes » celle de « commission chargée des affaires européennes », alors que le terme « commission » est aujourd'hui réservé aux six commissions permanentes.
Regrettant certaines modifications apportées au texte par les députés, M. Patrice Gélard s'est déclaré gêné que les ministres les endossent dans leur discours, donnant le sentiment d'une faible marge de manoeuvre pour le Sénat. Il a annoncé son intention de déposer quelques amendements, parmi lesquels la suppression de la disposition qui fait des anciens présidents de la République des membres de droit du Conseil constitutionnel et l'encadrement du référendum d'initiative populaire par un quorum de participation de 50 %. Il s'est par ailleurs inquiété de ce que le texte oblige désormais les parlementaires à ratifier explicitement les ordonnances, évolution qui, compte tenu de la perte de maîtrise de l'ordre du jour par le gouvernement, pourrait conduire à une forte insécurité juridique.
a regretté que les ministres donnent l'impression, dans leur propos, que le projet de révision constitutionnelle est d'ores et déjà adopté par le Congrès.
Observant que le texte vise à rééquilibrer les institutions et à rétablir la séparation des pouvoirs, M. Pierre Fauchon s'est demandé s'il n'eût pas été préférable d'aller au bout de cette logique et de créer un véritable régime présidentiel en supprimant la possibilité pour l'Assemblée nationale de mettre en cause la responsabilité du gouvernement.
a noté que l'encadrement du recours au troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution était présenté comme un progrès, alors qu'en raison de l'avènement du fait majoritaire depuis 1962, renforcé par le quinquennat et l'inversion du calendrier électoral en 2002, il était en pratique faiblement utilisé.
a déclaré que :
- l'amendement sur la création de « blocs de contentieux » n'aurait pas pour effet de créer une juridiction d'exception spécialisée en droit des étrangers ;
- la révision constitutionnelle pouvait parfaitement être adoptée par les représentants du peuple réunis en Congrès, en vertu de l'article 89 de la Constitution ;
- la présence du garde des sceaux aux séances du CSM se justifiait par le fait que cette instance devrait se réunir pour répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République au titre de l'article 64 de la Constitution, mais qu'en tout état de cause le garde des sceaux n'aurait pas de voix délibérative, comme c'est le cas aujourd'hui ;
- le chiffre de 5 % ne visait pas spécifiquement la Turquie, mais tout pays dont l'adhésion, compte tenu de son poids démographique, risquait de déséquilibrer les institutions européennes ;
- l'amendement sur la non-rétroactivité de la loi était plus strict que la jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel ; il ne concerne pas les lois pénales, pour lesquelles les règles actuelles fondées sur l'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 restent valables ;
- l'encadrement du recours au référendum d'initiative populaire était nécessaire, mais sans le vider de sa substance ;
- la question du droit de vote des étrangers ne faisait pas consensus ;
- le défenseur des droits du citoyen avait vocation à regrouper toutes les autorités chargées de recueillir les plaintes de personnes s'estimant lésées par le fonctionnement d'un service public.
En réponse à MM. Bernard Frimat et Robert Badinter, qui s'étonnaient qu'on puisse proposer au pouvoir constituant de créer une institution aussi fondamentale sans en préciser clairement les contours, Mme Rachida Dati a insisté sur le fait qu'il appartiendrait au législateur organique de préciser son périmètre d'action selon une approche pragmatique et progressive. Elle a souligné qu'outre celles de l'actuel Médiateur de la République pourraient notamment être reprises les attributions de la commission nationale de déontologie de la sécurité.
a, quant à lui, indiqué que :
- la réforme consistant principalement à renforcer les pouvoirs du Parlement, il était légitime de la soumettre au Congrès ;
- l'allongement des délais d'examen des textes par le Parlement permettrait de mettre un terme à certaines pratiques actuelles ;
- la suppression, par les députés, de l'article du projet de loi ouvrant la possibilité d'adopter des résolutions politiques ne remettait pas en cause les mécanismes existants d'engagement de la responsabilité du gouvernement ;
- le changement terminologique comité-commission opéré par les députés ne signifiait pas que l'instance chargée des affaires européennes serait dotée de pouvoirs comparables à ceux à des commissions permanentes ;
- l'expression « élus essentiellement par des élus » utilisée à propos de l'élection des sénateurs était directement tirée de la décision du Conseil constitutionnel du 6 juillet 2000 ;
- il était nécessaire de prévoir des réunions de commission à huis clos ;
- l'insécurité juridique résultant de l'obligation de ratification explicite des ordonnances était relative, une ordonnance ne pouvant plus être contestée devant le Conseil d'Etat à l'expiration d'un délai de deux mois ;
- ni le comité Balladur, ni le Gouvernement n'avaient jugé opportun d'instaurer un régime présidentiel en France ;
- l'encadrement de la procédure du troisième alinéa de l'article 49 traduisait la volonté de renforcer le rôle du Parlement, tout en maintenant cet outil utile, en cas de majorités étroites.
Enfin, en réponse à M. Jacques Gautier qui s'inquiétait des risques de limitation du nombre des membres du Conseil économique et social à 233 au regard de ses attributions nouvelles en matière d'environnement, M. Roger Karoutchi a fait valoir que cette extension de compétence, souhaitée par le Conseil économique et social, ne déséquilibrait pas l'institution.