La délocalisation de l'INSEE à Metz a été annoncée il y a un peu plus de deux ans, en 2008, et j'en ai un souvenir très précis car j'étais avec son directeur général, Jean-Philippe Cotis, au moment où il apprenait la nouvelle. Il s'agit à présent d'examiner les conditions de financement et d'organisation d'une opération dont les enjeux peuvent être perçus sous deux aspects : d'une part la compensation légitime des effets de la révision générale des politiques publiques (RGPP) sur des territoires durement touchés par la restructuration des armées, la Moselle en particulier, et d'autre part le maintien de la qualité et de l'indépendance de la statistique publique. Dans un contexte où l'INSEE a perdu plus de 40 % de ses crédits de fonctionnement depuis 2008 et subi une diminution de 5,75 % de ses effectifs, le projet de loi de finances pour 2011 permet d'entrevoir un redressement des dotations de l'institut par une augmentation de 41 % des crédits de fonctionnement et une relative stabilité du plafond d'emploi, hormis le non remplacement d'un départ à la retraite sur deux.
Après m'être entretenu de ce projet avec le directeur général et la secrétaire générale de l'INSEE, et après avoir visité la direction générale et les locaux de l'INSEE à Malakoff, je me suis rendu à Metz le 23 juin dernier afin de mieux évaluer l'état d'avancement du projet. J'ai pu mesurer toute l'importance donnée à cette opération par la ville de Metz et par les services de l'Etat. J'ai également reçu les organisations représentatives du personnel. Il m'a semblé utile de présenter ce point d'étape à l'heure où doit enfin se décider le choix de l'implantation immobilière du centre statistique de l'INSEE à Metz.
C'est le 2 septembre 2008 que le Président de la République a annoncé l'installation à Metz de 1 500 nouveaux emplois publics (dont 750 en provenance de l'INSEE et des services de la statistique dans les ministères) pour compenser, en partie, le départ de deux régiments et d'une base aérienne avant 2012 dans le cadre de la restructuration des forces armées.
La création d'un tel pôle statistique s'inscrit dans le cadre d'une opération de délocalisation plus vaste, impliquant des établissements publics et différents ministères : la défense, l'éducation nationale, la sécurité sociale, un centre interministériel de renseignements administratifs, etc. En application de cette décision présidentielle, le Premier ministre a demandé le 17 septembre 2008 à Jean-Philippe Cotis, directeur général de l'INSEE, et à Jean-Pierre Duport, vice-président du conseil national de l'information statistique (CNIS), de réaliser un rapport pour préciser les contours, les effectifs et l'organisation d'un centre statistique à Metz.
Le rapport « Cotis-Duport » a été remis le 2 décembre 2008 au Premier ministre qui a décidé, en janvier 2009, la création du centre statistique de Metz sur la base de ces propositions : il ne s'agit pas d'une délocalisation de la direction générale de l'INSEE située à Malakoff, où plus de 1 000 personnes travaillent pour la production de données, les études et la recherche, mais plutôt de la création d'une nouvelle entité. La partie la plus importante du centre de Metz serait constituée à partir du transfert de services spécialisés dans plusieurs types de travaux actuellement réalisés à l'INSEE, mais également de services statistiques ministériels. Ils seront regroupés et organisés autour de quatre piliers : les statistiques sociales et locales, la gestion des ressources humaines, l'informatique avec la mise en place d'un « data center » et les produits de diffusion avec la création d'un centre de conservation du patrimoine. En outre, il était également prévu de créer directement sur place un centre de collecte multimodal (plateforme d'enquêtes) et un centre de formation aux statistiques européennes afin de bénéficier de la proximité géographique avec EUROSTAT situé au Luxembourg.
Un objectif de 750 délocalisations de postes à Metz avait été annoncé, dont environ 625 pour l'INSEE (500 provenant du service statistique public et 125 recrutés sur place). Le calendrier de déploiement prévoit une installation progressive : tout d'abord, 15 personnes dès 2010 et trois vagues successives de 270 personnes en 2011, puis 170 en 2012 et en 2013. En outre, environ 125 postes dits « en adhérence » avec l'INSEE sont prévus, en provenance des ministères en charge du travail et de la santé.
La satisfaction du besoin immobilier, évalué dans le rapport « Cotis-Duport » entre 9 000 et 11 000 m2 de surface utile pour accueillir de 625 à 750 personnes (entre 12 000 et 15 000 m2 de surface hors oeuvre nette), était orientée de préférence vers la construction d'un bâtiment neuf dans la ZAC de l'Amphithéâtre qui jouxte la gare et le centre Pompidou-Metz.
Afin de lancer le projet dans sa phase opérationnelle, l'INSEE a nommé, en février 2010, un directeur de programme pour la création du centre statistique de Metz. Parallèlement, le service des affaires budgétaires et immobilières du secrétariat général des ministères en charge de l'économie et du budget assure le pilotage de l'implantation immobilière. In fine, c'est lui qui assumera la charge financière de l'opération immobilière, avec toutefois un impact à prévoir sur les crédits de personnels et de fonctionnement de l'INSEE. Je précise que cet impact n'est pas encore chiffré et que la programmation triennale des finances publique devra donc tenir compte de cet élément, s'agissant des crédits du programme « Statistiques et études économiques » de la mission « Economie ».
Dans la perspective du déploiement d'une première vague consistante de postes dès 2011, soit 270 personnes selon le schéma initial, l'INSEE a organisé, le 15 septembre dernier, un comité directeur qui est venu redéfinir le rythme des affectations à venir : d'abord 93 postes en 2011, puis 179 en 2012 et 163 en 2013. Soit au total 435 postes au lieu des 625 prévus en 2013. Dans ce nouveau calendrier, ni le centre de collecte multimodale, ni le centre de formation aux statistiques européennes ne sont prévus au cours de la période 2011-2013, leur installation n'étant envisagée que dans le cadre du bâtiment définitif. De fait, l'absence à ce jour de locaux identifiés et disponibles pour accueillir les agents de l'INSEE, dès 2011, est un obstacle au déroulement de la délocalisation dans le calendrier initialement prévu. Ce problème immobilier, que j'ai déjà soulevé l'année dernière lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2010, se pose de manière cruciale car toutes les parties prenantes (Etat, municipalité et INSEE) constatent que l'offre de locaux de bureaux à louer manque à proximité de la gare de Metz. Or, ce critère est essentiel pour les premières années de la délocalisation où les déplacements vers Paris demeureront nombreux.
En outre, l'INSEE prévoit également que les délocalisations de postes devront s'adosser à un « dispositif d'accompagnement de grande ampleur » : notamment des mesures de nature financière (primes de restructuration et reconversion, allocations d'aide au conjoint, indemnités temporaires de mobilité, etc.).
Pour en venir plus précisément au volet immobilier de l'installation, j'ai constaté que l'administration s'était très tôt engagée dans la voie de la réhabilitation de locaux anciens au détriment de l'étude d'une construction neuve. J'ai eu confirmation de cette orientation lors de ma visite à Metz et de l'audition du chef du service des affaires budgétaires et immobilières de Bercy.
Parmi les solutions possibles, le rachat de la direction régionale de la SNCF a fait l'objet d'un arbitrage interministériel favorable face à deux autres options de reprise (la caserne Asfeld ou les bâtiments de la SEITA), et à la proposition de construction d'un bâtiment neuf dans la ZAC de l'Amphithéâtre dont le dossier, alors présenté par la Ville de Metz et estimé à 55 millions d'euros, n'était pas encore finalisé.
Pour l'heure, le coût immobilier global de l'implantation de l'INSEE dans les locaux de la direction régionale de la SNCF est estimé à environ 50 millions d'euros, pour une surface utile de 8 331 m2 (au lieu de 9 000 à 12 000 m2 prévus dans le rapport « Cotis-Duport »). En outre, la durée de l'opération s'étalerait sur 51 mois, y compris le déroulement des études et le choix des prestataires. La difficulté réside dans le fait qu'il s'agit d'une opération à « tiroirs », dans laquelle l'on déménagerait 400 personnes de la SNCF, qui devraient être également relogées ailleurs à Metz, pour accueillir ensuite 625 personnes de l'INSEE, à la fin des travaux, en 2014. Tout ceci donnerait lieu à un chassé-croisé dans un contexte où l'offre de locaux de bureau en location est rare.
Plus précisément, l'opération de réhabilitation des locaux de la SNCF, sur laquelle j'ai émis des réserves, implique d'une part une acquisition auprès de la SNCF (8 millions d'euros), d'autre part des travaux de restructuration très importants, de démolition d'un bâtiment de type « Pailleron », de construction d'un bâtiment neuf avec des parkings en sous-sol (34,3 millions d'euros) et également la location de bureaux pendant toute la durée des travaux (7,2 millions d'euros). Ce coût total est estimé à 49,5 millions d'euros sur la base d'un coût de travaux évalué par France Domaine à 1 300 euros/m2 (SHON).
Or, pour connaître les risques qui entourent toute opération de réhabilitation dans l'ancien, votre rapporteur spécial ne peut s'empêcher de considérer qu'il s'agit d'une estimation basse du coût des travaux. De plus, la visite des lieux a mis en évidence, pour le directeur du programme de l'INSEE, la nécessité de revoir très substantiellement l'organisation et le cloisonnement des bureaux. J'ai pu constater que les agents de la SNCF travaillent dans de grands bureaux prévus pour quatre personnes, alors que l'organisation du travail de l'INSEE fait davantage appel à des bureaux individuels ou prévus pour accueillir deux personnes. Cette source de surcoût ne me semble pas avoir particulièrement été prise en compte par France Domaine dans l'estimation des travaux. Néanmoins, on m'a opposé l'argument selon lequel le choix de l'ancienne gare SNCF était motivé par le seul critère financier, l'emplacement de celle-ci et celui de la ZAC de l'Amphithéâtre par rapport à la gare étant équivalent. Pour autant, ce choix ne garantit ni la meilleure utilisation des deniers publics, ni la meilleure adéquation aux besoins de l'INSEE.
Il me semble donc que la nouvelle proposition de la Ville de Metz devrait présenter des atouts déterminants : une synergie évidente en terme d'attractivité avec la proximité immédiate du centre Pompidou-Metz, une réalisation emblématique pour l'INSEE à travers une construction neuve (de nombreux exemples locaux montrent que les budgets contraints n'empêchent pas une certaine originalité architecturale et des bâtiments à basse consommation énergétique). Il convient de rappeler que le rapport « Cotis-Duport » préconisait d'emblée une telle solution. Le développement économique local et l'attractivité du territoire militent également en ce sens.
Naturellement, une telle implantation doit être financièrement soutenable. De ce point de vue, ce projet présenterait les avantages suivants : il serait réalisé dans des délais plus courts (la première pierre pourrait être posée avant la fin 2010 et une partie des locaux serait achevée dès septembre 2012 pour accueillir la seconde vague de délocalisation directement dans les locaux définitifs) ; il serait réalisé sur une surface plus conforme à l'objectif initial du projet (environ 12 000 m2 de SHON pour 35,5 millions d'euros hors taxes, soit 42,5 millions d'euros toutes taxes comprises) et son coût global serait inférieur à 50 millions d'euros, notamment si l'on considère les économies qui seraient réalisées sur la location de locaux de bureaux. L'ensemble de ces éléments nouveaux mérite un réexamen sérieux du choix de la construction neuve pour l'implantation du futur centre statistique de l'INSEE.