Intervention de Christian Estrosi

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 6 novembre 2007 : 1ère réunion
Polynésie française — Audition de M. Christian Estrosi secrétaire d'etat chargé de l'outre-mer

Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer :

a souligné que les deux textes visaient à conférer à la Polynésie française la stabilité nécessaire à son développement économique et social : logement, santé, pouvoir d'achat, accès aux études, accès aux moyens les plus rapides de communication, notant le retard pris par certains dossiers dans ces domaines, imputable à la forte instabilité gouvernementale depuis mai 2004.

Après avoir mis en avant le droit pour la Polynésie française, comme pour toute collectivité de la République, de bénéficier d'un cadre politique transparent et d'institutions efficaces, il a regretté la persistance de vives tensions dans la vie institutionnelle et politique polynésienne, illustrées par le renversement le 31 août 2007 du gouvernement dirigé par M. Gaston Tong Sang.

Il a jugé nécessaire une intervention du législateur afin de renforcer le statut d'autonomie de la Polynésie française et de restaurer la confiance de ses habitants dans leurs institutions, d'une part, en levant les obstacles institutionnels qui menacent la stabilité de la collectivité, d'autre part, en améliorant la transparence de l'action publique.

Après avoir estimé inéluctable l'organisation au plus vite d'élections territoriales anticipées, et ce afin de redonner au peuple l'opportunité de se donner une majorité de gouvernement, il a précisé que le premier tour du scrutin pourrait avoir lieu le 27 janvier 2008 et le second tour le 10 février 2008. Il s'est réjoui, à cet égard, que ce renouvellement rencontre un large accord dans la société polynésienne, relevant un net recul de l'opposition au retour aux urnes.

Sceptique quant à l'intérêt d'organiser des élections anticipées sans changements institutionnels, M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, a plaidé pour une amélioration du statut d'autonomie défini par la loi du 27 février 2004.

Abordant le contenu des projets de loi, il a souligné que le Conseil d'Etat avait émis un avis favorable sur les deux textes et que l'assemblée de Polynésie française avait adopté un avis globalement défavorable pour des raisons politiques, tout en approuvant la majorité des dispositions, en particulier celles relatives à la transparence.

Il a ensuite précisé que le titre Ier du projet de loi organique introduisait une série d'innovations destinées à renforcer la stabilité des institutions, citant :

- la modification du mode d'élection du président de la Polynésie française afin de revenir au système prévu par le statut de 1996. Cette élection ne comporte plus deux tours, mais trois, la présentation de nouvelles candidatures étant libre à chaque tour. Si aucun candidat n'obtient la majorité absolue des membres aux deux premiers tours, l'élection est acquise à la majorité relative au troisième ;

- l'instauration d'un second tour de scrutin pour l'élection de l'assemblée, innovation sans précédent dans l'histoire de la Polynésie française, afin de donner aux électeurs la possibilité de s'exprimer sur la détermination des alliances conclues entre les partis politiques entre les deux tours ;

- l'élection du président de l'assemblée de Polynésie française pour la durée du mandat et non plus annuellement ;

- le remplacement de la mise en cause de la responsabilité de l'exécutif par une procédure de « motion de défiance constructive », sur le modèle allemand, qui permettra d'assurer tout à la fois la censure du gouvernement en place et l'élection concomitante d'un nouveau président ;

- l'instauration en matière budgétaire, sur le modèle de l'ancienne procédure dite de « 49-3 » budgétaire régional, d'« une motion de renvoi », ouvrant la possibilité pour le président de la Polynésie française, en cas de rejet de son budget, de déposer un nouveau projet à moins que la motion ne soit adoptée, ce qui conduirait à l'élection d'un nouveau président de la Polynésie française ;

- la moralisation des modalités selon lesquelles un ancien ministre retrouve son siège à l'assemblée de la Polynésie française par l'institution d'un délai de trois mois, ce qui évitera des « va-et-vient » trop nombreux entre le gouvernement et l'assemblée.

Détaillant ensuite le contenu du titre II du projet de loi organique, destiné à accroître la transparence de la vie politique, M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, a déclaré que les mesures visaient à :

- mieux encadrer l'attribution d'aides financières ou de garanties d'emprunt de la Polynésie française et de ses établissements publics aux sociétés d'économie mixte (SEM) ;

- renforcer l'application des principes constitutionnels de transparence, d'égalité des candidats, de libre accès à la commande publique, d'efficacité et de bon emploi des deniers publics, conformément aux préconisations du rapport de la Cour des Comptes de 2006 ;

- durcir le régime des incompatibilités et des inéligibilités, en étendant le régime applicable aux membres du gouvernement aux représentants à l'assemblée de la Polynésie française, et ce afin de prévenir certains abus constatés par le passé. Une interdiction, dont le Conseil d'Etat assure le respect, sanctionne plus spécifiquement le fait, pour un représentant ou un ministre, de prendre une part active à un acte dans lequel il a un intérêt ;

- doter l'assemblée d'une sorte de « droit de veto », exercé à la majorité des 3/5èmes de ses membres, notamment pour les délibérations du conseil des ministres sur des projets accordant des aides financières aux personnes morales, ou relatives aux prises de participation dans les sociétés, ou encore sur certaines nominations.

Enfin, M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, a souligné que le titre III du projet de loi organique comportait de nombreuses dispositions tendant à renforcer les contrôles juridictionnels, financiers et budgétaires, afin de tenir compte des remarques formulées par la Cour des comptes dans son rapport de 2006, citant :

 - la transposition à la Polynésie française des modalités des contrôles en vigueur dans le droit commun des collectivités territoriales de la République ;

- l'instauration d'un débat d'orientation budgétaire ;

- le renforcement des contrôles de la chambre territoriale des comptes ;

- l'extension à la Polynésie française de la procédure dite « d'autorisation de plaider » ;

- l'approfondissement du contrôle de légalité.

Il a précisé que le projet de loi organique était complété par un projet de loi ordinaire qui visait principalement à apporter aux dispositions du code électoral les modifications appelées par le nouveau mode de scrutin décidé par la loi organique.

En conclusion, M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, a réaffirmé que l'objectif des deux projets de loi consistait bien à conforter le statut d'autonomie de la Polynésie française, en lui donnant les moyens de fonctionner efficacement, soulignant qu'ils ne portaient en revanche aucunement atteinte aux compétences respectives de l'Etat et de la collectivité. Cette question sera abordée dans le cadre d'un second projet de loi organique qui sera soumis au Parlement, après les élections territoriales et municipales, avec pour objectif, d'une part, de renforcer la libre administration des communes polynésiennes, qui n'ont ni les compétences, ni les moyens des communes de droit commun, d'autre part, de mieux prendre en compte, au sein de la Polynésie française, les intérêts des archipels.

Il a enfin fait part de l'intention du Gouvernement de déposer deux amendements, l'un sur la possibilité offerte aux nouveaux inscrits de participer au scrutin anticipé, malgré la période de révision des listes électorales, l'autre sur l'amélioration du dispositif prévu pour la prise en charge des frais de transport aérien en période de campagne électorale dans les archipels.

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