La mission « Sport, jeunesse et vie associative » a toujours été modeste. Mais, cette année, elle se réduit comme peau de chagrin.
L'ancien programme de soutien de la mission, le programme 210 « Conduite et pilotage de la politique du sport, de la jeunesse et de la vie associative » a disparu pour être fusionné au sein du programme 124, figurant dans la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et y prend l'appellation « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative ».
Dans sa réponse à mon questionnaire budgétaire, le Gouvernement a justifié cette évolution en expliquant que cette mutualisation de moyens au sein d'un programme-support unique aux ministères sociaux permettra une gestion plus économe dans un contexte budgétaire fortement contraint, une simplification des procédures et une meilleure utilisation des ressources humaines. Les moyens budgétaires en personnels affectés à la politique du sport et à celle de la jeunesse et de la vie associative devraient être clairement identifiés au sein d'actions distinctes.
Sans anticiper ce que pourront en dire Auguste Cazalet et Albéric de Montgolfier, rapporteurs spéciaux de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », j'observe que, sur le plan des principes, ce nouveau programme de soutien unique relève davantage d'une vision administrative et de respect des périmètres ministériels, pouvant d'ailleurs être remis en cause à l'occasion d'un changement de gouvernement, que de la logique de mission propre à la loi organique relative aux lois de finances. Sur un plan pratique, ce changement aboutit à vider la mission d'une grande partie de sa substance, plus précisément de la moitié de ses crédits et de la totalité de ses emplois.
Avec seulement 420,9 millions de crédits de paiement, est-il vraiment opportun de maintenir cette mission, qui représente pourtant une véritable politique publique ?
Les deux programmes subsistants, le programme 219 « Sport » et le programme 163 « Jeunesse et vie associative » suivent deux trajectoires très différentes : la diminution globale de 6,3 % des crédits de paiement de la mission résulte, en effet, de la conjonction de deux évolutions fortes et opposées, déjà constatée en 2010 : la diminution importante des crédits du programme « Sport », - 19,1 %, et l'augmentation spectaculaire des crédits du programme « Jeunesse et vie associative », + 10 %.
S'agissant du sport, la secrétaire d'État m'a fait valoir que ce budget doit s'apprécier en consolidant, outre les crédits du programme, les moyens de l'établissement public Centre national pour le développement du sport (CNDS) et le financement du programme support.
Ainsi considéré, l'effort financier de l'État en faveur du sport diminue de 3 %, ce qui est difficile pour la plupart des acteurs mais n'apparaît pas complètement anormal en période de restriction budgétaire.
Toutefois, la tendance lourde de déresponsabilisation du ministère et de débudgétisation avec l'utilisation « à tout va » du CNDS s'accentue encore.
Ainsi, aucune quote-part des économies sur les crédits auparavant consacrés au financement du droit à l'image collective (DIC), soit 24,9 millions sur la « demi-année » 2010, le DIC ayant été supprimé le 1er juillet 2010, n'est revenue au programme « Sport ». La disparition du DIC n'est d'ailleurs pour rien dans les difficultés financières rencontrées par les clubs sportifs, en particulier de football, lors de l'exercice 2009-2010, puisque celui-ci était encore en vigueur. En outre, le déficit des clubs de football s'élève à près de 200 millions d'euros : ce n'est donc pas la suppression du DIC qui modifiera beaucoup les choses. Tout ou partie de cet argent aurait pourtant été bien utile pour satisfaire de nouveaux besoins, en particulier le financement de la part de l'État, c'est-à-dire 150 millions d'euros, dans la construction ou la rénovation de stades de football aptes à accueillir l'Euro 2016, dont la France a obtenu l'organisation. Or, l'Etat a confié au CNDS le soin d'assurer le respect de cet engagement public. Dans un premier temps, il ne lui avait octroyé aucun moyen supplémentaire à cette fin. Si je m'étais étonné l'an dernier que les réserves du CNDS soient supérieures à 50 millions d'euros, l'établissement public ne dispose pourtant pas de quoi faire face à cette charge sans tailler dans ses autres actions, en particulier le développement du sport à l'échelle locale. Le Gouvernement vient d'annoncer le principe d'un prélèvement supplémentaire provisoire sur les mises de la Française des jeux pour que le CNDS puisse assumer sa charge. Je prends acte de cette annonce, qu'il faudra cependant traduire dans cette loi de finances. Toutefois, je ne me satisfais pas de ce qui s'apparente à une nouvelle opération de débudgétisation et je vous proposerai tout à l'heure un amendement symbolique à ce sujet.
J'en viens à la question du Stade de France, déjà étudiée à de nombreuses reprises : le budget affecté à la pénalité à verser par l'Etat au consortium gestionnaire au titre de l'absence de club résident passe de 7,5 à 5 millions d'euros en 2011, sans que cette diminution soit commentée dans les documents budgétaires. Le Gouvernement devra donc s'expliquer lors de la séance publique.
A propos du programme 163 « Jeunesse et vie associative », je relève la poursuite de l'effort financier engagé depuis l'année dernière. L'augmentation des crédits de 10 % à périmètre constant fait suite à une hausse de plus de 60 % en 2010, ce qui fait figure d'exception dans le contexte budgétaire actuel. Les crédits du programme s'élèvent ainsi à 212,4 millions en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.
De plus, ce budget reflète des choix politiques clairs, prioritairement engagés autour du service civique et du Fonds d'expérimentations pour la jeunesse (FEJ). Même s'il est permis de s'interroger sur les conséquences de certains choix, notamment les coupes qui affecteront les postes FONJEP et les projets éducatifs locaux, il faut bien constater que l'accroissement des moyens ne s'est pas accompagné d'une logique de saupoudrage, de nombreuses actions considérées comme non prioritaires subissant des diminutions de crédits parfois notables.
Je souhaite néanmoins faire quelques observations.
Sur le service civique, la pertinence des crédits pour 2011, soit 75,3 millions d'euros, pose question. L'année dernière, le Gouvernement avait défendu bec et ongles une ligne budgétaire très optimiste, avec une évaluation de 10 000 volontaires. Or, cet objectif sera loin d'être atteint puisque, d'après ce que nous a dit M. Daubresse il y a deux semaines, seuls 8 500 jeunes ont posé leur candidature, sans même parler d'embauche.
Nous reviendrons bien sûr sur cette question lors de la prochaine loi de règlement, mais il faut rappeler que, poussé à un certain point, le volontarisme nuit à la crédibilité des meilleurs projets. L'objectif, fixé par le Président de la République, d'intégrer 10 % d'une classe d'âge, soit 75 000 jeunes, dans le dispositif, a-t-il encore un sens ? A supposer que les jeunes soient suffisamment nombreux à se porter volontaires, les moyens publics feront clairement défaut, au moins jusqu'en 2014 : ainsi, selon les plafonds figurant à l'article 6 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, les crédits de la mission doivent progresser, à périmètre constant, de 50 millions d'euros sur trois ans. Cela ne permet absolument pas de financer l'arrivée de 75 000 jeunes ! La somme nécessaire, soit 500 millions d'euros, dépasse d'ailleurs la totalité des crédits de la mission prévus pour 2014. Là encore, l'honnêteté et le souci de crédibilité des politiques publiques imposeraient une redéfinition plus réaliste des objectifs réellement assignés au service civique, cohérente avec le projet de loi de programmation des finances publiques.
S'agissant du Fonds d'expérimentations pour la jeunesse (FEJ), la diminution de crédits de 45 à 25 millions d'euros s'inscrit dans une trajectoire globale et doit être tempérée par la réserve actuelle d'une trentaine de millions. Toutefois, cette évolution nous amène à nous interroger sur la pérennité de cette structure.
En outre, comme l'an dernier, les documents du ministère ne précisent pas ce que deviendront les expérimentations une fois qu'elles auront été évaluées, surtout si elles s'avèrent concluantes. Or, il s'agit d'une question d'importance : l'objectif d'autonomie financière est-il assigné aux acteurs des expérimentations ou bien ce dispositif est-il inflationniste par nature, en créant de la dépense publique ? L'année prochaine, je continuerai à contrôler l'action de ce fonds et à évaluer les programmes qu'il finance.
En raison des remarques de fond dont je vous ai fait part, j'ai hésité à préconiser le rejet des crédits de la mission. Cependant, comme je n'aurais probablement pas été suivi par la majorité de la commission, je vous proposerai une autre démarche, consistant à voter ce budget, sous le bénéfice de l'adoption d'un amendement.