La semaine dernière encore, un ingénieur a cruellement blessé sa femme au poignet et au bras. Les violences conjugales sont parfois d'une ampleur inouïe et il y a urgence à agir.
Je me réjouis du travail réalisé par les parlementaires : une proposition de loi donne toute sa force à cette oeuvre consensuelle. Le vote à l'Assemblée nationale a été unanime. Ce combat commun à tout le Parlement et au Gouvernement sert l'intérêt de nos concitoyens.
L'objectif ici est de renforcer la législation, qui comprend déjà de nombreuses dispositions civiles et pénales. En matière civile, l'ordonnance de protection était bien nécessaire. L'éviction de l'auteur, la dissimulation de l'adresse de la victime, les mesures relatives à l'exercice de l'autorité parentale, sont des avancées. Des échanges fructueux avec votre rapporteur ont amélioré le texte issu de l'Assemblée nationale, dont l'esprit est cependant conservé. Le Gouvernement sera tout à fait favorable à nombre d'amendements présentés par le rapporteur.
En revanche, je m'opposerai à la saisine par les associations comme à la désignation d'une association pour l'accompagnement de la victime, qui méconnaissent l'exigence d'un procès équitable telle que formulée dans la convention européenne des droits de l'homme. Le Gouvernement souhaite reporter au 1er octobre 2010 l'entrée en vigueur de l'ordonnance de protection, car il faut modifier en conséquence le code de procédure civile. Un référé par assignation me paraît plus efficace qu'une convocation par lettre recommandée émise par le juge : le délai est en effet de quelques jours seulement dans le premier cas, de quinze jours au moins dans le second. La victime, si elle ne peut faire l'avance des frais d'assignation, aura accès à l'aide juridictionnelle.
Il convient de revoir l'article 1er, alinéa 7, qui donne à l'ordonnance une valeur probatoire. Elle n'a pas autorité de chose jugée ; le juge pénal n'est pas lié par l'interprétation du juge civil. Nous craignons aussi que certaines attributions nouvelles du juge aux affaires familiales soient inadaptées. Je songe à l'interdiction de détenir une arme ou d'entrer en contact avec la victime. Car si l'on crée un délit de violation de l'ordonnance de protection, puni de deux ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, la réponse judiciaire interviendra tardivement - il faudra une seconde procédure, au pénal. Des mesures coercitives, prises dans le cadre pénal, permettent, elles, d'agir tout de suite. Contrôle judiciaire, sursis avec mise à l'épreuve peuvent déjà comporter les interdictions citées. Si l'intéressé ne se conforme pas à ces prescriptions, il risque l'emprisonnement. La voie pénale est plus rapide, la sanction plus lourde.
La rédaction de l'article 1er ter est équilibrée. Le Gouvernement présentera tout de même un amendement car il est impossible techniquement d'inscrire dans le passeport l'interdiction de sortie du territoire.
La proposition de loi renforce la protection de la victime ; celle-ci pourra bénéficier d'un dispositif anti-rapprochement électronique, au stade de l'instruction comme après la condamnation. Les peines pour meurtre, tortures ou actes de barbarie sont aggravées en cas de menace de mariage forcé. S'agissant de l'article 19, la qualification par le juge de la connotation sexuelle du harcèlement est contraire au principe de légalité des délits et des peines. Il faut veiller à ce que le juge se prononce sans risque d'arbitraire. Il faut aussi harmoniser les peines encourues avec celles inscrites dans le code du travail.
La jurisprudence de la Cour de cassation est consacrée par les mesures concernant les violences psychiques, réprimées au même titre que les violences physiques. Il faudra seulement améliorer la rédaction. Les cours d'éducation civique abordent déjà ces sujets. Il n'y a pas lieu d'inscrire dans la loi des dispositions particulières pour ce type de formation - sinon nous serions submergés de demandes similaires.
Quant à l'intitulé, j'estime plus judicieux - et nécessaire symboliquement - de conserver la référence aux violences faites spécifiquement aux femmes, car ce sont elles qui sont victimes des mariages forcés, mutilations sexuelles et viols. Le mieux est de mentionner les violences au sein du couple et les violences aux femmes.
La lutte contre les violences conjugales a été décrétée grande cause nationale pour 2010. Pour garantir une protection concrète des victimes, ce texte doit être voté et appliqué dans les meilleurs délais. Il doit revenir devant l'Assemblée nationale dès le 28 juin. Je salue le rôle du Sénat dans ce domaine, et notamment de sa délégation aux droits des femmes.