Intervention de Christine Lagarde

Commission des affaires économiques — Réunion du 5 novembre 2008 : 2ème réunion
Pjlf pour 2009 — Audition de Mme Christine Lagarde ministre de l'économie de l'industrie et de l'emploi et de M. Hervé Novelli secrétaire d'etat

Christine Lagarde, ministre :

Au cours d'une seconde séance, la commission a procédé à l'audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.

a d'abord rappelé comment la crise financière a affecté l'économie en France et dans le reste du monde. Cette crise, qui a pris son origine en août 2007, voire plus tôt aux États-Unis, a atteint son paroxysme à la mi-septembre 2008. La chute de la banque d'affaires Lehman Brothers s'est répercutée sur ses nombreuses filiales et a provoqué une défiance généralisée entre les établissements financiers au niveau mondial avec, notamment, l'effondrement d'instruments financiers dotés d'un fort effet de levier.

a fait valoir qu'après le lancement par les États-Unis du plan Paulson, qui visait à sortir des « actifs toxiques » du bilan des banques, les Européens ont pris des initiatives pour remettre en fonctionnement les circuits financiers. La France a décidé d'une part de renforcer en fonds propres les établissements bancaires chaque fois que cela serait nécessaire, d'autre part d'apporter une garantie d'Etat aux prêts interbancaires. Les banques seraient toutefois soumises à l'obligation d'utiliser les sommes mises à leur disposition pour le financement de l'économie et non pour des placements. Elles devraient s'engager à accroître de 3 % en 2009 les sommes apportées aux entreprises, aux collectivités territoriales et aux ménages. Mme Christine Lagarde, a souligné que des dispositions du même ordre avaient déjà été prises dans quatorze États de l'Union européenne sur vingt-sept.

Observant que le système bancaire français se caractérise par une organisation centralisée et hiérarchisée et une chaîne de décision souvent trop lente, Mme Christine Lagarde, a indiqué que l'équipe dirigée par M. René Ricol, créée sur l'initiative du Président de la République, aurait pour mission de favoriser une accélération des procédures. Elle a estimé impossible d'assurer que tous les chefs d'entreprise trouveraient dans tous les cas une réponse satisfaisante à leur demande de financement, mais qu'une estimation plus rigoureuse des risques devrait permettre aux banques de gérer les dossiers de la meilleure manière possible.

a évoqué l'action de financement direct des entreprises mise en oeuvre par le Gouvernement. Celui-ci y consacrera un total de 22 milliards d'euros en faveur des petites et moyennes entreprises, dont 17 milliards d'euros d'excédent d'épargne réglementée et 5 milliards d'euros mobilisables auprès d'OSEO. Elle a annoncé que, par ailleurs, 5 milliards d'euros de lignes de crédit supplémentaires étaient mises à disposition des entreprises : la moitié est gérée directement par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et l'autre moitié est fournie par la CDC sur une adjudication effectuée le 4 novembre auprès de l'ensemble des réseaux bancaires en vue du financement des collectivités locales. Elle a souligné que les succursales de la Banque de France, les trésoriers-payeurs généraux et les préfets avaient été mobilisés pour l'exécution de ce plan et que les petites et moyennes entreprises pouvaient obtenir un conseil ou une intervention d'OSEO en appelant un « numéro azur ».

a conclu son exposé liminaire en notant que plusieurs autres pays européens, à l'exemple de l'Allemagne le 4 novembre, avaient également mis en oeuvre des mesures de soutien à l'économie, mettant à profit pour la plupart d'entre eux des marges de manoeuvre budgétaires plus importantes que la France.

Elle a ensuite présenté les crédits de la mission « Economie » du projet de loi de finances pour 2009, qui se compose de quatre programmes.

- Le programme « Développement des entreprises et de l'emploi », avec 1,06 milliards d'euros, regroupe principalement les politiques liées au commerce et à l'artisanat, dont le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), les politiques de développement des entreprises et de soutien aux postes et télécommunications. Ce programme retrace également le soutien aux exportations, le financement des autorités de régulation et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), ainsi que d'OSEO-Garantie. Considérant que les exportations n'apportent pas une contribution suffisante à la croissance et à l'emploi en France, Mme Christine Lagarde, ministre, a estimé nécessaire d'accroître l'engagement financier de l'Etat en faveur d'Ubifrance.

- Le programme « Tourisme » s'élève à plus de 60 millions d'euros et regroupe les subventions aux opérateurs « Maison de la France » et « ODIT France » (Observation, développement et ingénierie touristique), ainsi que les interventions directes du ministère et la politique d'accès aux vacances. Relevant que le Sénat était sensible à l'identification de ces crédits sur un programme ad hoc, Mme Christine Lagarde, a indiqué qu'elle avait en conséquence décidé de le conserver lors de l'élaboration du projet de loi de finances pour 2009.

- Le programme « Statistiques et études économiques » regroupe les moyens d'infrastructure statistique, c'est-à-dire l'INSEE et le service des études et des statistiques industrielles (SESSI) qui seront prochainement regroupés. Il dispose de près de 420 millions d'euros.

- Enfin, le programme « Stratégie économique et fiscale », doté de près de 360 millions d'euros, regroupe des moyens de personnel et de fonctionnement de la direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE) et de la direction de législation fiscale (DLF).

a souligné que le ministère demandait des crédits constants pour l'ensemble de ces programmes, à hauteur d'1,9 milliard d'euros. Elle a alors distingué les secteurs prioritaires qui nécessitent des crédits supplémentaires et les domaines où il s'agit d'utiliser de manière plus efficace des ressources en diminution ou stables.

En ce qui concerne les secteurs prioritaires, Mme Christine Lagarde, a mentionné premièrement l'encouragement aux petites et moyennes entreprises (PME) exportatrices. En effet, seules 5 % des PME exportent, dont une moitié de manière régulière. Notant que l'Italie et la Grande-Bretagne consacrent des sommes beaucoup plus élevées que la France au soutien aux PME exportatrices, Mme Christine Lagarde, a annoncé que le Gouvernement augmenterait les moyens d'Ubifrance de 10 millions d'euros, notamment pour l'organisation de salons à l'international, et confierait à cet organisme les missions économiques (anciens postes d'expansion économique), afin de mieux accompagner les entreprises dans leurs démarches sur les marchés internationaux. Dès 2009, quarante missions économiques situées dans vingt-huit pays passeraient ainsi sous l'autorité d'Ubifrance, le basculement complet étant prévu pour septembre 2010 avec vingt-quatre missions supplémentaires implantées dans seize pays.

Les priorités consistent également, a poursuivi Mme Christine Lagarde, en la régulation face aux marchés. L'Autorité de la concurrence, créée par la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 pour prendre la relève du Conseil de la concurrence, verrait ses moyens doublés, soixante personnes supplémentaires la rejoignant pour faire face à ses missions nouvelles.

Abordant les domaines où il convient d'économiser les ressources, Mme Christine Lagarde, a évoqué les travaux d'analyse effectués dans le cadre de la revue générale des politiques publiques (RGPP). S'agissant des actions déconcentrées, elle a annoncé à compter de 2009 la fin des aides individuelles directes accordées aux entreprises en région. L'Etat se concentrera sur les actions collectives à vocation nationale ou interrégionale tandis que les actions déconcentrées se focaliseront sur la déclinaison au niveau régional des priorités nationales.

a ensuite présenté les secteurs où les dépenses demeurent stables. Le Gouvernement continuera à soutenir les acteurs du développement des entreprises : services de l'administration tels que la DGCCRF, les opérateurs extérieurs comme les centres techniques industriels (CTI) ou les organisations de normalisation et de certification. Il maintiendra également, pour un montant de 115 millions d'euros, ses efforts en faveur du commerce et de l'artisanat par l'intermédiaire notamment du FISAC, celui-ci étant recentré sur les aides en milieu rural, dans les zones de montagne, dans les halles et marchés ainsi que dans les zones prioritaires de la politique de la ville.

a précisé qu'elle mettrait en oeuvre le protocole d'accord conclu le 23 juillet dernier entre l'Etat et La Poste, qui se traduira par une aide de l'État de 242 millions d'euros au titre de l'aide au transport de la presse, dont 159 millions d'euros inscrits sur le budget de son ministère. Dans le cadre de la mission « Recherche et enseignement supérieur », elle s'est félicitée de la réforme en 2007 du crédit impôt recherche, qui permet de faire bénéficier toutes les entreprises de 620 millions d'euros supplémentaires. Elle a estimé qu'avec un tel niveau, jamais atteint en France, l'attractivité française pour les projets de recherche et développement était désormais remarquable au sein de l'OCDE, d'autant plus que la prolongation pour trois ans des pôles de compétitivité permet de soutenir l'activité et le dynamisme des entreprises.

a poursuivi en décrivant la mise en oeuvre des décisions du Conseil de modernisation des politiques publiques. Elle a indiqué que le Gouvernement appliquait la RGPP depuis plus d'un an dans tous les ministères, afin d'assouplir et de moderniser l'administration de l'Etat. Concernant l'engagement gouvernemental de non-remplacement d'un départ en retraite sur deux, elle a déclaré l'avoir respecté dans son ministère grâce aux efforts de productivité des agents, pour un total de 287 départs non remplacés. Ces départs concernent tous les niveaux hiérarchiques. C'est un redéploiement au sein de l'administration qui a permis à l'Autorité de la concurrence de remplir ses nouvelles missions.

a enfin attiré l'attention sur les réformes en préparation. La fusion de trois directions d'administration centrale en une grande direction au service des entreprises, des services, du tourisme, du commerce et de l'artisanat aura pour objectif l'élaboration d'une vision intégrée du monde de l'entreprise, avec un encadrement supérieur plus resserré. Elle a également annoncé la mise en oeuvre dès janvier 2009 du nouveau schéma administratif décidé en avril 2008. Dans les régions, un réseau commun aux ministères de l'économie et du travail regroupera sept services en une direction régionale unique. Celle-ci sera l'interlocuteur unique des entreprises pour l'ensemble de leurs questions économiques à l'exception de la fiscalité. Le regroupement des services régionaux pourrait s'achever en 2010, contre 2011 dans le calendrier envisagé initialement. Soulignant l'ambition de cette réforme, Mme Christine Lagarde, ministre, a conclu son propos en rendant hommage aux efforts des administrations sur le terrain.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion