L'article 2 bis, introduit par les députés, organise le contrôle de la recevabilité des amendements et des propositions de loi au regard de cette nouvelle règle à l'article 41 de la Constitution. À l'instar de l'irrecevabilité réglementaire, il appartiendra au Gouvernement ou au président de l'assemblée intéressée de soulever l'irrecevabilité ; en cas de désaccord, le Conseil constitutionnel serait saisi et se prononcerait dans les huit jours. Ce dispositif est complété par l'article 9 bis, qui donne une compétence liée au Conseil constitutionnel pour censurer les dispositions fiscales adoptées en dehors de textes financiers. Quelle bizarrerie ! Le Conseil constitutionnel, que je sache, a vocation à contrôler le respect de la Constitution... Plus extraordinaire encore : le Gouvernement ou le président de l'assemblée saisie, aux termes du nouvel article 41, pourrait fermer les yeux sur l'irrecevabilité d'un amendement ou d'une proposition de loi ; en revanche, le Conseil constitutionnel, selon le nouvel article 61-2, devrait déclarer la disposition en cause contraire à la Constitution !
Enfin, quelques mots de l'article 12 qui prévoit la transmission systématique, chaque année, du programme de stabilité au Parlement. Le projet sera examiné, a précisé l'Assemblée nationale, par une des commissions permanentes de chaque assemblée, saisie pour avis. À la demande du Gouvernement ou d'un groupe parlementaire, il pourra donner lieu à un débat en séance publique et faire l'objet d'un vote, sans engager la responsabilité du Gouvernement.
Après de nombreuses auditions, je propose de souscrire à la réforme sous réserve en particulier de quelques améliorations rédactionnelles. Pour éviter que l'une des lois financières n'ait à supporter les éventuels écarts de l'autre, il faut préciser que le contrôle du Conseil constitutionnel portera sur l'ensemble.
J'en viens maintenant à l'épineuse règle du monopole des lois financières en matière de prélèvements obligatoires. Elle porte une atteinte indéniable au droit d'initiative des parlementaires et aux prérogatives de ces commissions, affirment la présidente et le rapporteur général de la commission des affaires sociales ainsi que les présidents des commissions de l'économie et de la culture. Au reste, à l'Assemblée nationale, la commission des lois avait voté un amendement de suppression tandis que la commission des finances suggérait de créer des lois de prélèvements obligatoires afin de préserver la capacité d'initiative des parlementaires.
De fait, cette règle obligerait le Parlement à examiner toute réforme en matière de logement, de recherche ou de retraites séparément des moyens nécessaires à sa mise en oeuvre. Privées de toute vision d'ensemble, les commissions compétentes pourraient seulement se saisir pour avis des dispositions intégrées aux textes financiers. Seule la commission des affaires sociales aurait encore la garantie de pouvoir examiner au fond, mais de façon décalée, le volet financier des réformes relevant de sa compétence.
Ensuite, la concentration des dispositions financières au sein de projets de lois financières, dont l'examen obéit à des règles strictes, ne nuirait-elle pas à la qualité du débat ? Faut-il imposer, comme l'imaginait M. Carrez, rapporteur général à l'Assemblée nationale, la présentation d'un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale rectificative parallèlement à toute grande réforme ? Une question cruciale pour le Sénat, auquel la Constitution donne la priorité pour les textes relatifs aux collectivités territoriales, tandis que l'Assemblée nationale détient la priorité pour l'examen du projet de loi de finances ! Autre difficulté, comment le Conseil constitutionnel contrôlera-t-il le respect de la règle de compensation lors des transferts de compétence ?
Enfin, en raison de ce monopole, les parlementaires se verraient opposer l'irrecevabilité pour tout amendement ou proposition de loi ou, à défaut, une sorte d'inconstitutionnalité obligatoire... Le Gouvernement aurait l'absolu monopole de l'initiative des réformes relatives aux impôts, taxes et cotisations sociales.
Les députés, pour corriger ces inconvénients, ont adopté des dispositifs très complexes et peu satisfaisants : on laissera les parlementaires s'amuser, si j'ose dire, avant que le Conseil constitutionnel ne leur coupe la tête !