Intervention de Thierry Repentin

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 16 novembre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Mission ville et logement - examen du rapport pour avis

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin, rapporteur pour avis :

Les crédits du volet « logement » de cette mission, qu'il me revient de rapporter, sont en légère augmentation de 0,7 % en autorisations d'engagement et de 1,6 % en crédits de paiement. Particularité de cette année : est rattaché à ce budget un article qui organise un véritable hold up sur les organismes HLM. J'en viens à penser, comme le déclarait M. Jérôme Bédier, président de l'Action Logement, - l'ex-« 1 % Logement » - dans un entretien à La Tribune le 8 novembre dernier, que « ce n'est pas à Bercy de gérer la politique du logement en France ».

Le volet « logement » de la mission est composée de trois programmes, à commencer par le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables ». Ses crédits, qui s'élèvent à 1,2 milliard d'euros, augmentent de 7,5 % en 2011 tant en AE qu'en CP. Nouveauté, ce programme comprend une action relative à l'aide alimentaire correspondant aux dispositions adoptées dans la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche. On peut s'interroger sur l'opportunité de ce rattachement... La satisfaction de voir ces crédits augmentés est tempérée par l'insincérité de ce budget, soulignée par notre excellent collègue député, Etienne Pinte, rapporteur pour avis de la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale. Les crédits inscrits pour 2011 restent, en effet, très inférieurs aux crédits consommés en 2009... Situation d'autant plus regrettable que les services de l'État et les associations ont besoin de visibilité quant aux financements.

Les crédits du programme 109 « Aide à l'accès au logement », destinés aux aides à la personne, accusent une baisse de 1,6 % pour s'établir à plus de 5 milliards d'euros. Décision budgétaire étonnante quand la crise va mécaniquement augmenter les demandes d'aides ! En outre, je regrette la suppression de la rétroactivité des aides au logement prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pour une économie de 240 millions d'euros, cette mesure, « sans modification de comportement de la part des allocataires », « pénaliserait 20 % des bénéficiaires, dont plus de la moitié sont des étudiants et un quart des salariés », affirme Alain Vasselle dans son rapport.

Enfin, le programme 135 « Développement et amélioration de l'offre de logement » correspond au financement des aides à la pierre pour près de 500 millions d'euros en AE et 450 millions en CP en 2011. Seul levier budgétaire traduisant l'engagement du Gouvernement en matière de construction et de réhabilitation de logements sociaux, ce budget enregistre une baisse de 18 % en CP ! Cette évolution, particulièrement inquiétante, marque la première étape d'un désengagement de l'État que je déplore. De fait, les crédits de paiement du programme 135 vont passer de 518,4 à 386,9 millions d'euros de 2011 à 2013...

Ces éléments m'incitent à proposer un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission. D'autant plus que l'article 99 du projet de loi de finances pour 2011 rattaché aux crédits de la mission renforce le prélèvement sur les organismes HLM qui « n'investiraient pas suffisamment en faveur du développement et de la réhabilitation de leur parc de logements », pour reprendre les propos de Dominique Braye, rapporteur de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion du 25 mars 2009 (MOLLE) ; prélèvement plus connu sous le nom de « taxe sur les dodus dormants ». L'article 99 prévoyait initialement d'assujettir les organismes HLM à la contribution sur les revenus locatifs. La recette supplémentaire estimée à 340 millions d'euros par an, devait alimenter un fonds, géré par la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), destiné à financer les aides à la pierre et la rénovation urbaine. L'article 99 a été réécrit à l'Assemblée nationale, face à l'opposition du monde HLM et aux réserves de nombreux parlementaires et élus locaux. Notre commission des Finances a même adopté un amendement de suppression le 27 octobre dernier ! La nouvelle version de l'article 99 reste, à mes yeux, tout aussi contestable. Le ministre du logement a affirmé, devant les députés, que le nouveau dispositif concernerait seulement 70 % des organismes HLM. Imagine-t-on sérieusement que 70 % des organismes HLM disposent de « dodus dormants » ? Soutenir qu'il s'agit d'un dispositif de péréquation entre organismes HLM est abusif et trompeur, a fort bien dit Philippe Dallier. De fait, le produit du prélèvement financera la rénovation urbaine, via un fonds géré par la CGLLS dont les missions viennent subtilement d'être modifiées pour ce faire ! En réalité, l'objectif est de remédier aux difficultés de trésorerie de l'ANRU : 260 millions d'euros issus de ce prélèvement sont consacrés au financement de programmes de rénovation urbaine déjà engagés ! Les 80 millions restant, quant à eux, abonderont la ligne fongible pour compenser, en partie, la diminution des aides à la pierre. De surcroît, outre le prélèvement sur les « dodus dormants », l'État ponctionnera une partie de la cotisation versée par les organismes HLM à la CGLLS, caisse qui a pour fonction de venir en aide aux organismes HLM en difficulté. La fraction de la cotisation concernée sera même fixée par arrêté !

Les organismes HLM ne sont pas opposés à une certaine mutualisation de leurs moyens. A cet égard, notre commission a introduit, dans la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, deux articles afin de faciliter les avances et d'autoriser les prêts participatifs entre eux. Quelle sera leur portée si nous retirons aux bailleurs sociaux toutes leurs disponibilités budgétaires ? Après le recours à « Action Logement » et à l'ANRU pour financer la politique du logement, voici que l'on fait appel aux bailleurs sociaux et à la CGLLS. Belle illustration du désengagement de l'État ! « Le comblement du déficit de financement des opérations de rénovation urbaine ne doit pas être mis à la charge des bailleurs sociaux mais relève du budget général de l'État », a fort justement indiqué notre commission des Finances. Combler ainsi le déficit se solderait par l'arrêt de la mise en chantier de 80 000 logements et la suppression d'emplois dans le bâtiment. Je proposerai donc un amendement de suppression de cet article ainsi qu'un amendement visant à introduire un plafond de ressources dans le dispositif du prêt à taux zéro renforcé, le « PTZ+ », prévu à l'article 56 du projet de loi de finances pour 2011 sans exclure de présenter, la semaine prochaine, des sous-amendements au dispositif alternatif auquel notre commission des Finances réfléchit actuellement.

Pour terminer, l'article 98, également rattaché à la mission, vise à augmenter de 0,4 à 0,5 % la contribution patronale au Fonds national d'aide au logement (FNAL) assise sur la masse salariale ; autre manière de diminuer la contribution de l'État au FNAL. Notant que cette disposition concerne aussi les collectivités territoriales, je m'abstiendrai sur cet article.

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