Intervention de Alain Anziani

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 17 novembre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Mission administration générale et territoriale de l'etat - examen du rapport pour avis

Photo de Alain AnzianiAlain Anziani, rapporteur pour avis :

Je ferai plusieurs observations.

Première observation : l a mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE) sera caractérisée, en 2011, par une certaine austérité budgétaire, puisque les crédits qui lui sont alloués diminueront de 3 % en autorisations d'engagement et de 4,5 % en crédits de paiement. En outre, près de 80 % des départs à la retraite ne seront pas remplacés.

Cette évolution, qui intervient avant que les marges de manoeuvre budgétaires qui devaient être dégagées grâce à la révision générale des politiques publiques (RGPP) n'aient été effectivement concrétisées, crée des tensions au sein du personnel.

Toutefois, les efforts budgétaires supportés par cette mission devraient être moindres en 2012 et 2013.

Deuxième observation : après la mise en place, au début de l'année 2010, des directions « fusionnées » dans les préfectures de département et dans les préfectures de région, l'année 2011 devrait être celle de la finalisation de la restructuration des préfectures. C'est plutôt une bonne chose puisque cela facilite le pilotage direct des politiques publiques interministérielles par le préfet. Il faut toutefois signaler l'absence de culture commune au sein du personnel des directions « fusionnées ».

Troisième observation : le rôle du préfet de région demeure flou : il ne dispose pas d'un pouvoir hiérarchique sur les préfets de département et ne constitue pas non plus -heureusement- une instance de recours des décisions de ces derniers.

Quatrième observation : en ce qui concerne le devenir des sous-préfectures, je maintiens les craintes que j'avais exprimées l'année dernière, en particulier sur le remplacement des sous-préfets par des conseillers d'administration. On comprend mal la finalité de cette évolution : certes, elle offre des débouchés de carrière pour certains fonctionnaires dévoués et compétents, mais on a l'impression qu'elle est surtout guidée par le souci de réaliser des économies ; or, ce sont des économies de « bouts de chandelle » : absence de logement de fonction (mais qui demeure chauffé et entretenu car utilisé régulièrement pour des réunions), de voiture de fonction, d'uniforme... Par ailleurs, que fait-on des « Maisons de l'État », censées remplacer certaines sous-préfectures ? Cette réforme n'a été mise en oeuvre que dans l'arrondissement de Boulogne-Billancourt et implique la suppression de cet arrondissement. Il semble que la doctrine de l'Etat ne soit pas arrêtée en la matière.

Cinquième observation : le rapport de la mission commune d'information du Sénat sur les conséquences de la tempête Xynthia a mis en avant la défaillance des services de l'Etat sur toute la chaine. Il est notamment nécessaire de rénover la procédure d'alerte en cas de catastrophe naturelle (la sirène constitue un très bon système quand toutes les communications téléphoniques sont coupées) mais également de renforcer l'intensité du contrôle de légalité en matière d'urbanisme ; sur ce point, la mission d'information a relevé que le contrôle de légalité des actes d'urbanisme souffrait de nombreuses lacunes : ainsi, entre 2001 et 2009, seuls 49 déférés préfectoraux ont été formés par les préfectures de Charente-Maritime et de Vendée. A l'échelle nationale, le taux de contrôle des actes d'urbanisme est singulièrement bas. Ainsi, selon les statistiques fournies par le ministère de l'intérieur, le taux de contrôle des actes d'urbanisme en 2009 n'est que de 43 % : ce taux est nettement inférieur à celui constaté pour les autres types d'actes désignés comme prioritaires, à savoir les actes relatifs à la commande publique (69 %), à la police administrative (60 %) et à la fonction publique territoriale (46 %).

Sixième observation : je me suis intéressé à la mise en place du passeport biométrique, créé en 2009. Il permet de lutter plus efficacement contre la fraude documentaire et l'usurpation d'identité. En effet, il comporte une puce sans contact qui contient diverses données à caractère personnel et deux données biométriques : l'image numérisée du visage du titulaire du passeport et celle des empreintes digitales de deux de ses doigts.

Je signale toutefois que le très haut niveau de sécurisation des titres conduit à déplacer la fraude sur les documents d'état civil, c'est-à-dire sur la phase amont de la procédure.

La mise en place du passeport avait également pour objectif d'accélérer le traitement des dossiers : à cet égard, le délai moyen de délivrance d'un passeport est aujourd'hui nettement plus court qu'auparavant : il est de sept jours, contre deux à huit semaines pour l'ancien passeport électronique. Il existe cependant de fortes disparités selon les départements.

Je voudrais également signaler que les passeports biométriques coûtent plus cher aux usagers. C'est pourquoi je me réjouis que Mme Michèle André, rapporteur spéciale, au nom de la commission des finances du Sénat, des crédits de la mission AGTE, ait annoncé son intention de déposer un amendement pour réduire à 79 euros, contre 89 euros à l'heure actuelle, le montant du timbre fiscal acquitté par le demandeur d'un passeport biométrique. En effet, l'enquête demandée par la commission des finances à la Cour des comptes sur le coût du passeport biométrique a démontré que le coût moyen du passeport était de 55 euros, et que son coût moyen pondéré en fonction de l'âge du demandeur s'établissait à 69 euros. Or, le droit de timbre a été considérablement augmenté à l'occasion de l'adoption du passeport biométrique, passant de 60 à 89 euros pour un adulte. Ce montant semble donc dégager pour l'Etat une plus-value injustifiée.

La carte nationale d'identité électronique (CNIe) constituera le prochain titre sécurisé : sa mise en place nécessite un support législatif, dont la base de discussion pourrait être la proposition de loi relative à la protection de l'identité présentée par notre collègue M. Jean-René Lecerf, qui a été déposé le 27 juillet 2010.

Ce texte poursuit un double objectif :

- lutter contre la fraude documentaire et l'usurpation d'identité en créant une base centralisée commune au passeport et à la CNIe, contenant les données fournies par les demandeurs de titres ;

- ouvrir la possibilité au titulaire d'une CNIe de bénéficier de fonctionnalités lui permettant de s'identifier à distance sur les réseaux de communications électroniques et de mettre en oeuvre sa signature électronique afin de procéder, de manière sécurisée, à des démarches administratives ou à des opérations commerciales.

Précisément, j'ai quelques craintes concernant la base centralisée dont je viens de parler : cette base, dénommée TES (titres électroniques sécurisés), constitue la première base centralisée de données biométriques à finalité administrative concernant les citoyens français ; elle a vocation à regrouper la quasi-totalité des données biométriques de la population française. On rappellera que la CNIL s'était opposée à la création de cette base, la jugeant disproportionnée au regard des finalités poursuivies. J'espère qu'elle ne se transformera jamais en un fichier d'identification judiciaire que les officiers du ministère public pourront librement consulter !

Sur l'indemnisation des quelque 2 000 communes qui délivrent les titres sécurisés, je signale que la mise en place de la CNIe permettra notamment de réexaminer cette question, étant précisé qu'un rapport de l'Inspection générale de l'administration, rendu public en février 2010, a conclu que seules 69 communes pourraient, en 2010, avoir une charge supérieure à l'indemnisation, compte tenu des formalités accomplies par les non-résidents.

Septième observation : je souhaiterais qu'en matière de lutte contre les dérives sectaires le ministère de l'intérieur agisse de manière encore plus efficace et toujours en étroite coordination avec la MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires). Je rappelle que, selon un récent sondage, un quart des Français dit avoir « été personnellement contacté par une secte ou les membres d'une secte » et qu'un Français sur cinq connaît personnellement dans son « entourage familial, amical ou professionnel une ou plusieurs personnes qui ont été victimes de dérives sectaires ». La MIVILUDES relève la mutation du phénomène sectaire, davantage organisé autour de micro-organisations (600 à 700) placés sous le magistère de « gourous », en particulier « de gourous thérapeutiques ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion