Intervention de Daniel Dubois

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 5 mai 2010 : 1ère réunion
Loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche — Examen du rapport et du texte proposé par la commission

Photo de Daniel DuboisDaniel Dubois :

Je tiens à féliciter nos rapporteurs pour le travail accompli et les nombreuses auditions qu'ils ont organisées. Reste que ce texte n'apporte malheureusement pas des réponses à la hauteur de la crise que traverse notre agriculture.

L'agriculture française était naguère la première en Europe. Face à l'accroissement de la population mondiale, qui pose le problème de l'alimentation, elle pouvait apporter des réponses. Mais aujourd'hui, la situation est devenue dramatique. Le revenu des agriculteurs fond comme neige au soleil. Or, l'intitulé de ce projet de loi « de modernisation agricole » laisse perplexe. Car peut-on parler ici de modernisation ? Comme certains de nos collègues, j'en doute. Au reste, c'est une problématique que l'on ne peut disjoindre des débats au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et du cadre de la refonte de la PAC, sans oublier le G 20 qui aura, sur certains sujets, son mot à dire.

Notre agriculture perd chaque année en compétitivité. Le texte, sur ce volet, s'empare de trois questions : celle de la filière et des contrats, celle de l'Observatoire des prix et des marges, celle enfin de l'assurance. Cela n'est certes pas négligeable. On gagne certes à être mieux organisés, à signer des contrats, même si le monde agricole y est un peu hostile : j'observe que les contrats signés dans la Somme avec le groupe Bonduelle ont apporté plus de sécurité aux producteurs. Reste que je doute de l'impact que pourront avoir de simples contrats bilatéraux quand tant d'intervenants sont impliqués dans la filière. Auront-ils un effet tout à la fois sur la durée, sur la qualité, sur les prix ? Je reste dubitatif.

Comment améliorer l'Observatoire des prix et des marges, qui ne fonctionne pas ? Aujourd'hui, ses experts peuvent dire quel est le prix d'achat aux producteurs et de vente aux consommateurs, les prix d'achat et de vente auprès des différents intervenants, mais quant à savoir où sont les marges ... C'est une véritable « boite noire », selon leurs propres termes.

Les prix ont chuté de 11 % et les consommateurs n'en ont pas bénéficié. La question est la suivante : sommes-nous prêts à aller beaucoup plus loin pour contraindre les centrales d'achat, dont chacun sait qu'elles préfèrent payer une amende plutôt que d'accepter la transparence ? Sommes-nous prêts à les obliger à jouer le jeu de la transparence par un double étiquetage aux caisses des supermarchés ? Le consommateur pourrait ainsi faire la part des choses, et il le ferait mieux que le juge.

Sur la question des distorsions de concurrence, on est prompt à accuser Bruxelles en oubliant la responsabilité de notre propre administration. Il serait temps de nous doter d'une structure efficace, capable de mesurer les distorsions non seulement au plan européen mais à l'échelle de la France : nous créons nous-mêmes des distorsions en imposant sans cesse des normes à nos agriculteurs. Le groupe centriste a déposé des amendements pour autoriser les camions de 44 tonnes. Une mesure réglementaire suffirait pourtant. Faut-il donc attendre que les agriculteurs descendent dans la rue pour la prendre ? Le ministre est-il prêt à y regarder de près, à discuter, et éventuellement à retirer la limite du 40 tonnes ?

J'en viens à la gestion du risque, troisième pilier qui doit soutenir notre compétitivité. Je sais que Daniel Soulage est intervenu et que des discussions sont engagées. Pour engager les agriculteurs à s'assurer, il faut les soutenir.

Je suis bien conscient que ce texte est indissociable de la réforme de la PAC et des négociations au sein de l'OMC, mais je crains que, si nous n'avançons pas sur ces deux derniers points, la loi de modernisation de l'agriculture n'apporte pas grand-chose, et les agriculteurs resteront dans l'ornière.

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