Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Commission des affaires sociales — Réunion du 18 janvier 2011 : 1ère réunion
Fin de vie — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy, rapporteur :

Quoi qu'il en soit, c'est à mon initiative que nous avons discuté en séance publique, en avril 2008, une question orale avec débat sur l'aide aux malades en fin de vie.

Au sein de notre commission, un groupe de travail, présidé par Nicolas About, a ensuite été constitué sur la question de la fin de vie en France. Les auditions auxquelles nous avons procédé ont permis de prendre en compte l'ensemble des points de vue sur cette question complexe qui relève, à l'évidence, de l'intime mais aussi, indissociablement, des libertés publiques. Je ne crois pas nécessaire d'exposer à nouveau ici les arguments de ceux qui considèrent la mort comme un processus naturel que le respect dû à la vie et le souci d'apaiser les souffrances des malades permettent simplement d'accélérer, ni les arguments opposés de ceux qui pensent qu'il faut faire droit à la requête d'une personne qui, se sentant au bout de son chemin, demande que sa mort soit provoquée dans les conditions qu'elle souhaite.

Nous avons chacun nos convictions, et notre réunion de cet après-midi nous amène cette fois à examiner trois dispositifs d'inspiration proche, mais d'écriture différente, qui ont notamment en commun de soutenir le principe du respect de la volonté des individus et de prôner la poursuite du développement des soins palliatifs.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'éthique médicale ne se fonde plus sur les limites que les médecins s'imposent à eux-mêmes mais sur le consentement des patients. Les droits des malades, consacrés par la loi du 4 mars 2002 et renforcés, pour ce qui concerne la fin de vie, par la loi Leonetti du 22 avril 2005, reposent sur le triptyque suivant : respect de la dignité des personnes, transparence de l'information sur leur état de santé et sur les effets des traitements mis en oeuvre, droit pour le malade de refuser un traitement.

N'est-il pas paradoxal, comme le soutiennent les auteurs des propositions de loi, que la volonté des personnes soit désormais entendue et respectée pour toutes les questions concernant leur santé, à la seule exception du terme de leur vie ? Certains pays comme les Pays-Bas et le Belgique sont déjà allés plus loin et ont reconnu la possibilité pour les personnes en phase avancée ou terminale d'une maladie grave et incurable de choisir le moment de leur mort et de bénéficier d'une assistance médicale pour qu'elle soit rapide et sans douleur. Le Luxembourg est en train d'adopter une législation comparable. C'est l'exemple que proposent de suivre ces propositions de loi. La définition d'un cadre légal pour l'aide médicalisée à mourir permet de respecter doublement la volonté des personnes. Non seulement elle donnera à chacun le droit de décider comment il souhaite achever ses jours mais encore, et peut-être surtout, elle évitera certaines pratiques d'euthanasie de fait, dont on sait qu'elles existent.

Si les propositions de loi garantissent le respect de la volonté de chacun, encore faut-il que cette dernière puisse s'exprimer indépendamment de toute contrainte. Comme l'ont souligné avec raison le président About et Raymonde Le Texier, il est facile de pousser une personne dépendante à demander la mort, notamment lorsque ses conditions d'accueil sont indignes. Ce sont les plus faibles, ceux qui n'ont pas les connaissances ou les moyens financiers nécessaires, qui risquent de subir des contraintes physiques ou morales qui les conduiraient à demander la mort, parce que la société ne leur aura pas donné les moyens de continuer à vivre. De pareils cas ne sont pas tolérables. L'argument vaut aussi pour l'accès aux soins palliatifs et c'est pourquoi les propositions de loi rappellent qu'elles se veulent en être le complément.

Seuls ceux qui auront été pris en charge en soins palliatifs ou qui auront, en toute connaissance de cause, refusé d'en bénéficier pourront véritablement décider s'ils souhaitent une assistance médicalisée pour mourir. Il n'y a aucune opposition entre assistance médicalisée pour mourir et soins palliatifs. J'ai l'intime conviction que ces mesures sont complémentaires. Le texte des propositions de loi n'entrave en rien la loi Leonetti et prévoit même la mise en oeuvre de l'accès à ces soins. Les amendements que je vous proposerai renforceront encore cette complémentarité.

Les auteurs des propositions de loi sont pleinement conscients que la demande d'avancer le moment de sa mort n'est pas une décision anodine et qu'elle doit être non seulement libre et éclairée mais aussi réfléchie et réitérée. A tout moment la volonté de vivre doit primer sur celle de mourir, et les propositions de loi proposent des garanties en ce sens.

Les structures de ces trois textes sont similaires : elles abordent d'abord la question des personnes susceptibles de demander une aide médicalisée pour mourir, organisent ensuite la procédure de mise en oeuvre de cette aide pour les personnes conscientes, puis prévoient les mesures applicables pour les personnes devenues incapables d'exprimer leur volonté ; enfin, elles présentent celles relatives au contrôle des décès par assistance médicalisée.

Pour autant, les trois propositions de loi ne sont pas identiques. J'ai donc tenté une synthèse des trois textes en privilégiant toujours les dispositions les plus protectrices pour les personnes et celles qui garantissent leur droit de changer d'avis. Je vous propose que nous en discutions au travers de mes amendements qui, s'ils sont acceptés, aboutiront à un texte entièrement nouveau, qui sera celui de notre commission.

Je souhaite conclure cet exposé liminaire en réaffirmant que la position que je vous suggère d'adopter n'a rien de partisan ou d'idéologique. Naturellement, elle reflète mes convictions propres ainsi que celles des auteurs des autres propositions de loi. Mais avant tout, mon objectif, en tant que rapporteur, a été de vous présenter le texte techniquement le plus apte à garantir le droit des personnes, y compris celui de mourir comme elles le souhaitent.

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