Indiquant avoir travaillé, depuis 18 mois, à un nouveau modèle agricole durable, avec l'ensemble des acteurs, M. Michel Barnier a décliné cette notion de durabilité en plusieurs éléments :
- le renouvellement des générations et le soutien de l'installation des jeunes agriculteurs : malgré le contexte budgétaire contraint, le montant des crédits accordés à ces soutiens est en hausse significative pour 2009 (13,3 %), à 149 millions d'euros. Ils permettront de mettre en place le nouveau plan de professionnalisation personnalisé (PPP) dès 2009, et de garantir une enveloppe de prêts bonifiés à l'installation stabilisée à hauteur de 130 millions d'euros par an (part Etat + Fonds européen agricole de développement rural - Feader) sur la période 2009-2011. La dotation aux jeunes agriculteurs est à la fois stabilisée dans la durée et adaptée pour répondre à l'accroissement du nombre d'installations attendu ;
- la recherche et l'enseignement : si les programmes correspondant ne relèvent pas de la mission « agriculture », ils font l'objet de priorités ministérielles. Dans ce cadre, les établissements d'enseignement supérieur ont été regroupés au sein de grands pôles, avec le transfert, d'ici 2012, d'Agrosparistech sur le plateau de Saclay. Le coût total, qui a été évalué à 300 millions d'euros, sera financé pour partie par le plan Campus. Par ailleurs, des moyens sont affectés à la réforme des diplômes ainsi qu'à l'élaboration de nouveaux programmes prenant en compte les priorités dégagées lors du « Grenelle de l'environnement ». Le nouveau schéma prévisionnel national des formations de l'enseignement agricole fixera les grandes orientations pour les cinq prochaines années autour de trois axes : la formation et l'orientation, l'innovation, le pilotage ;
- la mise en oeuvre des engagements du « Grenelle de l'environnement » : tout d'abord, le plan « agriculture biologique : horizon 2012 » dégage une enveloppe de 12 millions d'euros par an pour la conversion à l'agriculture biologique, avec pour objectif de tripler les surfaces y étant consacrées et d'atteindre 6 % en 2012. Il a également été décidé de créer un fonds de structuration des filières de 3 millions d'euros par an sur 5 ans, au sein de l'agence bio, et de mobiliser le fonds d'intervention des industries agroalimentaires pour soutenir la transformation en produits d'agriculture biologique.
En second lieu, le plan « écophyto 2018 » tend à réduire de 50 % l'usage des phytosanitaires, dans un délai de dix ans si possible, et à retirer du marché les substances les plus dangereuses en fonction de leur substituabilité. Mis au point par M. Guy Paillotin, ancien directeur de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), qui a associé l'ensemble des acteurs concernés pendant plusieurs mois, ce plan sera financé par une majoration de la redevance prélevée auprès des distributeurs de produits phytosanitaires. Le produit de cette augmentation -soit 33 millions d'euros pour 2009- sera versé à l'office France Agrimer et reviendra aux exploitants par le biais des mesures du plan qui leur sont destinées.
Enfin, sera mis en place, dans 100.000 exploitations, un plan de performance énergétique, auquel sera affectée une partie de la redevance versée sur les produits phytosanitaires. Son objectif, inscrit dans le projet de loi « Grenelle 1 », est ambitieux puisqu'il vise à faire en sorte que 30 % des exploitations soient à faible dépendance énergétique d'ici 2012 ;
- une politique plus équitable et solidaire pour une agriculture durable impliquant la solidarité entre les générations : M. Michel Barnier a indiqué s'être attaché à défendre les retraites des agriculteurs, même si elles ne figurent pas dans son budget. Ont été ainsi recherchées la réduction des situations de pauvreté, en particulier celles des veuves, ainsi que la garantie des mêmes droits à tous, quelle que soit la date de la retraite. Le montant minimum de retraite a été aligné sur celui du minimum vieillesse (633 euros pour les agriculteurs et pour les veuves, et 506 euros pour les conjoints), et rendu proportionnel à la durée de cotisation pour les carrières incomplètes ; 233 000 personnes bénéficieront ainsi d'une amélioration de leur retraite, dont 70 % de veuves. Le ministère a également obtenu la réversion pour les veuves de la retraite complémentaire obligatoire acquise à titre gratuit par leur conjoint. Cette mesure de 40 millions d'euros sera mise en oeuvre en 2010 et permettra d'améliorer la situation de 64 000 veuves. Enfin, le fonds de financement des prestations sociales agricoles (FFIPSA) va bénéficier de la garantie de l'Etat ;
- une pêche durable et économiquement viable : dans le budget pour 2009, les crédits « pêche » passent de 60 à 162 millions d'euros, un réajustement étant prévu les années suivantes. Cette hausse répond à la mise en oeuvre du plan pour une pêche durable et responsable, décidée en janvier 2008 par le Gouvernement. Son financement de 310 millions d'euros, initialement prévu sur trois ans, a été accéléré sur deux ans, à la suite de l'aggravation de la crise au premier trimestre de 2008. En 2009, 129 millions d'euros seront consacrés, en particulier, au plan de sauvetage et de restructuration de la flotte, aux contrats bleus et à l'amélioration de la collecte des données scientifiques. Ce plan vise enfin à mieux coordonner les contrôles dans le cadre communautaire.
Evoquant ensuite les outils d'une politique durable et, à ce titre, la modernisation de ses services, M. Michel Barnier s'est félicité de diriger un ministère dont le secteur est entièrement organisé par les organisations professionnelles. Faisant observer qu'il avait engagé un partenariat avec ces dernières, mais également avec les départements et régions, auxquels avait été demandé un diagnostic pour coordonner les relations avec son ministère, il a souhaité distinguer les mesures prises au niveau central et aux échelons déconcentrés :
- le projet d'un grand ministère de l'alimentation, du développement rural, de l'agriculture, de la forêt et de la pêche à l'horizon du 1er janvier 2009 a imposé un resserrement de l'administration centrale pour gagner en efficacité face aux défis nouveaux. Cette réorganisation est opérationnelle depuis le 1er juillet 2008, début de la présidence française de l'Union européenne. Elle repose principalement sur une réduction du nombre de directions, avec la création de la direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires (DGPAAT), ainsi que sur la création d'un service de la prospective ;
- s'agissant des opérateurs nationaux, le regroupement de l'Agence unique de paiement (AUP) et du Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (Cnasea) dans une nouvelle agence de paiement doit permettre de simplifier et d'accélérer les conditions de paiement des aides. En outre, ont été rassemblés cinq offices agricoles (à l'exception de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'outre-mer - ODEADOM) en un seul établissement, FranceAgriMer, les conseils spécialisés par filière étant toutefois maintenus afin d'assurer une bonne prise en compte de leurs enjeux propres ;
- relais crucial de la politique du ministère, l'échelon régional verra, le 1er janvier 2009, la création d'une nouvelle direction, aux compétences transversales et élargies, qui constituera l'échelon régional de l'office unique ;
- pour ce qui est de l'échelon départemental, la fusion des directions de l'agriculture et de la forêt (DDAF) et de celles de l'équipement (DDE) sera généralisée en vue de donner naissance aux directions départementales de l'équipement et de l'agriculture (DDEA). A compter de 2010, ces dernières préfigureront les nouvelles directions départementales des territoires (DDT), dont elles constitueront le pivot essentiel. Il s'agit d'apporter des réponses globales à des enjeux indissociables, comme ceux de l'agriculture, du développement durable, de l'urbanisme et de l'environnement. Quant aux missions aujourd'hui assurées par les directions départementales des services vétérinaires, elles seront exercées au sein d'une nouvelle direction départementale de la population et de la cohésion sociale (DDPCS). Ainsi, les services du ministère constitueront l'ossature des deux directions placées sous l'autorité du préfet de département.
Cette réforme, qui devrait permettre de dégager 39 millions d'euros dès 2009, se traduira par des réductions d'effectifs. Pour le ministère, 550 postes d'agents titulaires et 100 postes de vacataires sont supprimés en 2009, qu'il s'agisse de l'administration centrale ou des services déconcentrés, tandis que la baisse des effectifs concernera 1.060 agents en trois ans pour les opérateurs.
Evoquant enfin la PAC, M. Michel Barnier a rappelé qu'il s'agissait d'une politique gérée à la majorité qualifiée -255 des 345 voix au sein du Conseil-, la France disposant de 27. Faisant observer que la réforme de l'organisation commune de marché (OCM) vitivinicole avait finalement été votée à l'unanimité, alors que le projet d'origine de la Commission européenne avait été perçu comme inacceptable, il a rappelé les deux sujets d'actualité concernant la PAC :
- son bilan de santé : la conclusion, attendue le 19 novembre, mettra à disposition des Etats membres une « boîte à outil » communautaire dont les déclinaisons seront ensuite prises au niveau national ;
- le débat sur l'après 2013 : initié par le Président de la République, il vise à discuter de l'avenir de la PAC avant que ne soient débattues ses prochaines perspectives budgétaires. La réunion qui a eu lieu à Annecy sur ce thème en septembre, si elle a fait apparaître une grande diversité d'approches, a cependant permis de constater qu'aucun Etat membre ne remettait en cause la nécessité d'une politique commune en matière agricole.
Un large débat s'est ensuite instauré.