Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante — Réunion du 19 octobre 2005 : 1ère réunion
Examen du rapport

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy, rapporteur-adjoint :

a ensuite présenté le deuxième volet du rapport, consacré à l'indemnisation des victimes de l'amiante.

Il a rappelé qu'après l'interdiction de l'amiante dans notre pays, la prise en compte de la responsabilité de l'Etat et des employeurs avait incité les pouvoirs publics à mettre en place des dispositifs d'indemnisation spécifiques au profit des victimes de l'amiante. En 1998, a ainsi été créée une « préretraite amiante », financée par le Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA). Puis, en 2000, a été institué un Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, qui assure aux victimes une réparation intégrale de leur préjudice.

Il a fait observer que les crédits consacrés à ces fonds avaient fortement augmenté ces dernières années, pour avoisiner, en 2005, 1,4 milliard d'euros et a indiqué que, sur vingt ans, le coût total de l'indemnisation des victimes de l'amiante devrait être compris entre 26,8 et 37,2 milliards d'euros.

a souligné, en dépit de l'augmentation des moyens accordés à l'indemnisation des victimes, que le dispositif en vigueur n'avait pas répondu à toutes les aspirations. Il a rappelé que les réflexions de la mission avaient également été nourries par les conclusions et recommandations d'une enquête commandée à la Cour des comptes par la commission des affaires sociales du Sénat.

Alors que la création du FIVA devait permettre aux victimes de bénéficier d'une indemnisation rapide, sans passer par la voie judiciaire, cet objectif n'a été que partiellement atteint puisque les recours en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur se développent. Il a également fait observer que les indemnisations accordées par les tribunaux étaient souvent supérieures à celles accordées par le FIVA, l'écart tenant surtout à la majoration de rente dont bénéficient les victimes frappées d'une incapacité permanente en cas de condamnation de leur employeur. Il a également souligné l'hétérogénéité des décisions de justice qui conduit à des différences de traitement peu justifiées entre les victimes en fonction de leur lieu de résidence.

Le rapporteur-adjoint a estimé que deux voies méritent d'être explorées pour remédier à cette situation :

 - la première consisterait à majorer l'indemnisation versée par le FIVA en accordant aux victimes le bénéfice attaché à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ; cette mesure entraînerait un surcoût non négligeable mais aurait pour avantage de désengorger les tribunaux et permettrait au FIVA de consacrer ses moyens aux seuls recours subrogatoires qui présentent un intérêt du point de vue des finances publiques ;

 - la seconde orientation consisterait à mieux informer les tribunaux sur le montant des indemnisations versées par le FIVA, voire à réunir les présidents de cour d'appel, sous l'égide d'un haut magistrat de la Cour de cassation, pour favoriser une harmonisation des niveaux d'indemnisation ; si ces mesures se révélaient insuffisantes, la désignation d'une cour d'appel unique pourrait être envisagée, cette mesure présentant toutefois l'inconvénient d'éloigner les citoyens de l'institution judiciaire.

Concernant le régime de « préretraite amiante », M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur-adjoint, a constaté que la procédure d'inscription des établissements sur les listes ouvrant droit à l'allocation de cessation d'activité était fréquemment critiquée, en raison du caractère apparemment arbitraire de certaines décisions. Citant le cas d'une entreprise de sa région, il a expliqué que la loi ne prévoyant le bénéfice de la préretraite que pour certains secteurs d'activité, il arrive que des salariés qui ont incontestablement manipulé de l'amiante au cours de leur carrière ne puissent en bénéficier. Pour corriger cette injustice, il a suggéré de compléter le système actuel par une voie d'accès individuelle au FCAATA qui permettrait aux salariés exposés à l'amiante, mais dont l'entreprise ne figure pas sur les listes, de bénéficier néanmoins de la préretraite. Afin d'identifier plus facilement les droits de chacun, des comités de site, rassemblant l'ensemble des parties concernées (Etat, CRAM, employeur, syndicats, médecins du travail, etc.), pourraient mettre en commun les informations et témoignages dont ils disposent. Il a estimé, en outre, que l'administration devrait être plus rigoureuse dans le choix des établissements inscrits sur les listes, afin que le FCAATA ne soit pas utilisé de manière abusive comme un simple outil d'accompagnement des restructurations.

Il a précisé, en revanche, qu'il n'était pas souhaitable de retenir la proposition de la Cour des comptes consistant à réserver l'ACAATA aux seules personnes malades, le FCAATA, qui vise à compenser la perte d'espérance de vie des salariés exposés à l'amiante, risquant de perdre sa raison d'être si une telle restriction était décidée.

a souligné que le financement des dépenses d'indemnisation pesait principalement sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale, c'est-à-dire, in fine, sur les employeurs, ceci étant à l'origine de la dégradation de la situation financière de cette branche. Il a également fait observer que le montant de la contribution de l'Etat est aléatoire, rendant tout exercice de prévision financière particulièrement délicat. Il a dès lors suggéré de définir une clé de répartition des charges entre l'Etat et la sécurité sociale et a proposé que 30 % des dépenses du FCAATA et du FIVA incombent à l'Etat, ce chiffre permettant de tenir compte de sa responsabilité en tant qu'employeur, mais aussi en tant que puissance publique.

Il a également mis en évidence la forte mutualisation des dépenses d'indemnisation, qui résulte, pour partie, de la décision de faire prendre en charge les dépenses des fonds par l'Etat et par la sécurité sociale, et qui découle également de règles légales de prescription et de règles jurisprudentielles d'inopposabilité empêchant le FIVA de récupérer auprès des entreprises responsables, par le biais de recours subrogatoires, les sommes versées aux victimes. Il a considéré que cette situation n'incitait pas les employeurs à s'engager dans des politiques efficaces de prévention des risques professionnels.

Il a noté que la création, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, d'une contribution à la charge des employeurs dont les salariés perçoivent l'ACAATA était venue atténuer cette mutualisation, mais a estimé souhaitable d'aller plus loin, par exemple lors des prochaines négociations sur la réforme de la branche, en individualisant davantage la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles, afin d'augmenter la contribution des entreprises à l'origine du plus grand nombre de sinistres.

a fait observer que plusieurs interlocuteurs de la mission avaient souhaité l'extension à tous les risques professionnels du principe d'une réparation intégrale du préjudice. Il a toutefois indiqué que cette piste de réflexion ne paraissait pas pouvoir être retenue au titre des propositions de la mission, en raison du coût élevé d'une telle mesure, de l'ordre de trois milliards d'euros.

Puis il a évoqué le suivi médical post-professionnel des anciens salariés de l'amiante, qui fait partie des mesures d'accompagnement mises en place pour les soutenir, le but de ce suivi étant de détecter précocement d'éventuelles pathologies liées à l'amiante. Il a indiqué que le nombre de bénéficiaires du dispositif, qui est purement facultatif, était très limité, faute d'une information suffisante des salariés. Il lui a donc paru indispensable de réaliser un important effort d'information en direction des salariés potentiellement concernés par une exposition à l'amiante au cours de leur activité professionnelle, et a rappelé qu'une expérimentation était menée en ce sens dans trois régions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion