Intervention de Françoise Férat

Réunion du 15 mars 2005 à 21h30
Avenir de l'école — Discussion générale

Photo de Françoise FératFrançoise Férat :

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, avec l'examen de ce projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école, le Sénat a la possibilité de poursuivre et de concrétiser certaines des orientations du grand débat national organisé à la demande du Président de la République.

De cette consultation sans précédent, nous retiendrons surtout les huit programmes d'action élaborés par la commission Thélot : la refonte de la scolarité obligatoire, les voies de formation au lycée, la définition du projet scolaire par les élèves, la mixité sociale, la capacité d'action des établissements, le métier de professeur, la place des parents et le rôle des partenariats.

Je regrette que les pistes ébauchées par ladite commission n'aient pas été davantage reprises dans le présent projet de loi. Je me réjouis, en revanche, que la « maîtrise d'un socle commun », idée qu'elle avait proposée, figure dans le texte qui nous est soumis.

Grâce à cette nouvelle approche, la collectivité ne fixe plus seulement des taux de réussite, mais invite désormais l'école à délivrer le niveau de connaissances indispensable à la réussite de l'élève, pour sa vie tant personnelle que professionnelle.

Ainsi, aux termes de l'article 6, ce socle comprend la maîtrise de la langue française, des principaux éléments de mathématiques et des nouvelles technologies. Il comprend également la pratique d'au moins une langue étrangère ainsi qu'une culture scientifique et humaniste.

Je suis favorable à cette orientation. Pour autant, il me semble qu'elle pourrait utilement s'ouvrir sur un autre enseignement tout aussi indispensable à l'épanouissement personnel : celui de l'histoire et de la géographie. En effet, comment espérer que chaque individu atteigne un parfait accomplissement dans sa vie citoyenne si l'apprentissage des fondements de notre civilisation n'est pas inscrit officiellement dans le socle des connaissances indispensables ?

Ce point fera l'objet d'un amendement que je vous soumettrai.

Monsieur le ministre, j'axerai mes propos sur la place réservée aux langues vivantes étrangères.

Force est de constater qu'elle est particulièrement choisie. En effet, la définition du socle et le paragraphe consacré à la dimension européenne confirment la détermination de la France à rattraper son retard dans le domaine de la maîtrise des langues, passeport culturel obligatoire pour devenir un individu professionnellement mobile.

Le défi à relever est tout aussi important qu'il est difficile.

Nombreux ont été les cris d'alarme, nombreuses ont été les propositions sans que nous puissions pour autant percevoir de véritables améliorations.

À ce titre, les excellents travaux de notre collègue Jacques Legendre nous éclairent sur les faiblesses récurrentes de notre système éducatif. Interpellé par ces carences, il avait présenté en 1994 un véritable plaidoyer en faveur de la diversification des langues vivantes et de l'efficacité de leur enseignement.

Huit ans après, en dépit d'avancées perceptibles, un nouveau rapport est venu, dans le cadre du grand débat national sur l'école, répondre à une inquiétude qu'il a qualifiée de « renouvelée ».

Le resserrement de l'offre linguistique et l'insuffisante mobilisation en faveur de l'apprentissage des langues étrangères demeurent autant de sujets de préoccupations en France.

Pourtant, ces exigences sont importantes et elles le seront d'autant plus après le prochain élargissement de l'Europe, creuset dans lequel cohabiteront des centaines de millions de citoyens aux moeurs et aux coutumes différentes.

Or seul l'échange oral leur permettra de se découvrir mutuellement, d'échanger leurs savoirs, leurs connaissances, leurs expériences.

Comme le précise une communication de la Commission européenne en date du 24 juillet 2003, « le citoyen doté de bonnes compétences linguistiques est mieux équipé pour profiter de sa liberté de travailler ou d'étudier dans un autre Etat membre ».

Ce plan d'action, qui entend généraliser sur notre territoire l'idée actée à Lisbonne en 2000 d'une Europe de la connaissance, constitue donc une base de propositions permettant à chaque pays membre de prendre des mesures concrètes afin de promouvoir l'apprentissage des langues et la diversité linguistique.

D'importantes similitudes sont d'ailleurs à noter entre ces orientations et les principes d'action affichés dans ce projet de loi.

Au cours de sa scolarité obligatoire, chaque élève suivra ainsi un enseignement de deux langues étrangères. En outre, l'apprentissage de l'une de ces deux langues sera anticipé pour commencer dès le plus jeune âge, puis sera ensuite intensifié au collège par l'appropriation d'une seconde langue, progressivement proposée dès la cinquième ; il sera enfin complété dans le cadre des formations dispensées dans l'enseignement supérieur.

En complément, le rapport annexé fait état de nombreux exemples attestant d'une politique volontariste d'apprentissage linguistique : regroupement des élèves par paliers de compétences, groupes dédoublés en terminale, opérations « école ouverte en langues », développement des sections européennes et internationales, jumelage, correspondant étranger pour chaque collégien, appui aux établissements pour organiser des projets dans le cadre des programmes européens, formation des enseignants.

Cependant, l'expérience m'incite à faire preuve de plus de réserve. En effet, cette litanie d'actions appelle des moyens financiers qui, bien que relevant de la loi de finances, devraient apparaître, tout au moins à titre symbolique, dans ce texte !

Ainsi, derrière chaque proposition se cache souvent une réalité différente. Devons-nous nous réjouir de la multiplication des sections européennes et internationales sans même nous demander si elles ont actuellement les moyens humains et matériels de respecter le cadre imposé ? Je ne le crois pas, monsieur le ministre, mais peut-être me contredirez-vous sur ce point.

Souhaitant vivement l'efficacité tout autant que l'effectivité des actions évoquées dans le rapport annexé au présent projet de loi, je vous proposerai un nouvel amendement visant à réaliser, dans le cadre d'un rapport à remettre au Parlement, une évaluation qualitative et quantitative des programmes actuellement mis en oeuvre.

C'est donc à l'aune de nos débats à venir et de la bienveillance avec laquelle seront étudiés mes amendements...

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