Intervention de Pierre Jarlier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 4 novembre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Mission relations avec les collectivités territoriales compte de concours financier avances aux collectivités territoriales et articles 79 à 86 - examen du rapport spécial, amendement 2

Photo de Pierre JarlierPierre Jarlier, rapporteur spécial :

Tout est gelé. Mais la péréquation est traitée par ailleurs.

Les règles ainsi définies appellent plusieurs observations. Dans le contexte actuel, le gel des dotations forfaitaires est inévitable à double titre : il permet de prendre en compte les contraintes liées à l'augmentation de la population et au développement de l'intercommunalité et il assure simultanément une progression satisfaisante des dotations de péréquation.

Le dispositif de ciblage de l'écrêtement du complément de garantie mériterait d'être précisément évalué et sans doute moins concentré sur un petit nombre de collectivités. Je ne dispose pas cependant des éléments suffisants pour vous proposer de modifier la limite de 0,75 fois le potentiel fiscal moyen par habitant constaté au niveau national, limite au-delà de laquelle s'applique l'écrêtement.

Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, l'Assemblée nationale a adopté un amendement à l'article 23, relatif à l'évolution des compensations d'exonérations, qui vise à instituer en 2011 un prélèvement sur recettes de l'État d'un montant de 115 millions d'euros qui serait versé globalement à la DGF 2011. Le vote des articles de seconde partie à l'Assemblée pourrait donc modifier assez sensiblement les règles d'évolution fixées par cet article.

Dans ce contexte, se pose aussi la question de l'avenir du Comité des finances locales (CFL). Cette instance s'est en effet imposée ces dernières années comme un partenaire reconnu et efficace de l'État, du Parlement et des élus locaux. En proposant l'inscription directe dans la loi des divers montants des composantes de la DGF des collectivités territoriales, ce projet de loi de finances prive le CFL d'une grande part de ses compétences, ce qui est regrettable. Il convient donc, pour préserver ses prérogatives, de restaurer à son profit des marges de manoeuvre dans un contexte de gel durable des dotations, moins favorable que la période passée durant laquelle le CFL était amené à répartir la progression des concours de l'État.

Je vous propose de réserver la position de la commission sur cet article jusqu'à son examen par l'Assemblée nationale.

L'article 81 précise les règles d'évolution applicables en 2011 aux principales dotations de péréquation communale. Il prévoit une augmentation de la masse mise en répartition, au titre de la DSU-CS, de 77 millions d'euros, soit une progression de 6,23 %, et un accroissement de la DSR de 50 millions. Il propose également la prorogation en 2011 des modalités de répartition de la DSU en vigueur, c'est-à-dire la reconduction du mécanisme dit de « DSU cible » qui doit permettre, à titre transitoire, de concentrer pour une année supplémentaire l'essentiel de la progression de la dotation sur les communes les plus défavorisées. Enfin, il propose de maintenir à 50 millions le montant de la DDU pour 2011.

Cet article appelle deux observations : la réforme de la DSR qui a fait l'objet d'un groupe de travail au Comité des finances locales, pourrait être présentée sous la forme d'un amendement du Gouvernement au cours de l'examen du projet de loi de finances. En outre, comme pour l'article 80, cet article aboutit à restreindre fortement le rôle du CFL dans la mesure où les règles d'évolution des dotations de péréquation figurent dans la loi.

Il convient donc de redonner des marges de manoeuvre au CFL. Le projet de loi prévoit en effet que la croissance de la DSR doit aller à la fraction « péréquation ». Il serait préférable de s'en remettre au CFL qui a toujours fait preuve de sagesse dans la répartition de la croissance de la DSR entre fraction « péréquation » et fraction « bourgs-centres ». C'est l'objet de mon amendement n° 2. Je vous propose donc d'adopter cet article sous réserve de cette modification.

L'article 82 crée une nouvelle dotation à destination des communes rurales par la fusion de la DGE et de la DDR. Cette dotation unique, intitulée dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), s'élèverait pour 2011, à 615,7 millions, soit les montants cumulés 2010 de la DGE et de la DDR. La DETR subventionnera les dépenses d'équipement des communes et groupements de communes à fiscalité propre, situés essentiellement en milieu rural. Les critères retenus sont fondés sur la population et la richesse fiscale des communes et EPCI à fiscalité propre, déjà en vigueur dans l'un ou l'autre des deux dispositifs fusionnés.

En ce qui concerne les modalités de calcul des enveloppes départementales, les critères retenus sont, pour 70 % du montant total de la dotation, la population et le potentiel fiscal moyen par habitant des EPCI éligibles, et pour les 30 % restants, la densité de population du département et le potentiel financier moyen des communes éligibles. Les charges territoriales sont donc prises en compte dans cette répartition, ce dont je me félicite. Ces modalités de calcul favorisent l'intercommunalité en réservant la plus grande part de l'enveloppe aux critères relatifs aux EPCI.

Un système de garantie est prévu afin que l'enveloppe départementale soit au moins égale à 90 % et au plus égale à 110 % du montant de l'enveloppe versée au département l'année précédente au titre de la DGE et de la DDR.

Une commission d'élus, sur le modèle de la commission d'élus de la DGE des communes, est créée. Cette mesure de simplification renforcera l'efficacité des subventions versées par l'État et réduira les délais d'instruction et de décision. Mais la nouvelle commission ne disposera pas de compétences aussi étendues que la commission d'élus actuellement en charge de la DDR, celle-ci étant consultée sur chacune des opérations subventionnables. Le texte définissant les attributions de la nouvelle commission d'élus DETR s'inspire, en effet, du modèle de la commission DGE qui n'est saisie pour avis que de la définition des catégories d'opérations prioritaires et, dans des limites fixées par décret en Conseil d'État, des taux minima et maxima de subvention applicables à chacune d'elles. Ce choix aboutit à priver les élus de compétences qu'ils exercent actuellement. Je vous présente donc un amendement n° 3 visant à rétablir ces compétences en prévoyant que la liste des opérations à subventionner et les montants des subventions sont soumis pour avis à la commission d'élus. En outre, afin de ne pas retarder les procédures de répartition des subventions en 2011, du fait des élections des nouvelles commissions, un autre amendement n° 4 prévoit qu'exceptionnellement en 2011 la commission d'élus de la DETR sera composée des deux commissions d'élus DGE et DDR fusionnées.

Je vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

L'article 83 fixe à 10 millions d'euros le montant du fonds destiné aux communes perdant des ressources du fait de la restructuration des armées. Je vous suggère d'adopter cet article sans modification.

L'article 84 tire les conséquences, pour les règles de répartition de la dotation de péréquation urbaine, de la généralisation du RSA au 1er juin 2009 en supprimant la référence au RMI. Il convient d'adopter cet article de coordination sans modification.

L'article 85 relève les seuils d'éligibilité à la garantie de dotation d'intercommunalité des établissements publics de coopération intercommunale, attribuée au titre du coefficient d'intégration fiscale (CIF). Le seuil passerait de 0,5 à 0,6 pour les communautés de communes à fiscalité additionnelle et de 0,4 à 0,5 pour les communautés d'agglomération et les communautés de communes à fiscalité unifiée. Le Gouvernement souhaite ainsi limiter le poids des garanties s'appliquant aux dotations d'intercommunalité des EPCI, qui rigidifient sa répartition. Ainsi, en 2010, 914 EPCI ont bénéficié de garanties pour un montant total de 275 millions, soit plus de 10 % du montant total réparti.

Cette mesure devrait dégager, sur la totalité des catégories d'EPCI, une économie de 10,7 millions en 2011, nécessaire pour financer la dotation d'intercommunalité. Toutefois, on observe que seuls 30% des EPCI bénéficient en 2010 de cette garantie malgré une forte progression ces dernières années. En outre, des EPCI qui se sont mis en situation d'augmenter leur CIF en 2010 ne bénéficieront pas de cette garantie en 2011 du fait du relèvement des plafonds. Je vous propose donc de réserver la position de la commission sur cet article jusqu'à son examen par l'Assemblée nationale.

L'article 86 actualise les dispositions relatives aux modalités de calcul des potentiels fiscaux et financiers des différents niveaux de collectivités territoriales. Le potentiel fiscal et le potentiel financier permettent d'établir une comparaison des richesses fiscale et financière potentielles, et non réelles, des collectivités les unes par rapport aux autres. Ils sont pris en compte dans le calcul des dotations de péréquation : pour le niveau communal, DSU-CS, DSR, DNP, dotation d'intercommunalité, ainsi que le fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF) ; dotation de fonctionnement minimale et dotation de péréquation urbaine pour les départements ; dotation de péréquation régionale pour les régions.

La suppression de la taxe professionnelle et la mise en place pour 2010 d'un régime transitoire avec la compensation relais ont rendu largement obsolètes les dispositions relatives aux modalités de calcul des potentiels fiscaux et financiers des différents niveaux de collectivités territoriales.

Cet article propose un dispositif en deux temps. Afin de préserver l'objectivité du calcul du potentiel fiscal, une distinction est faite entre l'année 2011 et les années suivantes pour éviter l'effet de la compensation-relais. Le potentiel fiscal pour 2011 prendrait donc en considération les taux moyens nationaux des trois impôts sur les ménages de l'année 2010 et les bases et taux moyens nationaux de taxe professionnelle utilisés pour le calcul du potentiel fiscal 2010. Cette disposition permettrait de faire de 2011 une année de transition dans la répartition des dotations de l'État aux collectivités territoriales. A compter de 2012, serait mis en place un potentiel fiscal recalculé tirant les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle et des recompositions de fiscalité locale entre niveaux de collectivités.

Le II de cet article accorde un sursis d'une année au FSRIF, puisqu'il prévoit qu'en 2011 les bases et les taux de taxe professionnelle retenus sont ceux utilisés pour l'application du second prélèvement en 2010.

Je suis convaincu du bien-fondé de la position du Gouvernement pour 2011. Il est en effet judicieux d'écarter la compensation-relais dont la logique est très différente de celle retenue pour le calcul de la richesse potentielle. Pour ce qui concerne les définitions des potentiels fiscal et financier prévues à partir de 2012, je suis en revanche très réservé. Cet article a certes le mérite d'exister et constitue une base de réflexion. Il est également appréciable qu'il élargisse la définition actuelle du potentiel fiscal en l'ouvrant à l'ensemble des impositions économiques. Toutefois, il n'existe pas de simulations détaillées pour 2012 autres que celles réalisées par la mission confiée à l'Inspection générale de l'administration et l'Inspection générale des finances et que l'on trouve dans le rapport Durieux. En outre, le projet de loi de finances propose plusieurs ajustements de la fiscalité économique locale qui auront des effets importants sur le potentiel fiscal des collectivités territoriales.

Du fait de cette grande incertitude, il serait plus raisonnable de laisser du temps à la réflexion, à la concertation et aux simulations et de reporter à plus tard la définition du potentiel fiscal 2012. Je vous présente un amendement, n° 5, en ce sens.

Je vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

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