En ma qualité de co-rapporteur sur la partie consacrée à la pêche et à l'aquaculture, je vais vous parler plus particulièrement du titre IV, qui comprend les articles 18 à 23.
Son extraordinaire ouverture sur la mer donne à la France, avec ses territoires d'outre-mer, d'immenses potentialités, qui restent, hélas, presque inexploitées, puisque nous importons 80 à 85 % des produits de la mer que nous consommons. Avec, actuellement, 5 000 bateaux en métropole et moins de 21 000 marins, notre capacité de pêche s'est affaiblie au fil des ans.
La filière souffre d'un défaut de structuration. L'existence d'un outil de transformation en aval est pourtant la garantie pour les pêcheurs d'une activité plus stable et plus rémunératrice, productrice de valeur ajoutée, comme le montre l'exemple de la coquille Saint-Jacques en Bretagne. Or, cet outil de transformation fait défaut ou reste insuffisamment développé. Il y a urgence à corriger cette anomalie.
Les articles consacrés à la pêche et à l'aquaculture dans ce texte constituent l'aboutissement de réflexions menées au sein et en dehors du ministère chargé de la pêche - je pense au rapport Roncière sur les évolutions des comités des pêches ou au rapport Tanguy sur le développement de l'aquaculture - mais aussi dans le cadre des Assises de la mer qui ont eu lieu l'année dernière.
Ces articles répondent à un double mot d'ordre : développement et rationalisation. Développer, d'abord, avec les schémas régionaux de développement de l'aquaculture marine, prévus à l'article 19, et attendus depuis plus de dix ans. L'Ifremer avait bien élaboré une telle carte, mais il manquait une volonté politique pour avancer. La volonté est là : n'attendons plus !
Il faut identifier les sites d'implantation possible des fermes aquacoles pour lever le blocage principal au développement de cette activité qui, avec 8 000 tonnes de poisson produit par l'aquaculture métropolitaine, reste confidentielle.
Rationaliser, ensuite, en faisant travailler ensemble pêcheurs et scientifiques, au sein du comité de liaison scientifique et technique des pêches maritimes et de l'aquaculture, créé à l'article 18 ; mais aussi en clarifiant les responsabilités des acteurs dans l'accès à la ressource. Aujourd'hui, les organisations de producteurs (OP), gèrent les quotas et totaux admissibles de capture, décidés à Bruxelles, tandis que les comités des pêches délivrent les licences pour les bateaux : l'article 20 propose de mettre un peu de cohérence en confiant aux OP tant la distribution des licences, au moins pour les espèces d'intérêt communautaire, que la gestion des quotas. Les OP se voient également reconnu un pouvoir de sanction à l'égard de leurs membres, ce qui leur donne les moyens d'une régulation plus efficace du secteur.
La rationalisation est aussi à l'oeuvre à l'article 21, qui, à tous les niveaux, national, régional, départemental, transforme les comités interprofessionnels des pêches en comités professionnels des pêches, ne regroupant que les pêcheurs, à l'exclusion des professionnels de la transformation et de la commercialisation. Cette modification ouvrira la voie à la création d'une véritable interprofession de la pêche, sur la base du code rural, dont l'association France Filière Pêche constitue l'embryon. Les structures des comités des pêches sont en outre simplifiées et l'échelon local est remplacé par un échelon départemental. Enfin, le comité national voit son fonctionnement resserré autour des représentants des intérêts économiques des pêcheurs, la cogestion sociale étant laissée au niveau des comités régionaux.
Concernant la conchyliculture, la réforme mise en oeuvre est très consensuelle. En application de la charte de l'environnement, le public doit être informé des décisions concernant l'exercice de la pêche, ou associé à celles-ci. L'article 23 renvoie à une ordonnance le soin de mettre en place ces outils d'information et de consultation.
Je me suis attaché à faire évoluer ce texte dans trois domaines principaux. J'ai voulu renforcer, en premier lieu, l'effectivité du schéma régional de développement de l'aquaculture. On ne peut qu'être inquiets des obstacles qui, ici comme en beaucoup d'autres domaines, se dressent devant les initiatives. J'ai donc proposé de créer une conférence régionale sur l'utilisation des espaces, qui se réunirait dans chaque région tous les cinq ans pour identifier les différents secteurs du territoire et permettre à certaines activités comme l'aquaculture de s'y développer. J'ai apporté aussi quelques corrections techniques à l'article 19 pour favoriser la réalisation de ces schémas aquacoles dans un délai d'un an à compter de la publication de la loi.
Souhaitant, en deuxième lieu, amener les scientifiques et les pêcheurs à travailler ensemble, j'ai proposé qu'ils aillent ensemble en mer pour faire l'évaluation de la ressource. N'est-ce pas en partageant ses méthodes sur le terrain que l'on finit par mieux se comprendre ?
En troisième lieu, je vous proposerai, par un amendement à l'article 20, de renforcer la protection des zones de reproduction, afin de ne pas dépeupler les mers et les océans avant même l'arrivée des alevins.
Enfin, la commission pourra faire oeuvre utile - car on tend trop souvent à dépouiller le Parlement de ses prérogatives - en supprimant l'ordonnance prévue à l'article 23 pour la remplacer par un texte qui vous sera proposé et qui instaure une procédure assez souple d'information et de consultation du public sur les décisions relatives aux pêches maritimes.
Je souhaite que le volet pêche de la loi, qui reste trop souvent le parent pauvre des lois agricoles, sorte renforcé de sa discussion au Sénat : les professionnels de la mer méritent notre soutien.