Les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », que j'ai l'honneur de rapporter pour la troisième année, retracent toutes les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l'État, à l'exclusion des opérations de gestion courante. Ce compte, expressément prévu par l'article 21 de la LOLF, a été institué par l'article 48 de la loi de finances initiale pour 2006. Tableau de bord des opérations patrimoniales de l'État actionnaire, il est complété par un rapport sur la politique menée par le Gouvernement en direction des entreprises qu'il contrôle.
L'examen de ces crédits intervient dans un contexte particulier. Tout d'abord, l'année 2010 a été marquée par la transformation de La Poste en une société anonyme depuis le 1er mars, en application de la loi du 9 février 2010, qui a suscité beaucoup de débats au sein de notre commission. La crise a par ailleurs impacté les résultats des entreprises au sein desquelles l'État détient des participations financières. Troisième point, le fonctionnement de l'Agence des participations de l'État a évolué avec la nomination d'un commissaire aux participations de l'État, le 3 août dernier, directement rattaché au ministre en charge de l'économie. Enfin, l'accent est mis aujourd'hui sur la politique industrielle pour soutenir la reprise économique, comme l'ont souligné les récents États généraux de l'industrie. Dans ce contexte, il convient d'être particulièrement attentif aux conclusions de la mission commune d'information relative à la désindustrialisation des territoires, présidée par notre collègue Martial Bourquin.
Je regrette que l'examen des crédits de ce compte passe trop souvent inaperçu alors même que les enjeux qu'ils recouvrent sont très importants. Ainsi, je vous remercie, monsieur le Président d'avoir organisé l'audition du nouveau commissaire aux participations de l'État, M. Jean-Dominique Comolli, devant la commission le 20 octobre dernier.
Une fois de plus, me voici contraint de souligner l'insuffisance des informations transmises au Parlement sur ce compte d'affectation spéciale. Pour la énième fois, les recettes sont affichées de façon forfaitaire au niveau notionnel de 5 milliards d'euros, soit le même chiffre, exercice budgétaire après exercice budgétaire, alors que les recettes réellement perçues n'ont généralement rien à voir avec ce chiffre. Ainsi, seuls 3,5 milliards ont été encaissés en 2009 alors que la loi de finances initiale pour 2009 prévoyait 5 milliards d'euros. Quant aux prévisions de dépenses, elles sont purement indicatives : 1 milliard d'euros pour le programme 731 relatif aux opérations en capital intéressant les participations financières de l'État et 4 milliards pour le programme 732 dédié au désendettement de l'État ou d'établissements publics de l'État, comme pour l'exercice précédent. Cette priorité accordée au désendettement de l'État, -80 % des crédits- ne me semble pas pertinente : cette contribution demeure dérisoire au vu du montant total de l'endettement et elle réduit les marges de manoeuvre consacrées aux investissements industriels. Par ailleurs, si les crédits inscrits sur le programme 731 prévoient l'augmentation du capital de La Poste pour lequel l'État doit contribuer à hauteur de 1,2 milliard d'euros, aucune indication n'est fournie, ni sur le calendrier, ni sur la manière dont cette libération progressive aura lieu.
Cette situation est loin d'être satisfaisante, d'autant que l'exercice 2010 a été marqué par la crise et l'absence de cession d'actifs. Au 21 septembre 2010, les recettes s'élevaient à 482 millions provenant pour la plus grande partie, de la réduction du capital de Giat Industries et du produit de la cession indirecte de Charbonnages de France. Les dépenses en 2010 s'élèvent à 314 millions d'euros au 21 septembre. Dépenses auxquelles se sont ajoutées des opérations exceptionnelles d'investissement comme le plan Campus, lequel a conduit l'État à doter l'Agence nationale de la recherche de 3,686 milliards, et les dépenses d'avenir prévues par le Grand emprunt pour un montant total de 2,39 milliards. Le chiffre d'affaires de l'ensemble combiné est passé de 147,9 milliards à 128,5 milliards d'euros. Les bénéfices des entreprises publiques ont considérablement diminué : ils sont passés de 23,75 milliards d'euros à 7,4 milliards entre 2008 et 2009. Enfin, les dividendes perçus par l'État au titre de 2009 ont baissé de 23,6 % en un an. Ces résultats auraient pu davantage être pris en compte.
Je m'interroge également aujourd'hui sur l'unité et la cohérence de la politique actionnariale de l'État. Les multiples acteurs intervenant dans ce domaine ne poursuivent-ils pas des buts, voire des intérêts, contradictoires ? L'objectif de valorisation patrimoniale de l'Agence des participations de l'État (APE) est-il conciliable avec celui de développement industriel et économique du Fonds stratégique d'investissement (FSI) ? Le débat sur la valorisation de La Poste a jeté la lumière sur ces divergences. L'orientation nouvelle de l'agence en faveur d'une stratégie industrielle plus marquée ne doit pas rester symbolique.
Quelques mots enfin sur le FSI, qui témoigne d'une véritable stratégie d'investissement industriel. Créé en décembre 2008, sous la forme d'une société anonyme détenue à 51 % par la Caisse des dépôts et à 49 % par l'État, il vise à apporter des fonds propres aux entreprises, afin d'accélérer leur développement, d'accompagner leur transformation dans des périodes de mutation ou de stabiliser leur actionnariat. Après deux ans d'existence, il a reçu 2,4 milliards d'euros. Au 31 juillet 2010, il avait réalisé 35 investissements directs pour un montant total de 1,4 milliard d'euros, principalement sous la forme d'augmentations de capital d'entreprises non cotées pouvant aller de quelques millions à plus de 200 millions d'euros pour le groupe Vallourec par exemple. 30 % de ces investissements sont intervenus dans le secteur de l'industrie. En outre, le FSI a diversifié ses modes d'intervention. Il est intervenu grâce à des fonds sectoriels dédiés à certains domaines d'activités ou catégoriel d'entreprises : le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles qui a reçu 200 millions d'euros du FSI, le Fonds Innobio dédié aux biotechnologies et le Fonds Bois, que je connais bien. Il a également mis en place un nouveau dispositif de financement en fonds propres destiné aux PME, doté d'un milliard d'euros, distribué sur le terrain par les antennes régionales de la Caisse des dépôts. Si le FSI participe de la définition d'une politique française industrielle solide, il a reçu seulement 2,4 milliards d'euros sur les 20 milliards prévus. De plus, il faudrait faire davantage en matière de responsabilité sociale des entreprises qu'une simple charte de bonnes pratiques. Enfin, le FSI est souvent trop peu visible dans les régions. En conclusion, pour toutes les raisons que j'ai évoquées et en dépit de certaines améliorations, à titre personnel, je m'abstiendrai sur le vote de ces crédits.