Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 9 avril 2010 à 14h30
Grand paris — Article 8

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Cet article définit le mode de gouvernance de l’établissement public « Société du Grand Paris », détaillant la composition de ses organes dirigeants. Il justifie le débat sémantique que nous avons eu ce matin ! En effet, la direction de cette société est similaire à celle d’une société anonyme, comprenant un directoire, un conseil de surveillance et, dorénavant, un comité stratégique.

Les membres du directoire, au nombre de trois, seront tous nommés par décret, c’est-à-dire par le Gouvernement. L’un d’entre eux sera ensuite désigné président de la Société du Grand Paris, après avis des commissions compétentes du Parlement ; ainsi en a décidé la commission spéciale, mais il ne pouvait guère en être autrement compte tenu de la réforme constitutionnelle. Cela étant, on imagine difficilement que l’avis des commissions compétentes n’aille pas dans le sens de ce que souhaite la majorité. En tout cas, on ne peut plus parler d’un établissement public au sens classique du terme.

Quant au conseil de surveillance, il sera constitué au moins pour moitié de représentants de l’État. Les collectivités territoriales seront donc minoritaires. Mais le comble est atteint lorsqu’on découvre que les représentants des communes et des établissements publics de coopération intercommunale siégeront dans un comité stratégique dont les compétences seront bien maigres. Ce comité pourra simplement proposer au conseil de surveillance l’inscription à l’ordre du jour de points spécifiques.

Un tel dispositif est à la fois bien complexe et fort discutable.

Par ailleurs, les communes dont le territoire n’est pas situé sur l’emprise d’un projet d’infrastructure du réseau de transport public ou dans le périmètre d’un contrat de partenariat n’auront aucun moyen d’intervenir dans les travaux décidés par la Société du Grand Paris, alors même que leur territoire pourra être fortement impacté, sur une petite ou sur une grande superficie, par les décisions de cet établissement public. Nous le déplorons.

La répartition des compétences entre ces différentes instances sera définie par décret, mais il est déjà décidé que le commissaire du Gouvernement pourra s’opposer non seulement aux décisions du directoire, mais également à celles du conseil de surveillance. Toutes ces instances n’auront donc qu’un pouvoir des plus réduits.

Depuis l’examen du texte par la commission, la nomination par décret du Premier ministre d’un préfigurateur est également prévue, dans l’attente de la constitution des organes de la Société du Grand Paris. Ce préfigurateur disposera seul du pouvoir de « conclure tout contrat, convention ou marché nécessaire au fonctionnement de l’établissement public Société du Grand Paris ». Ces dispositions visent clairement, elles aussi, à confier exclusivement à l’État le pouvoir décisionnel au sein de cette société.

Vous allez arguer qu’il faut aller vite, monsieur le secrétaire d’État. Je vous répondrai qu’il vaut mieux parfois prendre son temps pour réussir plutôt que d’aller vite sans tenir compte de l’avis des populations.

Ces dispositions ne correspondent pas à la conception que nous avons de la nécessaire coopération entre les collectivités territoriales et l’État en matière d’aménagement du territoire. Elles ne correspondent pas non plus à la vision que nous avons de la nécessaire démocratisation des institutions, surtout lorsqu’il s’agit de questions relevant des pouvoirs décentralisés.

Certes, les syndicats seront dorénavant représentés au sein du comité stratégique, mais ils n’auront pas de réelles prérogatives.

Pour ces raisons, nous vous proposerons tout d’abord de faire de la Société du Grand Paris un établissement public d’aménagement. Bien sûr, ce statut restreindra considérablement ses compétences en matière de transport, mais il est légitime qu’elles relèvent exclusivement du STIF, quitte à revoir sa composition et à prévoir le retour de l’État en son sein, d’autant que la sortie de l’État du STIF lui a permis de justifier son désengagement financier. Nous proposons donc que l’État s’engage de nouveau financièrement et participe aux décisions du STIF.

En outre, le statut d’établissement public d’aménagement permettrait de désigner un conseil d’administration, et non un directoire et un conseil de surveillance.

Nous vous proposerons également, toujours dans l’optique d’une démocratisation des institutions publiques, de créer un conseil d’administration dont la composition s’écarterait des règles en vigueur. Il s’agirait de donner un poids équivalent aux représentants de l’État, aux représentants des collectivités territoriales et aux citoyens. Ces derniers seraient représentés par différents acteurs de la société civile : syndicats, associations de protection de l’environnement, associations d’usagers et atelier international du Grand Paris.

Sur le fond, nous continuons de penser que, si l’intervention de l’État dans les politiques d’aménagement du territoire, y compris pour ce qui est de la région-capitale, est nécessaire afin de garantir un aménagement cohérent sur l’ensemble du territoire national, il faut, pour que ces politiques soient efficaces et crédibles, qu’elles soient élaborées en commun par l’ensemble des acteurs, élus et citoyens.

Il est certain que nous n’allons pas vraiment dans votre sens, monsieur le secrétaire d’État, mais nous pensons que ces éléments doivent pris en considération.

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