Cette proposition de loi reprend les analyses de notre groupe de travail sur l'avenir du Centre des monuments nationaux (CMN) dont le rapport d'information avait été adopté à l'unanimité. Elle réaffirme l'importance de notre patrimoine monumental, dont l'utilisation doit être respectueuse de son histoire, de son architecture et de son rôle au regard de la mission de service public culturel. Elle pose un principe de précaution réaffirmé à chaque étape de la décision, dont les enjeux seront soumis à une analyse rigoureuse : avant la vente d'un monument classé, avant tout transfert à une collectivité territoriale - puisque nous relançons la dévolution, dans le respect des enjeux patrimoniaux -, avant toute revente, par une collectivité, d'un monument cédé à titre gratuit, avant toute décision, enfin, ayant un impact sur l'utilisation du monument - puisque des prescriptions culturelles s'imposeront au propriétaire.
Dans cette perspective, la création d'un Haut conseil du patrimoine, dans la ligne des travaux de la commission Rémond, constitue un élément clé. D'une composition similaire, sur laquelle nous reviendrons par amendement, il sera chargé d'étudier l'ensemble du parc monumental de l'État pour définir, à mesure, la liste des monuments transférables, il sera saisi par le ministre de la culture et pourra s'autosaisir. Il devra se prononcer sur tout projet de vente d'un monument historique, ainsi que le rappelle très clairement un amendement que je vous soumettrai, et, pour les monuments susceptibles d'avoir des utilisations culturelles, formulera des prescriptions s'imposant à tout détenteur de droits réels. Autant dire qu'un tel conseil eût-il déjà été créé, le malheureux épisode de l'Hôtel de la Marine n'aurait pas eu lieu d'être et les inquiétudes que nous avons vu se manifester sur l'appel à projet, fort préjudiciables à la politique non seulement patrimoniale mais immobilière de l'État, seraient dissipées.
Estimant que le gouvernement avait entrepris de relancer, dans le projet de loi de finances pour 2010, la dévolution du patrimoine monumental de l'État aux collectivités, avec trop de précipitation, nous prenons l'initiative d'y revenir, en en encadrant les modalités. Ne pourront être cédés que les monuments jugés transférables par le Haut conseil, qui se prononcera en outre sur chaque demande de transfert à titre gratuit après étude du projet culturel, indissociable d'une telle opération. Le transfert ne pourra donner lieu à dépeçage, y compris, ainsi que je vous le proposerai par amendement, pour le patrimoine mobilier. L'information sera renforcée, afin de s'assurer de garanties dans la durée. Une convention de transfert donnera notamment des précisions quant aux travaux envisagés et les commissions compétentes du Parlement seront informées tous les trois ans. En cas de nouvelle cession faisant suite à un transfert gratuit, la vocation culturelle du monument devra être respectée. Toute sortie du domaine public devra être autorisée par le Haut conseil et l'État conservera la faculté de demander restitution du monument. Le partage du bénéfice entre l'État et la collectivité, en cas de revente avant le terme de quinze ans, doit parer aux tentations spéculatives. Le rôle prééminent, enfin, du ministre de la culture dans le processus de dévolution est réaffirmé, dans le respect des prérogatives du ministre en charge du domaine de l'État.
Le Centre des monuments nationaux joue un rôle central dans notre politique patrimoniale. Il importe de garantir le principe de péréquation sur lequel se fonde son action depuis près d'un siècle, ainsi que l'a souligné la Cour des comptes. Tel est l'objet de l'article 3.
Nos auditions m'ont permis de constaté que mon enthousiasme est partagé. Nous vivons un tournant dans l'histoire du patrimoine monumental de l'État : les collectivités territoriales peuvent jouer un rôle précieux dans la mise en oeuvre d'une politique nationale cohérente, respectueuse de notre histoire et de notre mémoire. Les craintes qui se sont manifestées de voir « brader » notre patrimoine témoignent que bien des monuments sont des éléments fondateurs de notre identité et des lieux de mémoire collective. La mobilisation d'un historien comme Pierre Nora est à cet égard significative.
Ce texte a l'ambition de mettre en place les outils qui nous permettront de définir une approche sereine et transparente, légitime, pour une France exemplaire dans la protection de son patrimoine.