Une remarque, avant de présenter mon rapport : je crois que la psychiatrie doit demeurer une spécialité de médecine, plutôt que de devenir une spécialité à côté de la médecine.
Adoptée voici bientôt deux ans, la loi HPST se proposait de rénover la gouvernance hospitalière, de promouvoir une meilleure accessibilité des soins sur le terrain, d'améliorer la santé publique, de renouveler l'organisation territoriale du système de santé et d'y inclure la prise en compte du secteur médico-social. Face à la diversité et la complexité de ces objectifs, il n'est guère surprenant qu'à la lumière de l'expérience de ses premiers mois d'application progressive, il soit aujourd'hui nécessaire d'apporter au dispositif quelques aménagements susceptibles d'en améliorer l'efficacité.
Le suivi de l'application de la loi est de bonne pratique parlementaire, le texte lui-même s'en était préoccupé en instituant, à son article 35, un comité chargé du suivi de la réforme de la gouvernance des établissements de santé dont la présidence a été confiée à Jean-Pierre Fourcade, auteur de la proposition de loi.
Ce texte présente seize mesures d'aménagement ou d'amélioration, dont six se rapportent à l'organisation des soins de premiers recours, trois aux structures relevant du secteur médico-social, les dernières consistant en diverses mesures ponctuelles.
D'autres mesures concernant plus directement l'hôpital viendront sans doute à la suite du rapport de suivi que M. Fourcade nous présentera en juillet prochain.
Les articles consacrés à l'organisation des soins de premier recours constituent, en quelque sorte, le coeur du texte. Les deux premiers abordent le sujet très actuel de l'exercice pluridisciplinaire de la médecine de proximité. L'article 1er crée la société interprofessionnelle ambulatoire, ou SIA, et l'article 2 donne une nouvelle définition de la maison de santé et aborde aussi, comme l'article 12, la délicate question du partage des informations de santé.
L'examen du statut de la SIA, que je vous proposerai de rebaptiser Sisa - société interprofessionnelle de soins ambulatoires - a mis mes facultés d'analyse à rude épreuve. J'ai appris que ce statut avait été élaboré par un groupe de travail pluridisciplinaire, associant les ministères intéressés, les professions médicales et l'assurance maladie, pour résoudre le problème du versement et de la répartition des rémunérations perçues dans le cadre de l'expérimentation des « nouvelles modalités de rémunération », les NMR, prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
L'équation à résoudre n'était pas facile : il fallait inventer une forme de société simple, pouvant accueillir des associés exerçant des professions différentes, facturer des actes à l'assurance maladie et percevoir des financements, préserver le libre exercice par chacun de sa profession et offrir un cadre juridique et fiscal sécurisé.
J'ai constaté que l'attrait pour l'exercice groupé pouvait coexister avec de fortes préventions à l'égard de l'exercice sociétal et que le modèle minimal de la société civile de moyens (SCM) était, pour beaucoup, le seul acceptable. Or, la SCM ne pouvait pas être l'instrument d'échanges financiers entre l'assurance maladie et les bénéficiaires des « NMR » et il a fallu trouver un compromis.
Le texte nous propose la formule de la SIA, qui est à la fois une SCM, chargée de faciliter à chaque associé l'exercice de son activité, et une société d'exercice pour les seules activités exercées en commun - qui devraient se limiter, dans un premier temps, à la coordination et à l'éducation thérapeutique du patient, l'ETP. Encore cet exercice commun pourrait-il être optionnel et je vous proposerai plutôt qu'il ne le soit pas, car s'il l'était, pourquoi créer une SIA ?
Enfin, la SIA sera une société civile, et je souhaite que sa simplicité d'organisation puisse être le gage d'un fonctionnement aisé.
Le texte envisage que la société ne puisse réunir que des professionnels de santé, personnes morales ou physiques ; je suis favorable à nous en tenir à ces dernières. Il faudra qu'il y ait au moins trois associés, dont deux médecins et un auxiliaire médical.
Cette société, à la différence de toutes les sociétés d'exercice médical, n'aurait aucune relation avec les ordres dont relèveront la plupart de ses associés, et ne serait pas inscrite à leurs tableaux. En revanche, elle devrait enregistrer ses statuts à l'ARS - ce qui est original - et lui transmettre leurs modifications, sous peine de nullité de celles-ci, ce qui n'est pas conforme, me semble-t-il, à la liberté de contracter.
Je vous proposerai plutôt de prévoir expressément que les statuts seront communiqués aux ordres, et de préciser que les sociétés ne seront pas inscrites à leurs tableaux.
Le fonctionnement de la société est abordé sous l'angle de la répartition des rémunérations communes, du régime de la responsabilité civile professionnelle des associés, semblable à celui des sociétés civiles professionnelles, et du droit de retrait des associés.
Parmi les dispositions diverses, je relèverai celle qui prévoit que les associés d'une société ne seront pas réputés pratiquer le « compérage » du seul fait de l'exercice en commun d'activités. Cette disposition, qui malmène la présomption d'innocence, pourrait aussi laisser croire, a contrario, que toutes les autres formes d'exercice sociétal ou groupé peuvent être soupçonnées de compérage. Je vous proposerai donc de la supprimer.
Enfin, je note que la rédaction du texte interdit aux héritiers de l'associé décédé de devenir eux-mêmes associés, même s'ils remplissent les conditions requises et sont agréés par les associés. C'est sans doute une erreur de plume, que je vous proposerai de réparer en renvoyant sur ce point au droit commun des sociétés civiles.
J'espère, mes chers collègues, que la douzaine d'amendements que je vous proposerai à l'article 1er suffira à garantir le fonctionnement harmonieux des Sisa, objet juridique encore perfectible et donc sans doute appelé à évoluer.
Deux ans se sont écoulés entre le vote de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 et le début des expérimentations sur les NMR. On aurait peut-être pu les mettre à profit pour élaborer un mécanisme plus simple permettant la perception et la répartition de ces rémunérations, et pour engager parallèlement une réflexion plus approfondie sur le cadre juridique susceptible de convenir à l'exercice pluriprofessionnel de la médecine de proximité.
L'article 2 propose une nouvelle rédaction de la définition des maisons de santé - la troisième depuis 2008. Il ne serait pas inutile de préciser aussi les statuts des pôles ou réseaux de santé. Ce sera pour une autre fois !
Mais je voudrais surtout signaler le problème du partage des informations sur la santé des patients. J'avoue mal comprendre pourquoi ce partage devrait obéir à des règles différentes selon que les soins de ville sont assurés par des médecins et des auxiliaires médicaux exerçant séparément, ou par des professionnels exerçant en groupe. La règle qui figure déjà au code de la santé publique me paraît adaptée à ces deux cas de figure : le partage des informations est possible, dans toute la mesure nécessaire pour assurer la coordination des soins et la qualité de la prise en charge ; et si le patient, « dûment averti », ne s'y oppose pas.
Le principe d'une communication ouverte de ces informations sauf si le patient refuse qu'elles soient communiquées « à une ou plusieurs » personnes, ne me paraît pas satisfaisant, car le droit au respect de la vie privée est un droit de valeur constitutionnelle, et le consentement à la communication de données de santé ne se présume pas. Comme me l'indiquait l'un de mes professeurs de médecine : « le secret médical appartient au malade ».
De plus, je crains que la question du partage obligatoire ne puisse être mal ressentie au moment où on espère enfin le démarrage du dossier médical personnel, et qu'elle ne suscite la méfiance à l'égard d'un outil qui peut être très utile. Pour la même raison, je ne suis pas favorable à l'article 12, qui autoriserait à se passer, jusqu'à l'entrée en vigueur de cette proposition de loi, du consentement des patients pour l'hébergement des données de santé personnelles détenues par les hôpitaux.
Toujours sur le volet de la médecine de premier recours, trois articles visent à supprimer des mesures coercitives peu applicables ou mal vécues par la profession, et j'y suis pleinement favorable.
L'article 3 supprime la contribution forfaitaire à la charge des médecins installés en zone sur-dense qui refuseraient de s'engager dans un contrat santé solidarité ou n'en respecteraient pas les termes.
Créé par la loi HPST, ce contrat pourra être proposé par les ARS trois ans après l'entrée en vigueur des schémas régionaux d'organisation des soins (Sros) pour favoriser l'exercice dans les zones où les besoins ne sont pas satisfaits. Notre commission avait souligné les difficultés pratiques importantes que l'application de cette mesure ne manquerait pas de soulever et il semble donc préférable, en effet, de supprimer la pénalité dont elle est actuellement assortie.
Cet article prévoit également que les futurs contrats santé solidarité devront être conformes à un contrat type national élaboré par l'Uncam. Il s'agit d'une mesure de bon sens, puisque ces contrats comporteront nécessairement des dispositions financières et il est légitime que l'assurance maladie les encadre et les intègre dans ses négociations et prévisions.
L'article 4 répond à une autre préoccupation des médecins : au nom du principe de la continuité des soins, les médecins doivent adresser leur patient à un confrère en cas d'absence ; mais ils doivent aussi, depuis la loi HPST, déclarer leurs absences programmées au conseil départemental de l'Ordre. Cette dernière obligation, qui relève de la continuité et non de la permanence des soins, est inutilement coercitive, alors que plusieurs conseils départementaux ont mis en place des procédures fiables sur la base du volontariat. Cet article tend donc à supprimer cette obligation de déclaration d'absence.
Enfin, l'article 5 rétablit dans le code de la sécurité sociale les contrats de bonne pratique et de santé publique qui permettaient aux négociateurs conventionnels de fixer des engagements spécifiques pour certains professionnels dans le cadre de leur pratique et les contreparties financières correspondantes. Par exemple, ces contrats ont incité les transporteurs sanitaires à développer le transport partagé ; ils ont également permis d'attribuer une rémunération forfaitaire aux médecins thermaux.
D'une manière singulière, l'ordonnance de coordination de la loi HPST du 23 février 2010 a supprimé ces contrats, prenant argument de la création de nouveaux contrats ayant pour objet d'améliorer la qualité et la coordination des soins. Or, ces différents contrats ont des logiques complémentaires ; il est donc positif de rétablir les contrats de bonne pratique et de santé publique.
Je mentionnerai enfin deux articles qui, tous deux, se rapportent à l'information des patients, et sur lesquels je suis plus réservé : l'article 12 sur l'hébergement des données personnelles médicales des patients, et l'article 6, qui revient sur une mesure que nous avions nous-mêmes préconisée, relative à l'indication du prix des prothèses, notamment dentaires, et appareillages. Je crois que, dans ces deux cas, les mesures proposées constituent un recul par rapport au droit actuel et je n'y suis donc pas favorable.
J'en viens au deuxième volet du texte qui consacre ses trois derniers articles au secteur social et médico-social.
L'article 14 sécurise le statut juridique des groupements de coopération sociale ou médico-sociale (GCSMS). Les modifications apportées par la loi HPST et par l'ordonnance de coordination de février 2010 ont introduit une incertitude sur la transposition ou non, au secteur social et médico-social, de la distinction entre GCS de « moyens » et GCS « établissements ».
Afin de lever toute ambiguïté, cet article énonce clairement que le GCSMS n'a pas la qualité d'établissement social ou médico-social. Le GCSMS est un mode de coopération entre établissements sociaux et médico-sociaux permettant de mutualiser des moyens, de mettre en commun des services, de réaliser des interventions communes, voire d'exploiter une autorisation, mais il n'a pas vocation à devenir un établissement social ou médico-social, titulaire d'une autorisation.
Notre commission avait émis de profondes réserves sur la pertinence des GCS « établissements » lors de l'examen de la loi HPST ; j'approuve donc pleinement la non-transposition de ce nouvel outil au secteur social et médico-social.
L'article 15 réécrit la section IV du budget de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), relative au financement des actions de modernisation des établissements et services pour personnes âgées et personnes handicapées, de formation et de professionnalisation des personnels intervenant auprès de ces publics.
D'abord, il supprime la division en deux sous-sections l'une consacrée aux personnes âgées, l'autre aux personnes handicapées, afin de mutualiser les financements attribués aux mêmes types d'actions, quel que soit le public concerné. Il donne ensuite à la CNSA la possibilité de déléguer aux ARS, dans certains cas, la gestion des crédits afférents à ces actions pour éviter que l'ensemble des dossiers, notamment ceux d'intérêt régional et local, ne soit traité par le niveau national.
Je précise que ces mesures de rationalisation et de simplification administrative utiles ont été élaborées en accord avec la CNSA.
Enfin, l'article 16 vise à clarifier la procédure applicable aux transformations d'établissements sociaux ou médico-sociaux. Une lecture combinée des dispositions législatives et réglementaires laisse en effet supposer que certains types de transformation - celles qui ne modifient pas la catégorie de bénéficiaires de l'établissement ou du service - peuvent être mises en oeuvre sans autorisation préalable. Une telle interprétation ne peut évidemment être soutenue, compte tenu des enjeux associés à la nouvelle procédure d'autorisation, à laquelle sont attachées nombre de protections des personnes accueillies.
Cet article propose utilement que les projets de transformation sans changement de la catégorie de bénéficiaires ne soient pas exemptés de la procédure d'autorisation. En revanche, dans un souci d'allègement des démarches administratives, ces projets seraient dispensés de l'appel à projet.
Le dernier volet du texte présente diverses mesures plus ponctuelles que j'ai regroupées en deux rubriques.
D'abord, celles qui se rapportent aux compétences des ARS. L'article 9 qui concerne les fondations hospitalières. La loi HPST a créé cette nouvelle catégorie de fondations, en s'inspirant des fondations universitaires, pour développer la recherche médicale et promouvoir le transfert de crédits privés vers la recherche publique au sein des établissements publics de santé. Un décret en Conseil d'Etat devrait fixer les règles générales de fonctionnement de ces fondations hospitalières ainsi qu'un certain nombre de mesures d'application. Or, le Conseil d'Etat a considéré que la loi HPST ne permettait pas aux fondations hospitalières de s'affranchir de la quasi-totalité des règles applicables aux fondations reconnues d'utilité publique.
L'article 9 prévoit que les fondateurs pourront disposer de la majorité au conseil d'administration de la fondation et que les directeurs généraux des ARS auront le pouvoir de contrôler les fonds affectés aux fondations par les établissements publics de santé ; le décret en Conseil d'Etat qui déterminera leurs règles de création et de fonctionnement devra en outre tenir compte de leur spécificité.
Cette nouvelle rédaction ne me paraît pas satisfaisante. Elle n'apporte en effet aucune garantie, ni en matière de prévention des risques ou de conflits d'intérêts, ni sur le plan du contrôle de l'utilisation des fonds publics hospitaliers.
Je vous proposerai de supprimer cet article car il n'y a pas d'urgence et je crois plus sage d'approfondir la réflexion, d'autant que nous pouvons nous en tenir au texte actuel de la loi HPST et que d'autres dispositifs juridiques peuvent être utilisés, comme les fondations de coopération scientifique.
L'article 13 transfère au directeur général de l'ARS d'Ile-de-France la responsabilité de fixer la dotation annuelle relative aux dépenses d'hospitalisation de l'Institution nationale des invalides, dotation aujourd'hui fixée par les ministres en charge de la santé et de la sécurité sociale.
En accord avec le Gouvernement, je vous proposerai de supprimer cet article et de maintenir le droit actuel. Il s'agit en effet d'un organisme très spécifique à vocation nationale, directement rattaché à la direction générale de l'offre de soins.
Une seconde rubrique porte sur la lutte contre les menaces sanitaires, à laquelle se rattachent deux articles qui me paraissent utiles, sous réserve de petites améliorations.
L'article 11 complète utilement le dispositif de lutte contre la propagation internationale des maladies, qui concerne les transporteurs. Je vous proposerai un amendement de précision sur les modalités de sanction.
L'article 10 définit le cadre d'emploi de la réserve sanitaire, à laquelle nous avons été sensibilisés lors de l'épisode de la pandémie grippale H1N1.
Enfin, je vous proposerai d'adopter deux articles additionnels : le premier vise les « groupements de coopération sanitaires » (GCS) « établissements », sur lesquels nous avions exprimé d'assez vives réserves lors de l'examen de la loi HPST, et qui ne sont toujours pas convaincants ; le second vise à faire avancer l'idée d'une publication des liens d'intérêts entre médecins et laboratoires, sur le modèle des Sunshine Acts américains.
Vous l'aurez compris, ce texte, très technique, améliore la loi HPST et nous approuvons la démarche pragmatique et constructive qui le soutient.