Intervention de Pierre Bernard-Reymond

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 4 novembre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Mission immigration asile et intégration et article 74 - examen du rapport spécial - contrôle budgétaire de l'efficacité de la politique de démantèlement des filières d'immigration clandestine - communication

Photo de Pierre Bernard-ReymondPierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial :

En 2011, la politique transversale de l'immigration et de l'intégration des étrangers représentera 4,25 milliards d'euros en crédits de paiement. La mission « Immigration, asile et intégration » n'en représente que 13,7 %, soit 562 millions d'euros, car seize programmes répartis entre treize missions et dix ministères y contribuent. Les principales contributrices sont les missions à caractère social : les dépenses liées à l'enseignement dispensé aux élèves étrangers représenteront plus de 2 milliards d'euros, soit 48 % des crédits de cette politique transversale.

Le caractère interministériel de la politique d'immigration a un impact budgétaire sur la mission. Lors d'un contrôle mené avec Jean-Claude Frécon sur la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), qui ne fait pas partie de la mission « Immigration, asile et intégration », nous avons par exemple constaté l'influence sur cette mission des délais de jugement des demandes d'asile puisqu'il faut financer l'hébergement et les aides aux demandeurs d'asile en attente d'une décision.

Les crédits demandés pour 2011 sont relativement stables : 564 millions en autorisations d'engagement (en baisse de 0,2 %) et 562 millions en crédits de paiement (en hausse de 0,7 %). Cette stabilisation fera place à une légère contraction sur la période 2011-2013, puisque, selon la loi de programmation des finances publiques, les autorisations d'engagement devraient baisser de 3,6 % et les crédits de paiement de 1,8 %. Il est difficile de recueillir des informations précises sur les actions qui subiraient ces baisses.

Le premier des deux programmes de la mission, « Immigration et asile », est aussi le plus important, avec 86 % des crédits de la mission. Les crédits destinés à l'accueil des demandeurs d'asile et à l'instruction de leurs demandes sont, comme chaque année, sous-évalués. Ils diminuent par rapport à ceux disponibles en 2010, alors même que les demandes d'asile ont augmenté de 8,5% par rapport aux premiers mois de l'année 2009 et que les délais de jugement de la CNDA ne peuvent être réduits rapidement. Un nouveau décret d'avance sera nécessaire, comme cela a été le cas en 2010 (à hauteur de 60 millions d'euros), en 2009 (pour 70 millions) et en 2008 (pour 36 millions). Je proposerai un amendement sur ce point.

Je relève que 9 millions d'euros sont prévus pour financer le centre de rétention administrative de Mayotte, un véritable serpent de mer, et que les effectifs de L'OFPRA seront renforcés, ce qui est très satisfaisant parce que moins coûteux qu'une augmentation du nombre de demandeurs d'asile en attente d'une décision.

Le second programme, « Intégration et accès à la nationalité française », regroupe seulement 73 millions d'euros de crédits. La baisse de 8 % de ses crédits correspond à de moindres subventions accordées par le ministère pour mener des actions d'intégration des populations étrangères. Le programme comporte également la subvention de 14,4 millions d'euros à l'Office national de l'immigration et de l'intégration (Ofii), qui est le principal opérateur de la mission et prend en charge l'accueil et l'intégration des primo-arrivants. La montée en puissance des actions qu'il mène nécessite le maintien de cette subvention à son niveau actuel, même si l'Office est majoritairement financé par des taxes affectées qui représentent 71 % de ses ressources, soit près de 100 millions d'euros.

L'article 74 modifie le tarif d'une grande partie des taxes sur la délivrance de documents administratifs aux étrangers. L'augmentation conséquente des ressources de l'OFII (10,5 millions en 2011) lui permettra d'assurer la montée en puissance des contrats d'accueil et d'intégration, des bilans de compétences professionnelles, ou encore de la préparation à l'intégration dès le pays d'origine. La principale ressource proviendra d'un droit de 220 euros pour la délivrance de visas de régularisation. Cet article opère encore des ajustements de certaines taxes : diminution des taxes acquittées par les employeurs de travailleurs étrangers, modulation des taxes sur les renouvellements des titres de séjour en fonction de la durée de celui-ci, diminution de la taxe sur les attestations d'accueil.

Venons-en aux travaux que j'ai menés sur l'efficacité de la politique de démantèlement des filières d'immigration clandestine.

On dispose de peu d'éléments chiffrés sur le nombre de filières d'immigration actives vers la France. Non seulement il est difficile de mesurer l'immigration clandestine, mais encore les migrants clandestins ne connaissent en général pas tous les maillons de la filière qu'ils ont utilisée. On sait que 145 filières ont été démantelées en 2009, contre 101 en 2008, et que le nombre des filières démantelées a encore doublé sur les premiers mois de 2010.

Sur les 145 filières démantelées en 2009, 84 visaient à faciliter l'entrée et le séjour des étrangers, 56 s'étaient spécialisées dans la fraude documentaire et 5 dans les mariages de complaisance. On peut aussi distinguer celles qui n'ont pas de but secondaire de celles qui associent à l'immigration une exploitation, le plus souvent sexuelle, des clandestins.

La politique française de lutte contre ces filières m'est apparue globalement efficace. Elle est menée par des offices spécialisés mettant en oeuvre des actions interministérielles puisque les ministères chargés de l'immigration, de l'intérieur, du travail, de la justice sont concernés, ainsi que celui en charge des affaires étrangères et européennes.

Les principales pistes d'amélioration tiennent à une meilleure coopération européenne. Le statut de Frontex, agence créée en 2004, ne lui permet pas de constituer des bases de données opérationnelles lors des interpellations. Il pourrait également se rapprocher d'Europol, agence communautarisée depuis cette année, car un croisement de leurs informations respectives optimiserait les actions menées par les polices des États membres.

L'on devrait rechercher plus activement une coopération avec les pays tiers, à commencer par les pays d'origine. La France dispose de moyens de pression pour éviter que le coût de ces phénomènes soit intégralement reporté sur les pays de transit ou de destination. Il appartient au ministère des Affaires étrangères de prendre davantage en compte les efforts que nos partenaires sont susceptibles de consentir.

Je propose d'adopter les crédits de la mission, modifiés par un amendement, ainsi que l'article 74.

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