Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Francis Grignon, rapporteur, sur le projet de loi n° 501 (2007-2008) relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports (urgence déclarée).
a introduit son propos en notant que l'organisation et la régulation des transports ferroviaires représentaient, comme l'indique son intitulé, l'objet essentiel du projet de loi. En effet, très peu de dispositions du texte concernent les transports guidés, c'est-à-dire les tramways ou les métros, et les dispositions diverses portent sur les concessions routières et des mesures concernant les personnels des entreprises de transport aérien. Le « coeur » du projet de loi, et le sujet sur lequel est également centré son rapport, est donc constitué par les dispositions tendant à créer une autorité de régulation des transports répondant aux exigences posées par le droit communautaire.
Afin de replacer l'examen du projet de loi dans son contexte, M. Francis Grignon, rapporteur, a commenté à ses collègues deux tableaux faisant apparaître respectivement l'état de transposition des textes européens en matière de transport ferroviaire et le « paysage ferroviaire national » tel qu'il se présente aujourd'hui.
Rappelant que la démarche communautaire avait débuté en 1991 avec l'adoption de la directive 91/440/CE du 29 juillet 1991, relative au développement de chemins de fer communautaires, il a ensuite successivement évoqué :
- les textes de 2001 composant ce que l'on a appelé le « premier paquet ferroviaire », portant sur les infrastructures, déjà partiellement satisfaits par la loi du 13 février 1997 créant un nouvel établissement gestionnaire du réseau, Réseau Ferré de France (RFF), séparé de la SNCF, même s'il lui délègue l'essentiel de ses missions, mais qui a donné également lieu à l'intervention du décret n° 2003-194 du 7 mars 2003, transposant les règles relatives à l'ouverture du réseau aux transporteurs européens, à l'institution de la licence d'entreprise ferroviaire et aux conditions de tarification et de répartition des sillons ferroviaires, inscrites dans un document de référence du réseau contenant l'ensemble des informations nécessaires aux entreprises qui souhaitent y accéder ;
- le « deuxième paquet ferroviaire », relatif à l'ouverture du marché du fret, a été transcrit en droit français par la loi du 5 janvier 2006 créant l'établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) et mettant fin au monopole de la SNCF sur le service intérieur de marchandises dès le 31 mars 2006, mais aussi par les décrets intervenus en 2005 et en 2006 pour permettre notamment l'adaptation en France du nouveau système de spécifications techniques d'interopérabilité et la libéralisation du fret international à partir du 1er janvier 2006 ;
- le projet de loi s'inscrit dans la transposition du troisième paquet ferroviaire, relatif au transport des voyageurs, en prévoyant la libéralisation du transport international de voyageurs au 13 décembre 2009, en encadrant les possibilités de cabotage et en prévoyant la possibilité d'accords cadres pluriannuels entre entreprises ferroviaires et gestionnaires du réseau.
En revanche, a souligné le rapporteur, le projet de loi ne prévoit pas, en l'état, la transposition de la directive n° 2007/59/CE relative au certificat de conduite européen des trains.
Analysant ensuite le paysage ferroviaire français tel qu'il résulte aujourd'hui des mesures déjà prises pour s'inscrire dans la démarche d'harmonisation des règles nationales favorisée, au niveau communautaire, par l'Agence ferroviaire européenne, M. Francis Grignon, rapporteur, a indiqué que les compétences étaient actuellement réparties entre :
- l'Etat, responsable de la délivrance des licences de transport ferroviaire mais qui reste aussi chargé en dernier ressort du contrôle des activités ferroviaires et de la fixation des redevances d'utilisation des infrastructures ;
- l'EPSF, qui délivre les certificats et agréments de sécurité ;
- RFF, chargé de l'entretien du réseau, de la répartition de ces capacités et de la gestion des circulations, toutes attributions qu'il délègue largement à la SNCF ;
- la mission de contrôle des activités ferroviaires (MCAF), créée en 2003, qui exerce auprès de l'Etat une mission consultative en matière de contrôle des conditions d'accès au réseau ;
- l'Autorité de la concurrence, qui intervient aussi sur les problèmes de discrimination en matière d'accès au réseau.
Ce paysage, a noté M. Francis Grignon, rapporteur, ne répond pas aux exigences communautaires en matière de garantie du respect des règles de concurrence, la MCAF n'ayant qu'un rôle consultatif auprès du ministre des transports qui est par ailleurs l'autorité de tutelle d'un opérateur majeur, la SNCF, entreprise publique détenue à 100 % par l'Etat, et l'inexistence en France d'une autorité indépendante de contrôle ou de « régulation » chargée de garantir l'accès équitable et non discriminatoire au réseau est donc un des griefs - mais non le seul - formulés dans la mise en demeure que la Commission européenne a adressée à la France le 26 juin 2008.
a fait ensuite observer que la loi du 13 février 1997 modifiée portant création de l'établissement public « Réseau ferré de France » avait fait le choix de créer une entité séparée de la SNCF, alors que la règlementation européenne exigeait seulement la tenue d'une comptabilité séparée, et que RFF avait reçu en plus en 2003 la responsabilité de répartir les sillons, tâche qu'il avait dû déléguer à la SNCF. La libéralisation du fret a permis depuis 2007 à dix nouvelles entreprises de conquérir près de 10 % du marché. L'ordre du jour est désormais à la libéralisation du transport des voyageurs mais uniquement sur les lignes internationales, avec possibilité de cabotage ou arrêt en territoire national, les lignes de trains express régionaux (TER) n'étant pas concernées.
a indiqué que l'absence d'indépendance de la MCAF justifiait la création par le projet de loi d'une commission de régulation des activités ferroviaires.
Puis, il a présenté le contenu du projet de loi :
- le titre Ier transpose le troisième paquet ferroviaire et prévoit notamment l'ouverture à la concurrence du transport international de voyageurs avec possibilité de cabotage à compter du 13 décembre 2009 ;
- le titre II ne comprend qu'un seul article d'ordre technique qui valide des décisions prises par le conseil d'administration de RFF et susceptibles d'être mises en cause pour des raisons de forme et de procédure ;
- le titre III, soit 19 articles sur les 25 que compte le texte, est consacré à la création d'une nouvelle autorité administrative indépendante, la Commission de régulation des activités ferroviaires (CRAF), qui remplace la MCAF. Il s'agit d'une autorité administrative indépendante du ministre mais dépourvue de personnalité juridique propre, comme la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) sur le modèle desquelles elle est largement construite. Elle est compétente pour trancher les litiges (article 9), ce qui implique des pouvoirs d'enquête et d'investigation (article 14 à 17) importants ainsi que des pouvoirs de sanction (article 10). En amont du règlement des litiges, elle est dotée d'un pouvoir réglementaire subordonné, car elle peut préciser toute les dispositions législatives ou réglementaires (article 7). Elle exerce également des missions consultatives, ainsi qu'un droit de veto sur la fixation annuelle par le ministre du niveau des péages payés à RFF par tous les transporteurs qui utilisent le réseau ferroviaire (article 8). Pour remplir ces missions, la CRAF est dirigée par un collège de cinq personnalités nommées par le Gouvernement, les présidents des assemblées et du conseil économique social et environnemental, nommés pour un mandat de six ans non renouvelable, tout comme le président (article 5). La Commission dispose enfin de services dirigés par un secrétaire général. L'instance pourrait employer soixante personnes pour un coût annuel de 8 millions d'euros, ce qui est un montant raisonnable au vu des exemples étrangers et des autres autorités de régulation françaises.
- les titres IV et V traitent des « diverses dispositions relatives aux transports » annoncées dans le titre du projet de loi, dans le domaine routier, avec l'extension de la concession du tunnel du Mont Blanc pour financer les travaux de mise aux normes des tunnels, et dans l'aérien avec principalement la transposition d'un accord professionnel intervenu sur le décompte du temps de travail des personnels navigants.
a souligné l'importance de ce projet de loi, qui procède, d'une part, de nos obligations communautaires et, d'autre part, de l'adaptation au secteur ferroviaire du modèle des autorités de régulation qui a déjà fait ses preuves dans notre pays.
Il a proposé d'y apporter trente et un amendements, poursuivant deux objectifs essentiels.
Le premier objectif est de renforcer et mieux positionner la nouvelle instance de régulation :
- un amendement propose de modifier le nom de l'organisme en l'intitulant Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) ;
- un amendement prévoit d'étendre le domaine des sujets relatifs à l'accès au réseau pour lesquels l'ARAF est compétente pour préciser les dispositions légales et réglementaires ;
- il est également proposé de permettre aux gestionnaires d'infrastructures de saisir l'ARAF et d'étendre son champ de compétence, afin qu'elle émette un avis sur le document de référence du réseau ;
- l'article 9 fait l'objet d'un amendement de réécriture globale afin de clarifier le rôle de l'ARAF et d'éviter toute confusion avec celui de l'EPSF.
Le deuxième objectif, a ensuite indiqué M. Francis Grignon, rapporteur, est de mieux inscrire la France dans le cadre européen. Il se traduit par cinq amendements visant à améliorer la transposition du troisième paquet ferroviaire réalisée par l'article 1er. Il s'agit notamment d'introduire en France le certificat de conduite de locomotive européen.
a ensuite exposé que le projet de loi ne réglait pas tous les problèmes de conformité du droit français aux exigences européennes, tels que la Commission les avait rappelés dans une lettre de mise en demeure en date du 24 juin 2008 :
En effet, si le projet de loi répond très largement à un grief portant sur le système de tarification en vigueur en France dans la mesure où il donne à une autorité indépendante, l'ARAF, un droit de veto sur les péages, il n'aborde pas en revanche le sujet de la fonction de gestion des capacités, qui devrait être exercée de façon indépendante à l'égard de tous les opérateurs ferroviaires. Cette fonction est aujourd'hui déléguée par RFF à l'opérateur historique, à savoir la SNCF.
a estimé que la réponse la plus cohérente consisterait dans le transfert de la SNCF à RFF des 14 000 agents aujourd'hui chargés de la gestion des capacités et des circulations. Conscient des étapes nécessaires pour la mise en oeuvre d'une telle évolution, qui passe notamment par l'identification des services concernés au sein de la SNCF et leur séparation d'un point de vue opérationnel, il a rappelé la solution envisagée par M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des Transports, à savoir regrouper l'ensemble de ces services au sein d'une direction de l'exploitation indépendante du reste de la SNCF. Il a proposé de considérer, le moment venu, les amendements que déposerait éventuellement le Gouvernement afin de mettre en oeuvre une telle disposition dans le cadre du présent projet de loi.
S'agissant enfin de l'ouverture à la concurrence en matière de trains régionaux, M. Francis Grignon, rapporteur, a indiqué que le règlement n° 1370/2007 (CE) du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route (règlement OSP), devrait protéger l'organisation actuelle jusqu'en 2019.