Après avoir souligné l'utilité des compétences acquises par M. Jean-Pierre Jouyet dans ses fonctions antérieures, M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur les perspectives relatives à trois domaines :
- l'harmonisation et la pérennisation, aux niveaux européen et international, de la réglementation sur les ventes à découvert, qui ont récemment fait l'objet de mesures de suspension temporaires et d'un rapport d'un groupe de travail de l'AMF, publié le 23 février 2009 ;
- la standardisation et la compensation centralisée des produits dérivés de gré à gré, notamment des dérivés de crédit qui se sont révélés complexes et opaques ;
- une refonte éventuelle du régime européen des dépositaires de fonds, abordé dans la première directive « OPCVM » de 1985 mais dont l'urgence de la modernisation a été accrue par les récentes difficultés rencontrées par les banques HSBC et UBS sur deux fonds, Thema et Luxalpha, domiciliés respectivement en Irlande et au Luxembourg.
Concernant les ventes à découvert, M. Jean-Pierre Jouyet a précisé que le collège de l'AMF souhaite mettre en oeuvre un régime permanent applicable aux valeurs tant financières que non financières et portant sur le délai de livraison des titres en J+3, la transparence des opérations et les moyens d'éviter une procyclicité en période de baisse. Les réflexions actuellement menées au sein du Comité européen des valeurs mobilières (CEVM) et de l'OICV tendent à se limiter aux enjeux de transparence, mais les Etats-Unis se montrent désireux d'aller plus loin. En tout état de cause, l'AMF, à l'instar du régulateur allemand, va maintenir son régime d'interdiction des ventes à découvert sur les valeurs financières.
Il a ensuite déclaré que l'AMF partage pleinement l'objectif de standardisation et de compensation des produits complexes échangés de gré à gré, qui sont à l'origine de la volatilité et des phénomènes systémiques. Les progrès sont néanmoins lents car les grandes banques d'investissement réalisent l'essentiel de leur chiffre d'affaires et de leurs marges sur ce type d'instruments. Il a fait valoir, en revanche, que la standardisation, si elle tend à réduire les marges des opérateurs, pourrait accroître la sécurité et la profondeur des marchés et donc soutenir les volumes de transactions.
La question du lieu de la compensation des produits dérivés est également importante : selon lui, une compensation au sein de la zone euro - qui n'a pas l'assentiment du Royaume-Uni - présenterait les meilleures garanties de compétitivité pour la place de Paris et de sécurité des transactions en euros, la Banque centrale européenne pouvant alors agir en tant que prêteur en dernier ressort en cas d'incident sur un marché.
Concernant l'affaire Madoff, il a indiqué qu'un groupe de travail a été constitué au sein du CEVM et que la Commission européenne travaille sur une meilleure harmonisation de la responsabilité des dépositaires. En revanche, l'AMF nourrit toujours des inquiétudes sur la situation au Luxembourg. Le fonds Luxalpha a en effet été liquidé ; les autorités luxembourgeoises s'en remettent aux procédures contentieuses en cours, ce qui allonge les délais, et la banque UBS fait preuve d'une mauvaise volonté manifeste. L'AMF souhaite donc que les établissements dépositaires concernés en France informent correctement leurs clients. Elle a lancé des contrôles de certains établissements et des sociétés de gestion qui ont commercialisé le fonds Luxalpha, et soutient les procédures judiciaires en cours.
Revenant sur les ventes à découvert, M. Thierry Francq, secrétaire général de l'AMF, a considéré que les régulateurs européens trouveront vraisemblablement un accord sur la publicité des positions excédant un certain seuil, mais que l'harmonisation du respect des délais de livraison constitue un sujet plus complexe, compte tenu des pratiques en vigueur sur certaines places financières. Il a rappelé que le non-respect de ce délai est passible de sanctions en France, la commission des sanctions ayant récemment eu à se prononcer. En tout état de cause, un suivi spécifique de tous les ordres de vente à découvert ne se conçoit qu'au niveau européen.
S'agissant des marchés de gré à gré, il a déclaré que la compensation permettrait de réduire le risque systémique et d'améliorer la transparence, mais que les régulateurs devront également disposer d'un compte-rendu (« reporting ») détaillé des opérations de gré à gré, ce qui requerra des investissements importants. Une telle vision, à la fois globale et détaillée, des marchés de gré à gré, est nécessaire pour mieux détecter les abus de marché qui semblent y avoir lieu. A ce titre, la Commission européenne a récemment annoncé une révision de la directive communautaire relative à l'abus de marché, qui tend à confirmer l'interprétation extensive de l'AMF, selon laquelle cette directive a vocation à s'appliquer aux transactions de gré à gré.