Intervention de Éliane Assassi

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 17 novembre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Mission gestion des finances publiques et des ressources humaines - programme modernisation de l'etat - examen du rapport pour avis

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi, rapporteur pour avis :

Monsieur le président, chers collègues. La modernisation de l'administration n'a de sens que si elle prend pour objectif la réorganisation du service et des procédures en fonction des attentes du citoyen. C'est sur cette idée de bon sens, à laquelle on ne peut que souscrire, que repose la démarche que suit la direction générale de la modernisation de l'Etat (DGME) pour améliorer la qualité du service rendu aux administrés.

Selon l'analyse qu'elle développe, la relation entre l'administration et l'usager se décompose en trois phases : l'accueil et l'accès au service, le traitement de la demande et la réclamation éventuelle de l'administré s'il n'a pas été satisfait du service rendu.

Les premiers chantiers de modernisation engagés par la DGME ont porté sur la première phase, avec notamment la mise en place du référentiel « Marianne » pour l'accueil du public et le développement de l'administration électronique. Ces chantiers ont continué à progresser l'an passé. Mais on ne peut cependant que constater que le calendrier initialement fixé n'a pu être tenu. Il me semble utile d'appeler le Gouvernement et la DGME à plus de prudence dans la définition du calendrier retenu, car si le changement est nécessaire, il est tout aussi nécessaire de donner au changement le temps de s'accomplir, surtout lorsqu'il sollicite, aussi intensément qu'il le fait aujourd'hui, les personnels eux-mêmes.

Cette année, je me suis plus particulièrement penchée sur deux nouveaux axes de réformes, qui correspondent aux deux autres phases de la relation entre l'administration et les usagers. Il s'agit d'une part de l'accélération des procédures administratives et d'autre part, de l'amélioration du traitement par les administrations des réclamations qui leur sont adressées.

L'un des principaux motifs d'insatisfaction de nos concitoyens à l'égard de l'administration tient à l'attente ou aux délais de traitement des procédures administratives. Une enquête BVA commandée par la DGME montre ainsi que près de 91 % des usagers considèrent que les démarches administratives sont trop lourdes. Pour y répondre, la DGME a entrepris une action dite des « accélérateurs de procédure », dont les premiers résultats obtenus sont encourageants :

- ainsi les délais de traitement des demandes de naturalisation ont été réduits de douze à cinq mois et le stock des dossiers en attente a été réduit de 40 % grâce à une meilleure organisation des services et à la suppression de la double instruction des demandes par les préfectures et le ministère de l'Immigration ;

- de la même manière l'attente des usagers aux urgences du CHU de Nancy a été réduite de 28 %, grâce à des mesures simples, comme la présence à l'accueil d'un responsable chargé, dès leur arrivée, de répartir les patients en fonction de l'urgence de leur prise en charge médicale.

Il me semble que plusieurs éléments doivent être réunis pour que la démarche des « accélérateurs de procédure » soit couronnée de succès :

- l'optimisation de l'organisation de la procédure ne peut être le seul levier utilisé pour réduire les délais. Parfois de véritables réformes législatives ou réglementaires sont nécessaires, comme pour la suppression de la double instruction des demandes de naturalisation. L'accélération des procédures ne peut reposer uniquement sur les personnels, mais doit aussi engager toute la chaîne hiérarchique, jusqu'au plus haut niveau.

- le raccourcissement des délais ne peut jamais être qu'un objectif secondaire par rapport à la qualité et à la fiabilité du service rendu ;

- enfin la question se pose de l'utilisation qui sera faite des marges de manoeuvre dégagées et du bénéfice qu'en tireront les usagers : si l'accélération de la procédure se traduit par des suppressions de postes, les usagers perdront le bénéfice des gains réalisés. Si elle aboutit à une intensification exagérée du travail des personnels, ces derniers risquent de ne pas adhérer à la démarche.

S'agissant, du traitement par les administrations des réclamations qui leur sont adressées, il s'avère qu'il est actuellement très insuffisant : seul un service sur trois propose une prise en charge dédiée et explicite des réclamations et lorsque ce dispositif existe, il reste difficile d'accès une fois sur deux.

Or, une réclamation à laquelle il n'est pas répondu crée de la colère ou redouble le sentiment de l'administré de ne pas être entendu par l'administration, puisqu'à la première expérience négative qui a justifié sa réclamation s'ajoute l'absence d'impact de cette dernière.

La DGME a donc mis en place une action spécifique pour accompagner les administrations dans la meilleure gestion des réclamations, qui reprend la méthode utilisée pour le déploiement du référentiel Marianne : le dispositif est structuré en quatre paliers (bronze, argent, or, platine), qui correspondent à des niveaux de qualité différents. L'objectif est que toutes les administrations soient au niveau du palier argent fin 2011.

A nouveau, il semble que l'objectif retenu tienne insuffisamment compte de la nécessité de donner du temps au changement.

La réclamation peut apparaître aux personnels comme une critique de leur action. Tout l'enjeu de l'action engagée est justement de lever ces réticences en convaincant les agents et l'encadrement que l'amélioration du traitement des réclamations doit permettre de former une boucle vertueuse, chaque réclamation étant l'occasion d'ouvrir un dialogue avec les usagers et de remédier à un dysfonctionnement ou de mieux expliquer la procédure qui a été suivie. Cela demande du temps.

Plusieurs éléments peuvent contribuer au succès de cette initiative :

- tout d'abord, il faut que les objectifs de performance fixés aux gestionnaires des services et l'évaluation de la qualité du service rendu tiennent compte de la qualité du traitement des réclamations ;

- ensuite, l'amélioration du traitement des réclamations et la réponse qui y est apportée doit reposer sur les agents eux-mêmes, afin qu'ils définissent une procédure qui soit compatible avec le fonctionnement de leur service et, lorsqu'un dysfonctionnement a été constaté, qu'ils puissent proposer une solution pour y remédier, qui sera ainsi fort pertinemment adaptée aux réalités du terrain. C'est d'ailleurs là l'approche retenue par la DGME.

En conclusion, je dirai que la modernisation de l'Etat a tout à gagner à placer au centre de ses préoccupations le citoyen. Les deux actions engagées sont donc pertinentes, à la condition cependant qu'elles reposent sur un calendrier réaliste et s'appuient sur les agents eux-mêmes. A titre personnel, j'exprime cependant mes réserves sur la politique générale mise en place par le Gouvernement que traduit ce budget.

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