Je m'associe aux éloges qui viennent d'être adressés à nos co-rapporteurs, et ce n'est pas la seule opinion que je partage avec Daniel Dubois. Je ne tomberai pas dans la facilité, en vous rappelant nos mises en gardes sur les dérives à craindre de la loi d'orientation agricole, sans parler de la loi de modernisation de l'économie (LME), sur les inconvénients de laquelle tout le monde s'accorde.
Comment comprendre l'intitulé de ce texte ? Qu'entend-on par modernisation quand nos agriculteurs sont, comme bon nombre de nos concitoyens, frappés de plein fouet par la crise ? Une loi de modernisation peut-elle répondre à une crise si grave et qui appelle des réponses si urgentes ? Le rapporteur a qualifié ce texte de « boite à outils ». Mais quels outils, et comment les utiliser ? Il aurait fallu, surtout, distinguer entre les perspectives structurantes qui doivent sortir les agriculteurs de leur détresse et les réponses urgentes à apporter, en plus du plan de sauvetage. Et ce n'est pas en engageant une procédure accélérée sur ce texte que l'on conciliera ces deux objectifs.
Certains points de ce projet ont réellement besoin d'être précisés. Après avoir entendu Dacian Ciolos, commissaire européen à l'agriculture, nous avons ouvert un débat d'orientation - qui n'en fut pas vraiment un - sur ce que devrait être notre modèle agricole. Quelle compétitivité ? Quelle implantation agricole voulons-nous conserver en France et en Europe ? Comment assurer une diversité agricole qui permette à la fois le maintien d'un maximum d'agriculteurs et de nouvelles installations, en garantissant à tous un revenu décent ?
Le rapporteur nous a parlé des contrats. Peut-être sont-ils nécessaires, mais peuvent-ils tenir lieu de régulation publique ? Encore une fois, ce ne sont pas seulement les outils qui comptent, mais également la façon de les utiliser. Il ne s'agit pas de se contenter de bâtir quelques ouvrages défensifs contre la loi du marché. Devant le ministre, qui a eu l'amabilité de nous recevoir hier, nous avons fait valoir que la régulation devait être publique, européenne, et pas seulement en période de crise. Sans cela, pas de lissage des prix. Et la régulation doit porter à la fois sur la demande et sur la production : l'un ne va pas sans l'autre.
Nos eaux territoriales, Charles Revet l'a rappelé, représentent un potentiel immense. Nous devons mieux les utiliser, tout en sachant que tous les espaces ne conviennent pas à l'aquaculture, qui réclame des eaux de très bonne qualité. La préservation de cette qualité est donc une exigence, et le développement de l'aquaculture doit se faire sans pollution des milieux naturels favorables.
Sur la réorganisation des structures de la pêche, je ne partage pas les orientations du co-rapporteur. La pêche ne fonctionne pas comme l'agriculture, elle s'apparente plutôt à la cueillette. Elle mérite donc une organisation à part. De ce point de vue, la suppression des comités locaux me semble lui porter un grave préjudice. Ces comités incarnent véritablement la culture des territoires de pêche. Ce sont eux qui disposent de l'expertise, eux qui organisent les pêches à pied. Les réduire à de simples antennes va casser la dynamique alors que le secteur de la pêche était, grâce à eux, accepté par la société et partie prenante dans les espaces Natura 2000 ou les parcs marins. Nous avons donc déposé des amendements destinés à préserver la spécificité du secteur. Pourquoi casser une organisation qui rassemblait les acteurs de la profession, du mareyeur aux divers transformateurs, pour lui substituer une organisation de producteurs, au risque de poser des problèmes d'intégration de la filière ?
Dernière question, enfin, celle de l'accompagnement des pêcheurs, sur leurs lieux de pêche, par des scientifiques. La pratique a cours depuis longtemps, avec des hauts et des bas... J'ai moi-même pu constater combien les techniciens et les scientifiques renâclent à reconnaître la capacité des pêcheurs à organiser eux-mêmes leur pêche. A Lorient, alors que 20 000 traits de chalut ont été enregistrés, il a fallu que les collectivités locales annoncent qu'elles prendraient en charge une partie des postes de chercheurs pour que ces traits soient pris en compte. Vous voyez qu'il reste beaucoup à faire.