Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du 5 mai 2010 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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  • agriculteurs
  • aquaculture
  • pêche

La réunion

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Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission procède à la nomination des membres du groupe de travail sur la réforme de la PAC, constituée conjointement avec la commission des affaires européennes.

MM. Jean-Paul Emorine, Rémy Pointereau, Gérard Bailly, Marcel Deneux, Daniel Marsin, Mmes Renée Nicoux, Odette Herviaux, M. Gérard Le Cam sont désignés membres du groupe de travail pour la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Je vous propose, par parallélisme avec la commission des affaires européennes, qui a désigné M. Jean Bizet et Mme Bernadette Bourzai pour une présidence en binôme, d'assurer pour notre commission une présidence en binôme avec Mme Odette Herviaux, ainsi que l'a proposé notre bureau.

Il en est ainsi décidé.

Puis, la commission examine le rapport de MM. Gérard César, rapporteur, et Charles Revet, co-rapporteur, et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 200 (2009-2010) de modernisation de l'agriculture et de la pêche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Quelques précisions sur le déroulement de nos travaux. Pour l'examen du texte en séance, qui se déroulera mardi 18 mai, après-midi et soir, mercredi 26 soir, jeudi 27, à partir de 16 heures et soir, et vendredi 21, matin, après-midi et soir, ainsi que je l'avais demandé, nous devrons examiner les amendements extérieurs. La date limite de dépôt des amendements étant fixée au lundi 17 mai à 17 heures, nous nous réunirons mardi 18 entre 14 heures et 15 heures pour commencer cet examen, et éventuellement à la suspension de séance ; puis mercredi 19 au matin et éventuellement l'après-midi.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Cinq ans après avoir adopté la loi d'orientation agricole, fin 2005, le Parlement est de nouveau appelé à se pencher, avec ce projet de loi de modernisation, sur l'agriculture, en même temps que sur la pêche, dont vous parlera plus au long Charles Revet, co-rapporteur de ce texte.

Il était urgent de répondre à la crise agricole, urgent de trouver des solutions pour rendre espoir à des exploitants déboussolés par l'instabilité majeure qui a secoué, ces dernières années, les filières agricoles, alors que l'agriculture était naguère le symbole de la stabilité.

Or l'agriculture pour la France, c'est vital ! Comme l'a indiqué le Président de la République dans le long entretien qu'il a accordé à La France agricole et AgraPresse, le 26 avril, « l'agriculture, en matière économique, c'est aussi important que le spatial, que l'aéronautique ou que l'industrie ». Ce projet de loi doit rendre une ambition économique à l'agriculture.

C'est une fierté pour le Sénat, saisi en premier de ce texte, au contraire de ce qui s'était passé pour la loi d'orientation, de voir ainsi confirmée son expertise sur les questions agricoles. Ce choix traduit une confiance dans la qualité de nos travaux et dans l'enthousiasme que nous mettons à traiter des sujets de fond.

Nous avons effectué une centaine d'auditions, avec la plupart des responsables des secteurs de la production, de la transformation, de la distribution, des spécialistes des questions alimentaires, des chercheurs. Nous avons entendu tous ceux qui ont demandé à l'être. Ce travail préparatoire a été très utile pour mieux cerner les enjeux de ce texte ainsi que les attentes et les préoccupations du monde agricole.

Mercredi dernier a eu lieu un long et passionnant débat d'orientation sur la situation de l'agriculture, où il a été largement question de ce projet de loi. Nous allons en débattre alors que la crise, qui a marqué la genèse de ce texte, perdure : elle marquera nos discussions.

Ayons également conscience que cette loi n'est pas parée de vertus miraculeuses. Elle ne résoudra pas à elle seule tous les problèmes de l'agriculture. Elle est davantage une boîte à outils dont les acteurs des filières devront se saisir pour progresser.

La manifestation de la crise, c'est avant tout la baisse des revenus : avec 32 % de baisse en 2009, le revenu net d'actif agricole a connu un de ses plus forts reflux depuis bien longtemps. Quelle autre profession a vu ses revenus baisser d'un tiers ? Quel secteur a été plus touché que les agriculteurs en 2009 ? Je n'en vois pas beaucoup.

L'envolée des cours est bien derrière nous. Les années 2006 et 2007 ont été fastes. Mais depuis deux ans, les baisses ont fait plus qu'annuler les hausses. Dans les céréales notamment, les cours du blé sont désormais en dessous de ce qu'ils étaient au début de la flambée des cours.

La crise du lait a dominé toute l'année 2009. Elle inspire la loi, en particulier son volet relatif aux contrats, qui provient directement d'une réflexion sur la régulation de la filière laitière à laquelle le Sénat a contribué puisque c'est notre commission qui a alors saisi l'Autorité de la concurrence sur les prix du lait, en juin dernier.

Second élément marquant du contexte : l'Europe. La PAC, formidable amortisseur des marchés agricoles, a vu son rôle de régulation des marchés réduit à la portion congrue. Devenue une sorte de distributeur automatique de droits à paiement unique, elle a perdu beaucoup de son sens. Sa réforme, en préparation pour 2013, devra être l'occasion de lui redonner de l'ambition et les outils de la régulation, et ses partisans renforcent chaque jour leurs positions à mesure que l'on se rend compte des dégâts du « tout marché ». Au-delà des filets de sécurité en cas de crise, il faut faire avancer cette ligne à Bruxelles, et créer les instruments de la stabilité.

Le texte que nous propose le Gouvernement traduit également cette volonté régulatrice. S'inscrivant clairement dans la perspective de l'après 2013, il entend répondre à cinq défis : accroître le lien entre production, alimentation, nutrition, santé, pour refonder sur l'alimentation la légitimité des politiques agricoles ; faire face à la forte instabilité des marchés ; rendre du poids aux producteurs dans les filières agricoles et agro-alimentaires, face à un aval très concentré ; gérer l'accroissement des risques climatiques et la recrudescence des menaces sanitaires ; contenir, enfin, la diminution régulière de l'espace agricole. Il le fait à travers 24 articles, répartis en cinq titres.

Le titre premier crée un programme national de l'alimentation pour lequel les opérateurs devront transmettre des données permettant d'en suivre l'exécution, qui impose le respect de règles nutritionnelles dans les restaurants scolaires, définit un statut de l'aide alimentaire et habilite le Gouvernement à tirer les conséquences législatives des États généraux du sanitaire qui viennent de s'achever.

Le titre II met à disposition des agriculteurs une palette d'outils pour les aider à reprendre un peu leur destin en main : contrats écrits obligatoires, à l'article 3, accords interprofessionnels rénovés à l'article 7, renforcement des organisations de producteurs à l'article 8, assurances face aux risques aux articles 9 et 10, Observatoire des prix et des marges pour accroître la transparence, à l'article 6. Tous ces outils ont un objectif commun : rendre de la compétitivité à notre agriculture, mieux l'organiser pour affronter la concurrence internationale et européenne.

Ce titre comprend également des mesures tendant à moraliser les pratiques commerciales dans le secteur des fruits et légumes, en interdisant la vente sans bon de commande et en suspendant les remises, rabais et ristournes en cas de crise. Il encadre par ailleurs les conditions de la publicité hors du lieu de vente, en subordonnant celle-ci à un accord écrit préalable.

Le titre III crée un plan régional pour l'agriculture durable, institue un observatoire de la consommation des terres agricoles et une commission chargée de donner son avis sur le déclassement de terres agricoles, interdit le photovoltaïque à la place des cultures, crée une taxe sur les plus-values réalisées lors de la vente de terrains anciennement classés en zone agricole. Il contient également diverses dispositions environnementales et surtout, un volet forestier visant à développer la production de bois dans les forêts françaises, publiques comme privées.

Le titre IV est consacré à la pêche et l'aquaculture, dont Charles Revet vous parlera tout à l'heure.

Le titre V, enfin, concerne l'adaptation par ordonnances de certaines règles posées par ce texte en outre-mer.

Nous travaillons sur une bonne base, à laquelle je vous proposerai d'apporter quelques retouches, mais aussi certaines améliorations plus substantielles. Je me suis employé à identifier les points de consensus, mais aussi les axes sur lesquels il était possible de progresser, dans une relation de partenariat constructif avec les interlocuteurs professionnels des secteurs agricoles, et le ministère de l'Agriculture.

Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, s'est rendu très disponible pour le Sénat. Lorsqu'à trois reprises déjà il est venu nous rencontrer pour présenter son texte et l'actualité de son ministère, il s'est montré à l'écoute des inquiétudes ou des suggestions que nous lui avons fait remonter du terrain. Nous avons évalué ensemble les moyens de faire évoluer ce texte, dans au moins trois directions. L'intégration, tout d'abord, d'un volet relatif à l'installation. Il ne suffit pas de préserver les terres agricoles, encore faut-il que des jeunes s'y installent et en assurent l'exploitation. Je proposerai deux amendements en ce sens. La consommation, ensuite, et en particulier l'étiquetage des produits : nous proposons un amendement fixant dans la loi le principe d'un étiquetage de l'origine des produits alimentaires. Enfin, l'allègement, autant que possible, des charges qui pèsent sur les exploitations et les mettent en difficulté. Sur ce dernier sujet, nous avons longuement travaillé avec le ministère pour parvenir à des points d'accord. Dans la mesure où nous avons obtenu ce qui était le plus important, à savoir des dispositifs de lissage des charges fiscales et sociales, destinés à amortir les chocs sur les trésoreries des exploitations, nous avons dû renoncer à certaines revendications, notamment sur les provisions pour hausses des prix des intrants ou sur la cotisation minimale à la Mutualité sociale agricole. J'ai négocié jusqu'à hier pour parvenir à des points d'équilibre acceptables : nous aurons l'occasion d'en discuter durant nos débats de commission.

Parmi les évolutions que je vais vous proposer sur ce texte, figurent la clarification du régime juridique des contrats écrits obligatoires, dont l'instauration pourra être décidée d'abord par l'interprofession et, faute d'accord, par décret, ainsi que l'enrichissement des missions des interprofessions, notamment en matière de connaissance des marchés, d'enregistrement des contrats ou encore de possibilité de s'organiser en collèges ; l'interdiction de la pratique du prix après vente et la suppression des remises, rabais et ristourne toute l'année, même en dehors des périodes de crise, pour le secteur des fruits et légumes, que connaît bien Daniel Soulage ; le renforcement de l'Observatoire des prix et des marges qui sera doté d'un président et la réactivation de l'Observatoire des distorsions de concurrence ; la suppression du statut d'agriculteur-entrepreneur, qui n'a pas rencontré un grand succès auprès des professionnels rencontrés ; le remplacement de la nouvelle taxe sur les plus-values de cession de terrains agricoles devenus constructibles par une généralisation de la taxe forfaitaire instituée au profit des communes dans la loi portant engagement national pour le logement, sachant que sur ce point, les choses pourront encore évoluer car notre souhait serait de pouvoir flécher les recettes de cette taxe pour financer l'installation ou encore l'agriculture périurbaine de proximité ; la mise en place d'outils de couverture des risques et d'outils incitatifs pour une meilleure gestion des forêts. Enfin, nous n'avons pas oublié l'outre-mer, en prévoyant que les règles posées par la loi devront lui être appliquées.

Nous avons en outre insisté pour que l'assurance prévue à l'article 9 se développe rapidement. L'une des conditions de ce développement reste l'existence d'une solution de réassurance, privée et publique, qui ne peut cependant être imposée par amendement parlementaire. Mais nous ne sommes pas restés inactifs et les discussions vont se poursuivre pour obtenir la garantie que l'État ira, sur ce sujet, le plus loin possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

En ma qualité de co-rapporteur sur la partie consacrée à la pêche et à l'aquaculture, je vais vous parler plus particulièrement du titre IV, qui comprend les articles 18 à 23.

Son extraordinaire ouverture sur la mer donne à la France, avec ses territoires d'outre-mer, d'immenses potentialités, qui restent, hélas, presque inexploitées, puisque nous importons 80 à 85 % des produits de la mer que nous consommons. Avec, actuellement, 5 000 bateaux en métropole et moins de 21 000 marins, notre capacité de pêche s'est affaiblie au fil des ans.

La filière souffre d'un défaut de structuration. L'existence d'un outil de transformation en aval est pourtant la garantie pour les pêcheurs d'une activité plus stable et plus rémunératrice, productrice de valeur ajoutée, comme le montre l'exemple de la coquille Saint-Jacques en Bretagne. Or, cet outil de transformation fait défaut ou reste insuffisamment développé. Il y a urgence à corriger cette anomalie.

Les articles consacrés à la pêche et à l'aquaculture dans ce texte constituent l'aboutissement de réflexions menées au sein et en dehors du ministère chargé de la pêche - je pense au rapport Roncière sur les évolutions des comités des pêches ou au rapport Tanguy sur le développement de l'aquaculture - mais aussi dans le cadre des Assises de la mer qui ont eu lieu l'année dernière.

Ces articles répondent à un double mot d'ordre : développement et rationalisation. Développer, d'abord, avec les schémas régionaux de développement de l'aquaculture marine, prévus à l'article 19, et attendus depuis plus de dix ans. L'Ifremer avait bien élaboré une telle carte, mais il manquait une volonté politique pour avancer. La volonté est là : n'attendons plus !

Il faut identifier les sites d'implantation possible des fermes aquacoles pour lever le blocage principal au développement de cette activité qui, avec 8 000 tonnes de poisson produit par l'aquaculture métropolitaine, reste confidentielle.

Rationaliser, ensuite, en faisant travailler ensemble pêcheurs et scientifiques, au sein du comité de liaison scientifique et technique des pêches maritimes et de l'aquaculture, créé à l'article 18 ; mais aussi en clarifiant les responsabilités des acteurs dans l'accès à la ressource. Aujourd'hui, les organisations de producteurs (OP), gèrent les quotas et totaux admissibles de capture, décidés à Bruxelles, tandis que les comités des pêches délivrent les licences pour les bateaux : l'article 20 propose de mettre un peu de cohérence en confiant aux OP tant la distribution des licences, au moins pour les espèces d'intérêt communautaire, que la gestion des quotas. Les OP se voient également reconnu un pouvoir de sanction à l'égard de leurs membres, ce qui leur donne les moyens d'une régulation plus efficace du secteur.

La rationalisation est aussi à l'oeuvre à l'article 21, qui, à tous les niveaux, national, régional, départemental, transforme les comités interprofessionnels des pêches en comités professionnels des pêches, ne regroupant que les pêcheurs, à l'exclusion des professionnels de la transformation et de la commercialisation. Cette modification ouvrira la voie à la création d'une véritable interprofession de la pêche, sur la base du code rural, dont l'association France Filière Pêche constitue l'embryon. Les structures des comités des pêches sont en outre simplifiées et l'échelon local est remplacé par un échelon départemental. Enfin, le comité national voit son fonctionnement resserré autour des représentants des intérêts économiques des pêcheurs, la cogestion sociale étant laissée au niveau des comités régionaux.

Concernant la conchyliculture, la réforme mise en oeuvre est très consensuelle. En application de la charte de l'environnement, le public doit être informé des décisions concernant l'exercice de la pêche, ou associé à celles-ci. L'article 23 renvoie à une ordonnance le soin de mettre en place ces outils d'information et de consultation.

Je me suis attaché à faire évoluer ce texte dans trois domaines principaux. J'ai voulu renforcer, en premier lieu, l'effectivité du schéma régional de développement de l'aquaculture. On ne peut qu'être inquiets des obstacles qui, ici comme en beaucoup d'autres domaines, se dressent devant les initiatives. J'ai donc proposé de créer une conférence régionale sur l'utilisation des espaces, qui se réunirait dans chaque région tous les cinq ans pour identifier les différents secteurs du territoire et permettre à certaines activités comme l'aquaculture de s'y développer. J'ai apporté aussi quelques corrections techniques à l'article 19 pour favoriser la réalisation de ces schémas aquacoles dans un délai d'un an à compter de la publication de la loi.

Souhaitant, en deuxième lieu, amener les scientifiques et les pêcheurs à travailler ensemble, j'ai proposé qu'ils aillent ensemble en mer pour faire l'évaluation de la ressource. N'est-ce pas en partageant ses méthodes sur le terrain que l'on finit par mieux se comprendre ?

En troisième lieu, je vous proposerai, par un amendement à l'article 20, de renforcer la protection des zones de reproduction, afin de ne pas dépeupler les mers et les océans avant même l'arrivée des alevins.

Enfin, la commission pourra faire oeuvre utile - car on tend trop souvent à dépouiller le Parlement de ses prérogatives - en supprimant l'ordonnance prévue à l'article 23 pour la remplacer par un texte qui vous sera proposé et qui instaure une procédure assez souple d'information et de consultation du public sur les décisions relatives aux pêches maritimes.

Je souhaite que le volet pêche de la loi, qui reste trop souvent le parent pauvre des lois agricoles, sorte renforcé de sa discussion au Sénat : les professionnels de la mer méritent notre soutien.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Je tiens à féliciter nos rapporteurs pour le travail accompli et les nombreuses auditions qu'ils ont organisées. Reste que ce texte n'apporte malheureusement pas des réponses à la hauteur de la crise que traverse notre agriculture.

L'agriculture française était naguère la première en Europe. Face à l'accroissement de la population mondiale, qui pose le problème de l'alimentation, elle pouvait apporter des réponses. Mais aujourd'hui, la situation est devenue dramatique. Le revenu des agriculteurs fond comme neige au soleil. Or, l'intitulé de ce projet de loi « de modernisation agricole » laisse perplexe. Car peut-on parler ici de modernisation ? Comme certains de nos collègues, j'en doute. Au reste, c'est une problématique que l'on ne peut disjoindre des débats au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et du cadre de la refonte de la PAC, sans oublier le G 20 qui aura, sur certains sujets, son mot à dire.

Notre agriculture perd chaque année en compétitivité. Le texte, sur ce volet, s'empare de trois questions : celle de la filière et des contrats, celle de l'Observatoire des prix et des marges, celle enfin de l'assurance. Cela n'est certes pas négligeable. On gagne certes à être mieux organisés, à signer des contrats, même si le monde agricole y est un peu hostile : j'observe que les contrats signés dans la Somme avec le groupe Bonduelle ont apporté plus de sécurité aux producteurs. Reste que je doute de l'impact que pourront avoir de simples contrats bilatéraux quand tant d'intervenants sont impliqués dans la filière. Auront-ils un effet tout à la fois sur la durée, sur la qualité, sur les prix ? Je reste dubitatif.

Comment améliorer l'Observatoire des prix et des marges, qui ne fonctionne pas ? Aujourd'hui, ses experts peuvent dire quel est le prix d'achat aux producteurs et de vente aux consommateurs, les prix d'achat et de vente auprès des différents intervenants, mais quant à savoir où sont les marges ... C'est une véritable « boite noire », selon leurs propres termes.

Les prix ont chuté de 11 % et les consommateurs n'en ont pas bénéficié. La question est la suivante : sommes-nous prêts à aller beaucoup plus loin pour contraindre les centrales d'achat, dont chacun sait qu'elles préfèrent payer une amende plutôt que d'accepter la transparence ? Sommes-nous prêts à les obliger à jouer le jeu de la transparence par un double étiquetage aux caisses des supermarchés ? Le consommateur pourrait ainsi faire la part des choses, et il le ferait mieux que le juge.

Sur la question des distorsions de concurrence, on est prompt à accuser Bruxelles en oubliant la responsabilité de notre propre administration. Il serait temps de nous doter d'une structure efficace, capable de mesurer les distorsions non seulement au plan européen mais à l'échelle de la France : nous créons nous-mêmes des distorsions en imposant sans cesse des normes à nos agriculteurs. Le groupe centriste a déposé des amendements pour autoriser les camions de 44 tonnes. Une mesure réglementaire suffirait pourtant. Faut-il donc attendre que les agriculteurs descendent dans la rue pour la prendre ? Le ministre est-il prêt à y regarder de près, à discuter, et éventuellement à retirer la limite du 40 tonnes ?

J'en viens à la gestion du risque, troisième pilier qui doit soutenir notre compétitivité. Je sais que Daniel Soulage est intervenu et que des discussions sont engagées. Pour engager les agriculteurs à s'assurer, il faut les soutenir.

Je suis bien conscient que ce texte est indissociable de la réforme de la PAC et des négociations au sein de l'OMC, mais je crains que, si nous n'avançons pas sur ces deux derniers points, la loi de modernisation de l'agriculture n'apporte pas grand-chose, et les agriculteurs resteront dans l'ornière.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Je m'associe aux éloges qui viennent d'être adressés à nos co-rapporteurs, et ce n'est pas la seule opinion que je partage avec Daniel Dubois. Je ne tomberai pas dans la facilité, en vous rappelant nos mises en gardes sur les dérives à craindre de la loi d'orientation agricole, sans parler de la loi de modernisation de l'économie (LME), sur les inconvénients de laquelle tout le monde s'accorde.

Comment comprendre l'intitulé de ce texte ? Qu'entend-on par modernisation quand nos agriculteurs sont, comme bon nombre de nos concitoyens, frappés de plein fouet par la crise ? Une loi de modernisation peut-elle répondre à une crise si grave et qui appelle des réponses si urgentes ? Le rapporteur a qualifié ce texte de « boite à outils ». Mais quels outils, et comment les utiliser ? Il aurait fallu, surtout, distinguer entre les perspectives structurantes qui doivent sortir les agriculteurs de leur détresse et les réponses urgentes à apporter, en plus du plan de sauvetage. Et ce n'est pas en engageant une procédure accélérée sur ce texte que l'on conciliera ces deux objectifs.

Certains points de ce projet ont réellement besoin d'être précisés. Après avoir entendu Dacian Ciolos, commissaire européen à l'agriculture, nous avons ouvert un débat d'orientation - qui n'en fut pas vraiment un - sur ce que devrait être notre modèle agricole. Quelle compétitivité ? Quelle implantation agricole voulons-nous conserver en France et en Europe ? Comment assurer une diversité agricole qui permette à la fois le maintien d'un maximum d'agriculteurs et de nouvelles installations, en garantissant à tous un revenu décent ?

Le rapporteur nous a parlé des contrats. Peut-être sont-ils nécessaires, mais peuvent-ils tenir lieu de régulation publique ? Encore une fois, ce ne sont pas seulement les outils qui comptent, mais également la façon de les utiliser. Il ne s'agit pas de se contenter de bâtir quelques ouvrages défensifs contre la loi du marché. Devant le ministre, qui a eu l'amabilité de nous recevoir hier, nous avons fait valoir que la régulation devait être publique, européenne, et pas seulement en période de crise. Sans cela, pas de lissage des prix. Et la régulation doit porter à la fois sur la demande et sur la production : l'un ne va pas sans l'autre.

Nos eaux territoriales, Charles Revet l'a rappelé, représentent un potentiel immense. Nous devons mieux les utiliser, tout en sachant que tous les espaces ne conviennent pas à l'aquaculture, qui réclame des eaux de très bonne qualité. La préservation de cette qualité est donc une exigence, et le développement de l'aquaculture doit se faire sans pollution des milieux naturels favorables.

Sur la réorganisation des structures de la pêche, je ne partage pas les orientations du co-rapporteur. La pêche ne fonctionne pas comme l'agriculture, elle s'apparente plutôt à la cueillette. Elle mérite donc une organisation à part. De ce point de vue, la suppression des comités locaux me semble lui porter un grave préjudice. Ces comités incarnent véritablement la culture des territoires de pêche. Ce sont eux qui disposent de l'expertise, eux qui organisent les pêches à pied. Les réduire à de simples antennes va casser la dynamique alors que le secteur de la pêche était, grâce à eux, accepté par la société et partie prenante dans les espaces Natura 2000 ou les parcs marins. Nous avons donc déposé des amendements destinés à préserver la spécificité du secteur. Pourquoi casser une organisation qui rassemblait les acteurs de la profession, du mareyeur aux divers transformateurs, pour lui substituer une organisation de producteurs, au risque de poser des problèmes d'intégration de la filière ?

Dernière question, enfin, celle de l'accompagnement des pêcheurs, sur leurs lieux de pêche, par des scientifiques. La pratique a cours depuis longtemps, avec des hauts et des bas... J'ai moi-même pu constater combien les techniciens et les scientifiques renâclent à reconnaître la capacité des pêcheurs à organiser eux-mêmes leur pêche. A Lorient, alors que 20 000 traits de chalut ont été enregistrés, il a fallu que les collectivités locales annoncent qu'elles prendraient en charge une partie des postes de chercheurs pour que ces traits soient pris en compte. Vous voyez qu'il reste beaucoup à faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Moi aussi, je préfèrerais le terme d'« adaptation » à celui de « modernisation », les agriculteurs n'ayant pas cessé de se moderniser depuis cinquante ans.

Comme Daniel Dubois, je pense que cette loi ne résoudra pas tous les problèmes de revenus et de prix. L'agriculture n'est pas une activité comme les autres : il y a de bonnes et de mauvaises années et on y connaît le prix de revient des produits, mais jamais leur prix de vente. C'est pourquoi la France doit la défendre avec volontarisme à Bruxelles.

J'aurais aimé que ce projet de loi entreprenne de simplifier les procédures administratives et de geler les coûteuses contraintes environnementales. Il faudrait aussi faire en sorte que l'Observatoire des prix et des marges fonctionne et ait de réels pouvoirs.

Les distorsions de concurrence sont insupportables : on interdit en France des désherbants qui sont utilisés en Espagne et dans beaucoup d'autres pays !

Ce texte doit montrer la détermination de la France à fixer le fil conducteur de la politique agricole européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

J'aborde sans illusion ce texte - comme, semble-t-il, une grande partie de la majorité - même si je ne mets pas en doute pas le professionnalisme et la sincérité du ministre. L'Agriculture est d'ordinaire un ministère de crises, successives et ponctuelles, mais ce qui fait la gravité de la crise actuelle, c'est sa généralisation, cette fois-ci, à toutes les filières.

Le texte ne rappelle pas suffisamment le triple rôle de notre agriculture : économique, environnemental et social. Sur ces deux derniers rôles, le gouvernement français peut agir, mais les données économiques du secteur lui échappent largement et j'avoue ne pas avoir été rassuré par les propos du commissaire européen. Les responsables agricoles que j'ai reçus en Bourgogne ne trouvent pas dans ce texte les réponses qu'ils espéraient, notamment sur la volatilité des cours, qui leur interdisent toute visibilité.

Ce texte témoigne d'une sorte de schizophrénie du gouvernement qui, d'une part, impose des normes environnementales ultra-contraignantes, pour, d'autre part, regretter ensuite les distorsions de concurrence. J'avais déjà dénoncé ce travers lors des discussions sur le Grenelle. J'étais en Allemagne il y a quelques jours : les gens y étaient stupéfaits d'apprendre qu'ici on avait imposé des bandes enherbées au bord des rivières ! Nous multiplions les contraintes pour répondre à des urgences médiatiques. Les plates-formes pour traiter les appareils coûtent de 400 à 500 000 euros aux viticulteurs ...

Les céréaliers sont opposés au principe d'une assurance récolte obligatoire parce qu'ils n'en toucheront jamais l'indemnisation correspondante, car ils n'auront jamais 30% de perte des récoltes.

Et ce sont les contraintes imposées à la moutarde d'origine contrôlée qui ont contraint l'usine Amora de Dijon à fermer. Il faut en finir avec cette schizophrénie !

Je ne crois pas que les outils proposés répondent à la crise. Où est le filet de sécurité qu'attendent les agriculteurs ? On n'apporte de réponse ni à l'urgence sociale, ni à l'urgence environnementale. Le contrat territorial d'exploitation (CTE) que nous avions mis en place, répondait au rôle social et environnemental de l'agriculture. Vous l'avez supprimé en 2000 ! Et votre contrat d'agriculture durable (CAD), lui, n'a jamais vu le jour... Voilà pourtant qui redonnerait espoir à nos agriculteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

La question de fond est la suivante : quel rôle assignons-nous à l'agriculture française et européenne ? On ne peut se contenter de lui donner uniquement celui de produire et, faute de définir vraiment ce rôle, on va, une fois de plus, faire une loi qui ne règlera pas les problèmes...

En l'absence de vision à long terme, on ne peut reprocher aux agriculteurs de chercher à se diversifier. Le photovoltaïque, par exemple, leur était apparu comme une nouvelle source de revenus mais les récents décrets ont rendu moins rémunérateur le rachat de l'électricité. On avait mal encadré cette production et laissé les agriculteurs se lancer dans des investissements considérables. On ne peut pas le leur reprocher : le vrai problème, c'est que leur activité n'est pas assez rémunératrice.

L'usage excessif de pesticides chimiques est mauvais tant pour les consommateurs que pour les agriculteurs. Il faut aider ceux-ci à en utiliser le moins possible. Les contraintes environnementales ne sont donc pas abusives.

Pour la forêt, on parle de productivité alors que sa gestion s'effectue sur le long terme. A l'exploiter à l'excès, on risque de détruire le capital qu'elle représente et le titre III va à l'encontre des intérêts de la forêt et des forestiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Benoît Huré

Nous sommes nombreux ici à faire la même analyse, de manière transversale : il nous faut donc un texte pragmatique. Ce n'est pas une crise de plus, c'est une crise générale qui affecte toutes les filières. Nous vivons la fin d'une politique agricole commune coincée entre ultralibéralisme et régulation. La mondialisation est désormais dans la ferme, mais il nous faut trouver des réponses au niveau national.

La France est le seul pays à appliquer réellement les normes européennes. Cela pèse sur le moral des agriculteurs qui ont la permanente impression d'être suspectés. Cette loi doit mettre fin à ce délire normatif.

Le plan de soutien à l'agriculture - plus d'un milliard d'euros, tout de même, ce qui fait des envieux en Europe - est encore insuffisant. Il faut orienter certains crédits vers la modernisation de la production et de la transformation.

La question des marges accable les producteurs : la puissance publique doit faire preuve d'autorité lorsque l'équilibre n'est plus respecté dans les négociations.

La PAC n'est pas élastique, mais, lorsque les cours mondiaux sont porteurs, l'Union européenne devrait pouvoir orienter une partie des aides vers la constitution d'un fonds commun réservé aux systèmes assurantiels pour les aléas climatiques et sanitaires. Tous doivent contribuer au financement de ce système, les agriculteurs, l'État, puisque l'agriculture et l'agro-alimentaire sont pour le pays une locomotive économique, et l'Union européenne.

Nous devons élaborer une loi pragmatique qui donne de la visibilité aux agriculteurs et au secteur agro-alimentaire et, cela, dans l'intérêt même des consommateurs qui subissent une permanente tendance à la hausse des produits.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Chatillon

Il faudrait que les autres membres de l'Union européenne jouent le jeu. Pour le blé dur de ma région, par exemple, le marché semoulier italien constituait un débouché traditionnel. Or, en novembre, l'Italie a importé quelques milliers de tonnes de blé dur de Turquie. Que devient la préférence communautaire ? Il faudrait moraliser à Bruxelles. Qu'en est-il des « primes à la vache » d'Italie et d'Espagne, par exemple ? Il y a trop de disparités entre les pays membres.

Il faut s'intéresser davantage à la petite agriculture et au petit élevage auxquels il serait bon d'appliquer la règle du carry back, laquelle permet de ne déclarer de bénéfice qu'après cinq ans d'exploitation. C'est grâce à cette règle que, dans la région de Graulhet, de Mazamet et de Castres, les entreprises textiles de la mégisserie et de la peausserie ont pu tenir.

Quelles mesures prendre pour mieux protéger nos terres agricoles, à l'exemple de l'Allemagne qui, en trois ans, a fait passer ses pertes de 85 000 à 30 000 hectares ? Rien que, dans la région de Toulouse, nous perdons 1350 hectares chaque année.

La grande distribution doit jouer le jeu : il faut absolument moraliser les conditions de paiement. Il est inadmissible qu'un litre de lait payé 17 centimes soit revendu 1,04 euro. La LME a bien supprimé les marges arrière mais, maintenant, ce sont des dons en nature qui sont exigés à toute occasion, pour l'anniversaire du supermarché par exemple... Faute d'une moralisation de ces conditions de paiement, notre industrie agro-alimentaire, qui était pionnière en Europe, est passée au deuxième rang et sera bientôt en troisième position.

Il faut encourager aussi l'innovation et, pour ce faire, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) doit reprendre des couleurs et ne pas abandonner le terrain devant l'agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA). La situation est telle que, actuellement, 80% des compléments alimentaires viennent d'Allemagne ! Or 200 PME sont actives dans ce secteur en France.

Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain : plutôt que de condamner ce projet de loi, tentons de l'améliorer par nos amendements, car nous sommes tous solidaires de nos agriculteurs en difficulté.

Il faut mettre un terme aux aides illégales que nous accordons à nos « amis » anglais, par exemple en subventionnant les moutons néo-zélandais ou australiens. Que font donc nos députés européens ? Sont-ils compétents ? Et pourquoi nos fonctionnaires de tutelle ne sont-ils pas davantage présents en commission à Bruxelles, eux qui arrivent souvent le mardi, alors que le problème a été discuté le lundi ? Soyons donc plus combatifs !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Notre groupe aborde cette discussion avec gravité et détermination, parce que cette crise agricole est sans précédent. Ce n'est pas une crise de plus, c'est « la » crise, une crise qui frappe toutes les filières. Si on n'y apporte pas une réponse forte, c'en est fini du modèle agricole français. Si, au terme de l'examen du Sénat, ce projet de loi n'était pas modifié, nous aurions des comptes à rendre sur le terrain à nos agriculteurs : ils ne nous le pardonneraient pas.

Ce n'est pas une loi de modernisation : en période de crise, une loi de modernisation est impossible. Je crains que le président de la République n'ait choisi un mauvais moment pour annoncer cette loi, car notre agriculture n'est plus française, elle est européenne et nos marges de manoeuvre sont ténues face aux décisions qui, pour la plupart, viennent de Bruxelles.

Si nous n'apportons pas des réponses rapides et conjoncturelles, le changement structurel ne servira à rien. Nous voulons que l'agriculture continue à jouer son rôle d'aménagement du territoire et que persiste le maillage territorial de l'agriculture familiale.

Cette loi tombe au mauvais moment, alors qu'il nous faut apporter des réponses rapides et aller de l'avant : c'est la quadrature du cercle.

Notre tissu agricole ne peut subsister face à un libéralisme effréné, car la loi du plus fort le détruit à coup sûr. Nous avons donc la responsabilité de réorienter ce texte pour qu'il apporte des réponses structurelles mais aussi conjoncturelles : faute de réponses immédiates, nos campagnes s'embraseront.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Disons-le : nos agriculteurs ne supportent plus les surabondantes normes franco-françaises.

J'ai cru comprendre, monsieur le rapporteur que vous étiez opposé au statut d'agriculteur-entrepreneur. C'est heureux car, si on peut en approuver le principe, la loi permettrait au gouvernement d'agir par ordonnances. Le diable se cachant dans les détails, il pourrait encore en rajouter sur la conditionnalité des aides... Il importe donc que ce statut ne voie pas le jour.

Au départ j'étais opposé à ce qu'on revienne sur les mesures de la LME relatives aux relations entre distributeurs et producteurs. Mais l'urgence l'impose ; les dérives de la grande distribution sont telles que celle-ci a bafoué l'esprit de cette loi. Cette LMA doit donc, elle, faire des conditions générales de vente le socle des négociations et les conditions particulières de vente doivent comporter des contreparties concrètes : j'ai déposé quelques amendements en ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Il est en effet ambigu de présenter ce texte comme un projet de loi de modernisation et, en même temps, de prétendre qu'il est capable de répondre à l'urgence : si urgence il y a, elle l'emporte sur le fond.

Le ministre a délibérément indiqué une priorité de ce texte : instituer une politique publique de l'alimentation. Or, la discussion se focalise ici uniquement sur l'agriculture. Le ministre a pourtant affirmé qu'il fallait aujourd'hui passer d'une époque où l'offre appelait la demande, à une époque où la demande justifie l'offre.

L'agriculture française devrait trouver un ratio qualité/prix et un niveau de production qui ménagent les intérêts du producteur, mais aussi ceux du consommateur. Ce dernier est un peu trop oublié dans ce débat, lui qui souffre de la mauvaise qualité des produits et de leurs prix, lesquels ne diminuent jamais, quel que soit le prix payé au producteur.... Nous devons faire entrer dans ce débat ces 65 millions de concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

Comment nous faire croire, une fois de plus, que la main invisible du marché va tout régler ? Moi, je suis pour le protectionnisme et, j'ai voté en conséquence aux scrutins européens... Si on ne protège pas le marché européen, il sera inondé par la viande néo-zélandaise ou le blé ukrainien. L'indépendance alimentaire est pourtant aussi importante que l'indépendance militaire. Arrêtons d'ouvrir nos frontières ! Le Japon, les États-Unis, la Russie protègent, eux, leurs agricultures pendant que, nous, nous ouvrons nos portes ! C'est une Europe à l'anglo-saxonne qui a décidé de sacrifier notre agriculture - les Anglais ont, depuis longtemps, renoncé à la leur. Et nous subissons une Commission européenne acquise à l'idéologie anglo-saxonne de mondialisation des marchés.

L'écologie ? Des excès ont peut-être été commis. Mais il serait bon de réaliser un audit sur l'impact de la politique environnementale française sur les charges de notre agriculture afin de voir si on ne fait pas de cette politique un bouc émissaire. A l'inverse, je vois bien la pollution des champs captants par le nitrate ! La richesse en humus des sols diminue, et avec elle les rendements ! Bien sûr, il ne faut pas de distorsion de concurrence mais, si les Espagnols veulent s'empoisonner avec des herbicides dangereux, c'est leur affaire ! Il faut rétribuer les agriculteurs pour le service écologique qu'ils nous rendent, l'accès à l'eau potable par exemple. Arrêtons de crier haro sur les règlementations environnementales !

Sur les hypermarchés, il faut faire notre mea culpa : en tant qu'élus, nous avons favorisé leur implantation et, maintenant, nous ne maîtrisons plus la politique de leurs centrales d'achat. J'ai vu Yoplait-Candia se demander comment il pourrait vendre sa production. Ce sont eux les plus forts et leurs trois ou quatre centrales d'achat imposent leur loi ! Dans les autres pays, le marché est mieux maîtrisé : nous sommes les champions du monde pour le nombre de mètres carrés d'hypermarchés.

Sur la consommation des terrains agricoles, attention de ne pas charger la barque ! L'Allemagne, elle, n'a pas de kilomètres de TGV, sa densité de population étant plus forte, elle a moins de kilomètres d'autoroute, sa croissance démographique étant moindre, elle construit moins de logements. Les Français rêvent d'une maison individuelle : quel maire va leur refuser du terrain constructible ? En votant cette limitation, vous allez vous donner bonne conscience mais, ensuite, en tant que maire, vous la trouverez trop contraignante. De la prudence dans cette affaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Si nous votons ce texte en état, nous ne répondrons pas aux attentes. La LME avait quelques aspects positifs, comme les délais de paiement aux entreprises. En outre, on pensait faire baisser les prix par davantage de dérégulation et de concurrence. Mais qui en a fait les frais ? Les agriculteurs !

Celui qui promettait une « mondialisation heureuse » - je ne le nomme pas, vous le reconnaitrez - s'est trompé.... François Patriat avait proposé que l'agriculture soit sortie de l'OMC. Cela ne devrait-il pas figurer dans la loi elle-même, compte tenu de la triple fonction de ce secteur ? Dès lors, on disposerait du filet de sécurité qu'attendent les agriculteurs. A défaut, face aux mesures d'urgence, ce texte sera vite oublié. Si le Sénat votait ce texte tel quel, la déception des agriculteurs serait immense.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Le Sénat, comme l'Assemblée, a pour fonction de modifier les textes du gouvernement.

Ce texte ne serait pas assez ambitieux ? J'ai entendu dire cela de toutes les lois de modernisation et d'orientation de l'agriculture. Qu'on l'intitule « de modernisation » ou « d'adaptation », peu m'importe, c'est le contenu qui compte. Cette loi vient au bon moment, quand l'agriculture est en difficulté.

Nicolas Sarkozy est un des premiers présidents de la République à défendre la préférence communautaire et à parler de régulation.

Notre agriculture occupe 60 % de la superficie du pays : sur 55 millions d'hectares, 30 millions ont une occupation agricole, pour les deux tiers en grandes cultures, et pour un tiers en élevage. La PAC de 1992 avait parié sur une baisse des prix compensée par des subventions : cette politique doit être revue, il faut une rémunération par les prix.

Le consommateur serait absent, dit-on. C'est la première fois qu'une loi agricole traite de l'alimentation, y compris celle des plus démunis, selon le modèle américain et cela me convient.

La contractualisation est une nouvelle forme de quotas qui doit permettre d'adapter l'offre à la demande.

C'est aussi la première fois qu'on parle d'aléas climatiques ou sanitaires dans une loi agricole, et Gérard César et moi-même sommes pleinement engagés dans cette bataille.

Oui, Daniel Dubois, l'Observatoire des prix et marges doit mieux fonctionner, être transparent et rendre de fréquents rapports.

Odette Herviaux, le choix d'une procédure accélérée ne me choque pas car la situation est grave et elle appelle une réponse conjoncturelle rapide.

François Patriat, les bandes enherbées préservent efficacement la qualité de l'eau.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Mais les agriculteurs ont-ils été dédommagés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Oui, en vertu des règles de conditionnalité des aides. Les céréaliers l'ont bien compris. Ce sont d'autres contraintes qu'ils admettent moins bien, ou qu'ils n'ont pas les moyens financiers de respecter.

Dans notre démarche pour instaurer une assurance-récolte, nous buttons sur la mauvaise volonté des céréaliers : 64 000 contrats d'assurance sur 330 000 exploitations professionnelles, c'est insuffisant. Pour l'heure, ce sont les plus fragiles qui s'assurent, notamment des arboriculteurs : dans ces conditions, on ne peut pas constituer de bases pour une assurance solide ! L'aide de l'Union européenne, d'un montant de 100 millions d'euros, permet de prendre en charge 65 % de la prime d'assurance. Nous sommes en négociation avec le ministère des Finances pour mettre en place une réassurance publique.

Nous n'avons pas à regretter la suppression des CTE : dans mon canton, les agriculteurs ont vite déchanté. Ces contrats coûtaient trois fois le budget de l'agriculture !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

En ce qui concerne l'aménagement de l'espace et la lutte contre la disparition de terres agricoles, le Grenelle de l'environnement rendra bientôt les schémas de cohérence territoriale (SCOT) obligatoires, et le présent projet de loi crée dans chaque département une commission ad hoc. Faudra-t-il en faire une sous-section de la Commission départementale d'orientation agricole (CDOA) ? Cela pourrait poser problème, car la CDOA est de nature réglementaire. Mais nous sommes d'accord sur le principe.

Paul Raoult a bien montré qu'il fallait situer l'agriculture française dans son contexte : en Allemagne, la densité de population est de 230 habitants par kilomètre carré, contre 110 en France et 56 en Bourgogne. Ne comparons pas l'incomparable !

Cet échange de vues fait-il double emploi avec la discussion générale en séance ? Je ne crois pas. J'ai bien entendu vos propositions, et beaucoup m'ont paru intéressantes. Nous reviendrons sur toutes ces questions lors de l'examen des nombreux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Je n'ai pas grand-chose à ajouter à la réponse très exhaustive du président Jean-Paul Emorine. Certes, Daniel Dubois, ce projet de loi ne résoudra pas tout, mais nous ferons en sorte de l'améliorer autant que possible. Il permettra au pouvoir réglementaire de rendre obligatoires les contrats écrits entre les producteurs et les acheteurs, et d'en finir ainsi avec les « 3 R », « remise, rabais, ristourne », auxquels Daniel Raoul a judicieusement ajouté un quatrième R : « racket ». L'existence de l'Observatoire des prix et des marges est entérinée : il faudra mettre à sa tête une personnalité compétente, par exemple un juge ou un inspecteur des finances. L'Observatoire doit pouvoir s'appuyer sur des données fournies par l'Insee et par FranceAgriMer. Quant à l'Observatoire des distorsions de concurrence créé par la loi d'orientation agricole de 2006, il faut relancer son activité.

En ce qui concerne la nouvelle taxe sur les cessions foncières, je souhaite que son produit soit réparti entre les communes et les jeunes agriculteurs : M. le ministre y est ouvert. C'est d'ailleurs du texte de la commission que nous débattrons en séance.

L'assurance contre les aléas climatiques et sanitaires est la clef de voûte de la réforme. L'Europe nous aidera à la mettre en place : si l'on joint aux aides européennes la contribution de l'Etat, 65 % du montant de la prime sera pris en charge. Hélas, les agriculteurs l'ignorent. La déduction pour investissement (DPI) et la dotation pour aléas (DPA) seront maintenues.

Le Grenelle 2 est en cours d'examen à l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

J'ai demandé au ministre d'évaluer le coût des nouvelles mesures pour les agriculteurs.

Un amendement résoudra le problème des 44 tonnes.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

L'agriculture occupe l'essentiel de nos débats, mais la pêche est un autre sujet crucial. Odette Herviaux a abordé le problème de l'aquaculture et de la préservation de l'environnement. A ce propos, j'ai voulu être très concret : les schémas régionaux de développement de l'aquaculture marine permettront d'avancer. La mer est immense : l'aquaculture peut se développer non seulement près du littoral, mais aussi en haute mer. La France, avec son domaine maritime, dispose d'atouts considérables.

La suppression des comités locaux répond à un objectif qui est de regrouper les pêcheurs et les autres professionnels de la filière à un niveau supérieur, et de réduire les coûts liés à la multiplication des structures.

M. le ministre a pu constater, lors d'un déplacement à Fécamp, qu'il fallait resserrer les liens entre les pêcheurs et la communauté scientifique. Un armateur m'a confié qu'alors que les scientifiques prétendaient que le hareng avait disparu du secteur, des pêcheurs ont identifié un banc de 5 kilomètres de long au large de Boulogne ! Lorsque les pêcheurs et les scientifiques seront sur le même bateau, il faudra bien qu'ils s'accordent !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Ont été déclarés contraires à l'article 40 de la Constitution et ne seront pas soumis à la discussion en commission les amendements n°s 259, 6, 247, 134, 322, 148, 71, 73, 74, 123, 124, 125, 126, 332, 340, 96, 370, 80, 226, 81, 224 et 225.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Je m'étonne que certains de nos amendements aient ainsi été écartés. Ils ne me paraissaient ni diminuer les ressources, ni aggraver les charges publiques. J'y reviendrai au cours du débat en séance.