Intervention de Roger Karoutchi

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 3 juin 2008 : 2ème réunion
Constitution — Modernisation des institutions - Audition de Mme Rachida daTi garde des sceaux ministre de la justice et de M. Roger Karoutchi secrétaire d'etat chargé des relations avec le parlement

Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement :

Après avoir salué la qualité du travail et le souci de consensus du comité Balladur, M. Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, a souligné que le projet de loi constitutionnelle marquait également la volonté du Gouvernement de dépasser les clivages politiques pour faire aboutir des réformes souhaitées depuis des années, voire des décennies, par tous les groupes parlementaires.

Jugeant peu satisfaisant le système actuel de législation, il estimé nécessaire d'évoluer vers un système de coresponsabilité qui permette au gouvernement, à la majorité, mais aussi à l'opposition, de jouer son rôle au profit de tous les Français. C'est pourquoi le projet de loi initial et les amendements adoptés par les députés ont, en grande partie, porté sur le renforcement des droits du Parlement, renforcement marqué par trois orientations :

- améliorer la représentativité du Parlement ;

- faire du contrôle et de l'évaluation une mission essentielle du Parlement ;

- rendre plus lisible et plus efficace le travail législatif.

Sur le premier point, il a indiqué que le projet de loi constitutionnelle :

- préservait opportunément la mission spécifique du Sénat de représentation des collectivités territoriales, jugeant nécessaire de ne pas faire du Sénat le clone de l'Assemblée nationale, ce qui ferait perdre au bicamérisme toute utilité. Le texte précise, a-t-il ajouté, que le Sénat représente les collectivités territoriales « en tenant compte de leur population » afin que le mode d'élection des sénateurs ne conduise pas à une disproportion excessive du poids de certaines collectivités territoriales au regard de leur population, sans aboutir pour autant à ce que les sénateurs ne soient plus élus essentiellement par des élus ;

- prévoyait que les Français établis hors de France seraient représentés également à l'Assemblée nationale ;

- fixait, à l'initiative de l'Assemblée nationale, un nombre maximum de députés (577) en laissant au Sénat le soin d'examiner cette question pour lui-même. Il a précisé que le Gouvernement souhaitait que, de ce point de vue, la Constitution conserve une certaine cohérence ;

- prévoyait que le redécoupage des circonscriptions à l'Assemblée nationale serait effectué de manière régulière après avis d'une commission indépendante et que, pour le Sénat, cette commission aurait à se prononcer sur la répartition des sièges entre les circonscriptions ;

- permettait aux membres du Gouvernement de retrouver leur siège au Parlement après l'exercice de leurs fonctions ministérielles.

Abordant le deuxième volet du renforcement des droits du Parlement, à savoir les missions de contrôle et d'évaluation, M. Roger Karoutchi a indiqué que le texte prévoyait :

- la consécration du rôle du Parlement en matière de contrôle de l'action du gouvernement et, par un amendement adopté par l'Assemblée nationale avec un avis favorable du gouvernement, d'évaluation des politiques publiques ;

- la possibilité, pour les assemblées, d'adopter des résolutions en matière européenne ;

- la création d'une commission chargée des affaires européennes ;

- la possibilité, pour soixante parlementaires, d'obtenir un débat pour engager un recours devant la Cour de justice européenne pour violation du principe de subsidiarité ;

- l'organisation en séance plénière, une semaine par mois, de travaux prioritairement consacrés au contrôle parlementaire, précisant que si le Gouvernement n'était pas hostile à cette mesure, il craignait une « rigidification » des conditions de fixation de l'ordre du jour.

Au titre du troisième et dernier volet du renforcement du rôle du Parlement (rendre plus lisible et plus efficace le travail législatif), il a précisé que :

- les assemblées auraient désormais la maîtrise de la moitié de leur ordre du jour, indiquant que les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, ainsi que les textes qui demeureraient trop longtemps en navette, resteraient prioritaires ;

- le rôle des commissions permanentes serait renforcé par plusieurs mesures : possibilité de créer jusqu'à huit commissions permanentes, débat en séance plénière sur le texte adopté en commission, publicité des auditions des commissions. Il s'est toutefois demandé si le principe de cette publicité ne relevait pas plus des règlements des assemblées que de la Constitution ;

- le recours à l'article 49-3 de la Constitution serait limité à un texte par session, ainsi qu'aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale ;

- le droit d'amendement serait renforcé au travers d'une disposition, adoptée par les députés, prévoyant que tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il a un lien, même indirect, avec le texte déposé, et ce, afin de prévenir une jurisprudence trop restrictive du Conseil constitutionnel ;

- le Parlement disposerait de plus de temps pour examiner les textes, soulignant, d'une part, que les députés avaient allongé les délais prévus par le projet de loi initial à six semaines en première lecture devant la première assemblée saisie et trois semaines devant la seconde assemblée, d'autre part, que la procédure d'urgence serait plus encadrée avec un droit de veto des conférences des présidents des deux assemblées ;

- les présidents des assemblées pourraient, sur des questions juridiques ponctuelles et délicates, saisir le Conseil d'Etat pour examiner une proposition de loi en vue de son passage en commission ;

- le gouvernement pourrait, y compris à la demande des groupes parlementaires, faire une déclaration devant les assemblées, suivie d'un vote sans mise en jeu de sa responsabilité, et ce, afin de permettre au Parlement de marquer une volonté politique sans adopter une loi dénuée de portée normative. Il a indiqué que le Gouvernement avait souhaité créer un mécanisme de résolutions afin de permettre aux assemblées de prendre position sur certaines orientations politiques sans avoir à les insérer dans un dispositif normatif, mais que la formule proposée par l'Assemblée nationale avait recueilli l'accord du Gouvernement, qui l'avait jugée conforme à l'objectif poursuivi ;

- le Président de chaque assemblée pourrait opposer l'irrecevabilité à un amendement intervenant dans une matière non législative ;

- le champ des lois de programmation serait étendu en dehors du champ économique et social ;

- les lois rétroactives seraient interdites, sauf motif déterminant d'intérêt général ;

- les ratifications implicites d'ordonnances seraient désormais impossibles ;

- des lois de programmation définissant des orientations pluriannuelles pour les finances publiques pourraient être adoptées ;

- les projets de loi seraient élaborés dans les conditions prévues par une loi organique, sorte de LOLF pour les lois non budgétaires, précisant que si le Gouvernement n'est pas défavorable à un tel dispositif, il estime qu'il doit pouvoir encore être amélioré.

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