Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 19 juillet 2007 à 10h30
Dialogue social et continuité du service public dans les transports terrestres — Article 9

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Nous reviendrons d'ailleurs, au cours de la discussion des amendements déposés à l'article 9, à celui de Mme le rapporteur et vous constaterez combien le débat qu'il a suscité était nécessaire.

Pourtant relégué en fin de texte, cet article 9 ne peut passer inaperçu, tant il est inutile et provocateur.

En effet, sur le plan juridique, il est totalement superfétatoire, puisque le non-paiement des jours de grève est un principe déjà fixé par l'article 3 de la loi n° 82-889 du 19 octobre 1982 et par l'article L. 521-6 du code du travail.

Sur le plan de la morale, cet article est scandaleux, dans la mesure où il tend à faire croire aux usagers que les salariés qui font grève sont payés normalement. D'ailleurs, l'amendement de Mme le rapporteur va dans ce sens.

Les directions de la RATP et de la SNCF ont bien été obligées de le démentir, rappelant que le contrat de travail est suspendu pendant la grève et que, par conséquent, les salariés grévistes ne peuvent prétendre au paiement de leur salaire pour les périodes de grève. Il en a, d'ailleurs, été ainsi lors des grands mouvements sociaux de 1995 et de 2003.

Je ne nie pas que, dans le cadre de certains accords de fin de conflit, il peut arriver que les jours de grève soient partiellement pris en charge par l'entreprise : par exemple, en décembre 1995, à la SNCF, un certain nombre de jours de grève furent convertis en jours de congé, le reste faisant l'objet de retenues sur salaire étalées dans le temps. Le cas échéant, ce point relève de la négociation entre les partenaires sociaux.

À cet égard, il paraît bien étonnant qu'un projet de loi destiné à encourager la négociation au sein des entreprises de transport veuille l'empêcher, au même titre que l'amendement de Mme le rapporteur, qui va beaucoup plus loin dans ce sens.

Comme je ne crois pas que le Président de la République et le ministre du travail méconnaissent les règles en vigueur, j'en déduis qu'il s'agit là d'une posture provocatrice, visant à dresser les usagers contre les salariés, et que je qualifierai, de ce fait, de démagogique.

En réalité, le seul objectif visé par cet article consiste à stigmatiser et à jeter le discrédit sur les personnels des entreprises de transport. C'est pourquoi cette provocation est perçue comme une insulte et un mépris du droit de grève de tous les salariés qui se voient prélever des retenues sur leur salaire pour fait de grève, alors qu'ils se pénalisent parfois lourdement eux-mêmes pour faire valoir leurs revendications légitimes.

Une fois de plus, on voit bien derrière cette disposition l'état d'esprit qui a inspiré sa rédaction. Finalement, la recette est simple, toujours la même : on focalise sur les rancoeurs de l'opinion publique « prise en otage » dans les transports ; on laisse sous-entendre très ouvertement que la grève ne coûte rien aux grévistes, puisqu'ils sont payés ; on dresse les uns - les usagers - contre les autres - les salariés -, alors que, bien souvent, ils se confondent et appartiennent à une même famille.

Où est la modernisation du dialogue social, monsieur le ministre ? Nous avons plutôt le sentiment d'en revenir à des temps que l'on croyait révolus grâce au combat mené par les organisations syndicales.

Ne pouvant cautionner une telle provocation, l'ensemble des organisations syndicales de salariés, tout comme le MEDEF d'ailleurs, demandent le retrait de l'article 9.

Monsieur le ministre, c'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

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