Intervention de Bernard Saugey

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 17 novembre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Mission relations avec les collectivités territoriales - examen du rapport pour avis

Photo de Bernard SaugeyBernard Saugey, rapporteur :

L'année 2011 sera, d'un point de vue budgétaire et financier, une année cruciale pour les collectivités territoriales.

Tout d'abord, 2011 inaugurera un degré inédit de modération budgétaire pour les collectivités : entre 2011 et 2014, en application de la loi de programmation des finances publiques, les concours de l'État feront l'objet d'un « gel en valeur » à hauteur du montant ouvert en loi de finances initiale pour 2010, soit 50,45 milliards d'euros.

Ce « gel en valeur », qui peut paraître très strict, est justifié par trois éléments :

- d'une part, la norme « zéro valeur » s'appliquera non seulement aux concours versés aux collectivités territoriales, mais aussi à l'ensemble des dépenses de l'État : les acteurs du secteur local ne seront donc pas défavorisés par rapport aux autres acteurs publics ;

- la fixation d'une norme pluriannuelle d'évolution des concours de l'État aux collectivités territoriales interdira que ces concours soient utilisés comme une « variable d'ajustement » : c'est ce que le gouvernement a pu appeler une « garantie de non-baisse » ;

- enfin, le gel en valeur s'accompagne d'une redéfinition du périmètre de l'enveloppe normée : le FCTVA et le prélèvement « amendes forfaitaires » en seront désormais exclus, conformément aux demandes des associations d'élus locaux.

Je voudrais attirer l'attention de la commission sur un autre projet du gouvernement, qui vise également à favoriser la diminution des dépenses des acteurs locaux : il s'agit de la mise en place d'une modulation des dotations de l'État aux collectivités en fonction de « critères de bonne gestion ».

Je tiens à souligner que cette mesure, qui a été envisagée par le Président de la République en mai dernier, n'a pas été mise en oeuvre et n'en est encore qu'au stade de la réflexion. Toutefois, il me semble important, dès maintenant, que nous affirmions notre opposition à ce projet, qui pose au moins deux problèmes : d'une part, je ne vois pas comment il serait possible de définir des critères de « bonne gestion » qui soient valables pour toutes les collectivités indépendamment de leurs caractéristiques démographiques, géographiques et sociales ; d'autre part, je perçois mal en quoi l'État serait mieux placé que les collectivités pour déterminer ce qui relève de la « bonne gestion » de ce qui, à l'inverse, est source de gabegie.

Deuxièmement, l'année 2011 sera celle de l'entrée en vigueur de la réforme de la taxe professionnelle pour les collectivités.

Le projet de loi de finances pour 2011 est l'occasion, pour le gouvernement, de mettre en oeuvre la « clause de rendez-vous » que le Sénat avait insérée dans le projet de loi de finances pour 2010. Le PLF propose ainsi d'apporter plusieurs modifications à la contribution économique territoriale, en augmentant le tarif de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) pour les installations éoliennes et en introduisant un indicateur de surface pour la répartition de la valeur ajoutée des entreprises entre collectivités territoriales. En outre, le gouvernement a marqué son intention de lancer la révision des valeurs locatives : cette réforme très attendue sera formellement initiée par la loi de finances rectificative pour 2010.

L'entrée en vigueur de la contribution économique territoriale sera, par ailleurs, l'occasion d'un renforcement substantiel de la péréquation horizontale, avec deux réformes principales : la fusion des deux fonds de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) que nous avions créés lors de l'examen du PLF pour 2010, qui devrait renforcer l'efficacité du dispositif ; la mise en place d'une « ébauche » d'un système de péréquation horizontale pour les communes et leurs groupements.

Ma troisième observation portera sur l'état des finances locales, et plus particulièrement sur les finances des départements. Je rappelle que les départements sont soumis à un « effet de ciseaux » très fort : la crise a non seulement fait diminuer leurs recettes, mais aussi provoqué une croissance importante de leurs dépenses sociales, qui représentent désormais 62 % de leurs charges de fonctionnement.

Dans ce contexte difficile, une « mission d'appui » a été mise en place par le gouvernement pour aider les départements les plus en difficulté. Quatre départements ont, à ce jour, fait appel à elle.

Plus structurellement, avec la réforme de la prise en charge de la dépendance, le gouvernement devrait proposer au Parlement de modifier les modalités de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, ce qui soulagera peut-être un peu les départements. Je considère que cette initiative n'est pas suffisante pour répondre aux besoins des départements ; il serait certainement opportun que le Parlement revoie le financement de toutes les prestations sociales assumées par les départements, afin soit d'augmenter le taux de couverture des dépenses sociales par l'État, soit de revoir les modalités de fixation du montant du droit à compensation.

En dernier lieu, je voudrais dire quelques mots sur la participation des collectivités territoriales au processus normatif. Comme l'année dernière, je tiens à féliciter la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN), qui a rempli ses missions de manière exigeante et constructive, et qui a examiné pas moins de 108 textes en 2010.

Je me réjouis également que le gouvernement ait tenté de mieux prendre en compte l'impact des normes sur les collectivités territoriales, en lançant, en lien avec les associations d'élus locaux, un processus de révision des normes existantes, et en mettant en place un « moratoire » sur les normes nouvelles. S'il est trop tôt pour juger de l'efficacité de ces mesures, elles laissent toutefois à penser que les mentalités sont en train de changer au niveau central : je salue donc ces initiatives, qui me semblent encourageantes.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion