Commission des affaires sociales

Réunion du 18 janvier 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission procède à l'examen du rapport de M. Jean-Pierre Godefroy sur les propositions de loi n° 659 (2009-2010) de M. Jean-Pierre Godefroy et plusieurs de ses collègues, relative à l'aide active à mourir, n° 31 (2010-2011) de M. Guy Fischer et plusieurs de ses collègues, relative à l'euthanasie volontaire, et n° 65 (2008 2009) de M. Alain Fouché, relative à l'aide active à mourir dans le respect des consciences et des volontés.

EXAMEN DU RAPPORT

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Je veux tout d'abord rappeler le cadre dans lequel s'inscrit l'examen de ces trois propositions de loi. A l'automne dernier, le groupe socialiste avait demandé l'inscription de la proposition de loi de Jean-Pierre Godefroy à l'ordre du jour de la niche qui lui était réservée en novembre. Notre programme de travail était particulièrement chargé à cette époque et nous risquions de bâcler le débat alors que le sujet méritait que l'on en discute de manière approfondie et sereine. J'ai donc demandé au président Bel, qui en a été d'accord, de reporter l'examen de ce texte de quelques semaines et d'y adjoindre les propositions de loi de Guy Fischer et d'Alain Fouché. Si je n'avais pas fait cette proposition, nous aurions sans doute été amenés à discuter trois fois du même sujet.

Nous nous trouvons donc dans un processus qui nous est désormais familier : soit nous nous mettons d'accord en commission sur un texte qui viendra en séance le 25 janvier, soit nous n'aboutissons pas à l'établissement d'un texte et c'est la proposition de loi initiale de Jean-Pierre Godefroy qui sera mise en discussion. Comme il s'y était engagé, notre rapporteur s'est efforcé d'élaborer un texte qui intègre les deux autres propositions de loi pour aboutir à un texte unique.

La commission a déjà beaucoup travaillé sur le sujet de la fin de vie et je rappelle qu'un groupe de travail animé par Nicolas About s'est réuni sur ce thème pendant près de deux ans ; c'est pourquoi je pense qu'il n'est pas utile de rouvrir, dans le détail, le débat général. Certains continuent à se poser beaucoup de questions tandis que d'autres sont sûrs de leurs choix et il y a peu de chance pour qu'ils soient convaincus par les arguments des uns ou des autres.

Nous allons donc examiner avec précision les dispositifs techniques prévus par les trois propositions de loi et nous verrons s'ils apportent des réponses convenables à l'objectif qu'elles poursuivent. Après l'exposé liminaire du rapporteur, nous discuterons de chacun des amendements qu'il nous proposera.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Tout d'abord, je tiens à vous remercier, madame la présidente, pour la façon dont vous avez engagé ce débat sur la fin de vie. J'espère que nous parviendrons à élaborer un texte commun qui serve de base à la discussion en séance publique. J'ai des convictions mais aussi des doutes, et je crois que personne ne peut avoir de certitudes en la matière. J'ai essayé d'opérer une synthèse des trois textes et je suis prêt à prendre en compte toutes les suggestions qui me seront faites.

Voici plus de trente ans que la question sensible de l'aide à mourir tient une place centrale dans les débats sur la fin de vie, qu'ils aient lieu dans l'opinion publique ou dans nos enceintes parlementaires. Les sondages d'opinion font état d'une majorité écrasante de partisans, quelles que soient leurs opinions politiques ou leurs croyances. Et si nous devons rester prudents en la matière, je persiste à croire qu'il est de notre devoir de parlementaires d'entendre ces demandes et d'ouvrir la discussion.

Plusieurs d'entre nous en ont pris l'initiative : notre collègue de l'UMP Alain Fouché a ainsi déposé, fin 2008, une proposition de loi relative à l'aide active à mourir dans le respect des consciences et des volontés ; l'année suivante, j'ai moi-même proposé, avec plusieurs de mes collègues membres du groupe socialiste, d'inscrire dans notre droit l'aide active à mourir ; le 13 octobre dernier, ce sont nos collègues Guy Fischer, François Autain et plusieurs membres du groupe CRC-SPG qui ont déposé une proposition de loi relative à l'euthanasie volontaire. L'étude simultanée de ces trois textes, que nous devons à l'initiative de notre présidente, montre combien ce sujet très difficile dépasse nos clivages politiques.

Ces propositions de loi constituent le prolongement d'un débat de fond engagé en 2005 avec l'adoption de la loi Leonetti sur les droits des malades en fin de vie. Une remarque sur ce point : on dit toujours, la presse notamment, que cette proposition de loi avait été adoptée à l'unanimité. Ce fut vrai à l'Assemblée nationale mais pas au Sénat où trois groupes politiques ont quitté la séance, pour diverses raisons, au moment du vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

La loi a donc bien été votée à l'unanimité des présents.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Quoi qu'il en soit, c'est à mon initiative que nous avons discuté en séance publique, en avril 2008, une question orale avec débat sur l'aide aux malades en fin de vie.

Au sein de notre commission, un groupe de travail, présidé par Nicolas About, a ensuite été constitué sur la question de la fin de vie en France. Les auditions auxquelles nous avons procédé ont permis de prendre en compte l'ensemble des points de vue sur cette question complexe qui relève, à l'évidence, de l'intime mais aussi, indissociablement, des libertés publiques. Je ne crois pas nécessaire d'exposer à nouveau ici les arguments de ceux qui considèrent la mort comme un processus naturel que le respect dû à la vie et le souci d'apaiser les souffrances des malades permettent simplement d'accélérer, ni les arguments opposés de ceux qui pensent qu'il faut faire droit à la requête d'une personne qui, se sentant au bout de son chemin, demande que sa mort soit provoquée dans les conditions qu'elle souhaite.

Nous avons chacun nos convictions, et notre réunion de cet après-midi nous amène cette fois à examiner trois dispositifs d'inspiration proche, mais d'écriture différente, qui ont notamment en commun de soutenir le principe du respect de la volonté des individus et de prôner la poursuite du développement des soins palliatifs.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'éthique médicale ne se fonde plus sur les limites que les médecins s'imposent à eux-mêmes mais sur le consentement des patients. Les droits des malades, consacrés par la loi du 4 mars 2002 et renforcés, pour ce qui concerne la fin de vie, par la loi Leonetti du 22 avril 2005, reposent sur le triptyque suivant : respect de la dignité des personnes, transparence de l'information sur leur état de santé et sur les effets des traitements mis en oeuvre, droit pour le malade de refuser un traitement.

N'est-il pas paradoxal, comme le soutiennent les auteurs des propositions de loi, que la volonté des personnes soit désormais entendue et respectée pour toutes les questions concernant leur santé, à la seule exception du terme de leur vie ? Certains pays comme les Pays-Bas et le Belgique sont déjà allés plus loin et ont reconnu la possibilité pour les personnes en phase avancée ou terminale d'une maladie grave et incurable de choisir le moment de leur mort et de bénéficier d'une assistance médicale pour qu'elle soit rapide et sans douleur. Le Luxembourg est en train d'adopter une législation comparable. C'est l'exemple que proposent de suivre ces propositions de loi. La définition d'un cadre légal pour l'aide médicalisée à mourir permet de respecter doublement la volonté des personnes. Non seulement elle donnera à chacun le droit de décider comment il souhaite achever ses jours mais encore, et peut-être surtout, elle évitera certaines pratiques d'euthanasie de fait, dont on sait qu'elles existent.

Si les propositions de loi garantissent le respect de la volonté de chacun, encore faut-il que cette dernière puisse s'exprimer indépendamment de toute contrainte. Comme l'ont souligné avec raison le président About et Raymonde Le Texier, il est facile de pousser une personne dépendante à demander la mort, notamment lorsque ses conditions d'accueil sont indignes. Ce sont les plus faibles, ceux qui n'ont pas les connaissances ou les moyens financiers nécessaires, qui risquent de subir des contraintes physiques ou morales qui les conduiraient à demander la mort, parce que la société ne leur aura pas donné les moyens de continuer à vivre. De pareils cas ne sont pas tolérables. L'argument vaut aussi pour l'accès aux soins palliatifs et c'est pourquoi les propositions de loi rappellent qu'elles se veulent en être le complément.

Seuls ceux qui auront été pris en charge en soins palliatifs ou qui auront, en toute connaissance de cause, refusé d'en bénéficier pourront véritablement décider s'ils souhaitent une assistance médicalisée pour mourir. Il n'y a aucune opposition entre assistance médicalisée pour mourir et soins palliatifs. J'ai l'intime conviction que ces mesures sont complémentaires. Le texte des propositions de loi n'entrave en rien la loi Leonetti et prévoit même la mise en oeuvre de l'accès à ces soins. Les amendements que je vous proposerai renforceront encore cette complémentarité.

Les auteurs des propositions de loi sont pleinement conscients que la demande d'avancer le moment de sa mort n'est pas une décision anodine et qu'elle doit être non seulement libre et éclairée mais aussi réfléchie et réitérée. A tout moment la volonté de vivre doit primer sur celle de mourir, et les propositions de loi proposent des garanties en ce sens.

Les structures de ces trois textes sont similaires : elles abordent d'abord la question des personnes susceptibles de demander une aide médicalisée pour mourir, organisent ensuite la procédure de mise en oeuvre de cette aide pour les personnes conscientes, puis prévoient les mesures applicables pour les personnes devenues incapables d'exprimer leur volonté ; enfin, elles présentent celles relatives au contrôle des décès par assistance médicalisée.

Pour autant, les trois propositions de loi ne sont pas identiques. J'ai donc tenté une synthèse des trois textes en privilégiant toujours les dispositions les plus protectrices pour les personnes et celles qui garantissent leur droit de changer d'avis. Je vous propose que nous en discutions au travers de mes amendements qui, s'ils sont acceptés, aboutiront à un texte entièrement nouveau, qui sera celui de notre commission.

Je souhaite conclure cet exposé liminaire en réaffirmant que la position que je vous suggère d'adopter n'a rien de partisan ou d'idéologique. Naturellement, elle reflète mes convictions propres ainsi que celles des auteurs des autres propositions de loi. Mais avant tout, mon objectif, en tant que rapporteur, a été de vous présenter le texte techniquement le plus apte à garantir le droit des personnes, y compris celui de mourir comme elles le souhaitent.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Le rapporteur a très fidèlement traduit les objectifs que nous nous étions fixés avec cette nouvelle proposition de loi que nous avons déposée en octobre. Sur les vingt-quatre sénateurs de notre groupe CRC-SPG, cinq n'ont pas souhaité signer ce texte, car ils ont une vision différente et préfèrent s'en remettre au terme naturel de la vie. Les uns et les autres, nous avons des interrogations légitimes et, sur un tel sujet, nous avons laissé à chacun une totale liberté de conscience. En ce qui me concerne, je milite avec d'autres, depuis des années, pour faire évoluer la loi, à l'instar de ce qui se fait déjà dans divers pays européens et c'est pourquoi j'ai cosigné cette proposition de loi.

Un texte sur la fin de vie doit se situer dans le prolongement des lois de 2002 et 2005 et fixer cinq objectifs : le droit au refus de tout traitement, le droit au soulagement de la douleur, le droit au respect des décisions anticipées, le droit de se faire représenter par une personne de confiance, le droit à l'information, ce qui veut dire la possibilité de consultation du dossier médical. Des dizaines de milliers de Français réclament la reconnaissance de ces cinq droits et estiment que le Parlement peut et doit faire évoluer la législation.

Je me félicite que notre rapporteur nous présente un texte qui fasse la synthèse des trois textes en présence.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Il s'agit, nous l'avons dit, d'un grand sujet de société sur lequel on a beaucoup réfléchi. Le texte que j'ai déposé ne fait que reprendre des législations qui existent déjà dans divers pays européens. L'intervention de notre rapporteur me convient puisque son texte opère la synthèse des différentes propositions de loi et va dans le sens de ce que je souhaite.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Payet

M. Godefroy a évoqué un sondage d'opinions qui prouverait qu'une majorité écrasante de Français, toute croyance religieuse et toute tendance politique confondues, souhaiteraient une législation sur l'aide à mourir dans la dignité : en octobre 2010, 94 % des personnes interrogées se prononçaient ainsi en faveur de l'euthanasie. Mais un autre sondage, réalisé le 11 janvier, montre que 60 % des Français préfèrent les soins palliatifs à l'euthanasie. Les résultats de ces enquêtes d'opinion dépendent donc des questions posées. Si l'on demande aux personnes interrogées si elles sont favorables à l'euthanasie en cas de douleur insupportable, il est normal qu'elles répondent par l'affirmative. Si on leur demande de choisir entre l'euthanasie et le développement des soins palliatifs, elles penchent en majorité pour la seconde solution et même les trois quarts des personnes âgées se prononcent en faveur des soins palliatifs. De plus, ces sondages démontrent que les Français sont mal informés sur le sujet : ainsi, 68 % d'entre eux ignorent qu'une loi interdit déjà l'acharnement thérapeutique. Le ministère de la santé a prévu une campagne d'information, mais elle n'a pas encore eu lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Je salue le travail effectué par notre rapporteur, qui est parvenu à une synthèse de trois textes sur un sujet qui touche à l'intime et qui nous concerne tous, puisque nous serons tous confrontés, un jour ou l'autre, à la mort. L'intérêt de ce texte est d'autoriser à choisir sa mort dans des conditions encore acceptables lorsque l'on est gravement malade et que plus rien ne peut venir soulager les souffrances physiques ou morales que l'on subit. Ce texte, qui ouvre de nouveaux droits, vient en complément de ceux qui traitent déjà des soins palliatifs. Comme le dit le président Fischer, chacun doit avoir le droit de choisir librement sa mort. Avec cette loi, nous disposerons d'un outil juridique qui permettra d'agir en toute transparence. J'estime que cette proposition de loi est du même niveau que les lois sur l'interruption volontaire de grossesse, sur le Pacs ou même sur l'abolition de la peine de mort dont nous allons célébrer le trentième anniversaire. Il s'agit de textes fondateurs de notre société et je suis satisfait de la synthèse à laquelle est parvenu Jean-Pierre Godefroy.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

Je ne vais pas reprendre le débat de fond : ma position est connue de tous. Malgré toute la considération que je porte à notre rapporteur, je ne le suivrai pas, d'autant que l'article 5 ne garantit pas le respect de la liberté de conscience. En morale, il n'y a pas de différence entre le fait de commettre un acte et le fait de permettre de le commettre.

Je voudrais faire le point sur la procédure : Jean-Pierre Godefroy, après avoir présenté son rapport, défendra-t-il ensuite ses amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Gilles

Je tiens à féliciter notre rapporteur pour le travail qu'il nous présente. Quelques remarques, pourtant : nous risquons de légiférer sur des cas d'exception et ce faisant, nous risquons de nuire à la relation de confiance entre les patients et leurs médecins.

Nous devons en outre nous interroger sur le récent sondage réalisé par Opinion Way : n'est-il pas surprenant que près de sept Français sur dix ignorent qu'il existe une loi interdisant l'acharnement thérapeutique et qu'un sur deux s'estime plutôt mal informé sur la question des soins palliatifs ? D'ailleurs, le Médiateur de la République s'est ému de cette situation. Il serait donc nécessaire de mieux communiquer sur la loi de 2005, que j'ai d'ailleurs votée en tant que député.

A titre personnel, je suis défavorable à ces trois propositions de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Je salue le travail accompli par notre rapporteur, mais je crois qu'en la matière, il faut être très prudent. Chaque cas est un cas particulier et rien n'est comparable. Je rejoins donc la position de M. Gilles.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Je félicite notre rapporteur pour son travail, même si ses convictions ne rejoignent pas les miennes. En mon âme et conscience, je ne peux en effet le suivre. D'ailleurs, la plupart de ses arguments ne font que renforcer mes certitudes : en fin de vie, aucune situation n'est totalement comparable. Un texte de loi ne peut donc prétendre répondre à tous les cas. On nous dit que les personnes auront pu se décider bien avant. Certes, mais au soir de leur vie, elles peuvent changer d'avis ! J'ai vu le cas avec des parents très proches.

Les sondages disent une chose et son contraire, et l'on a rappelé le dernier en date, réalisé sur un échantillon de mille personnes ! De plus, c'est une chose de se prononcer sur un tel sujet quand on est en bonne santé et c'en est une autre lorsqu'on est gravement malade.

Enfin, je m'inquiète des éventuelles dérives : on ne peut exclure que des proches aient des intérêts à faire valoir... Avant tout nouveau texte, commençons par faire appliquer la loi Leonetti. Sur ce point, je m'étonne de constater une telle méconnaissance au sein même du corps médical.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

J'ai vu des médecins refuser d'arrêter des traitements en arguant qu'ils n'en avaient pas le droit, ignorant de ce fait totalement la loi Leonetti.

Je voterai donc contre le texte qui nous est proposé, car j'estime que je n'ai pas le droit d'aller dans cette direction.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je tiens à saluer la mission difficile menée par Jean-Pierre Godefroy qui a travaillé avec beaucoup de sang-froid et d'humilité.

Tout ce que je voulais dire l'a été par Bruno Gilles. La loi Leonetti est peu connue et mal appliquée. Nous devons tout faire pour développer les soins palliatifs, comme le fait l'établissement Jeanne Garnier. Une fois qu'on l'a visité, je puis vous assurer que l'on n'a plus du tout envie de légiférer sur l'euthanasie : tout y est fait pour éviter les souffrances et permettre de mourir dans la dignité. Développons ces établissements plutôt que de voter une telle loi. En ce qui me concerne, je voterai contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Je tiens à rendre hommage à l'humanisme de notre collègue Godefroy, ainsi d'ailleurs qu'à MM. Fischer et Fouché. Je ne suis pas persuadé que la question vaille que l'on convoque les sondages. A mon avis, ils sont de nature à nous orienter sur de mauvaises pistes. Un tel sujet dépasse toute référence à la minorité ou à la majorité. De plus, nous nous devons de dépasser les clivages politiques traditionnels. C'est d'ailleurs pourquoi je voterai le texte proposé par Jean-Pierre Godefroy pour que nous discutions dans l'hémicycle d'un texte de synthèse et non d'une proposition de loi déposée par tel ou tel groupe politique.

En revanche, je ne sais pas encore quel sera mon vote final en séance publique, même si je travaille beaucoup sur cette question, dans le Doubs, avec le professeur Régis Aubry.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Juilhard

Je félicite MM. Godefroy, Fischer et Fouché sur les réflexions qu'ils ont menées. Jusqu'à la semaine dernière, j'étais plutôt d'avis de voter ce texte mais aujourd'hui, je suis plus réservé. Je n'ai pas été convaincu par qui que ce soit, mais je m'interroge. La loi Leonetti semble encore mal connue. Ne faudrait-il pas lui faire davantage de publicité ? De plus, ne prévoyait-elle pas la création d'un observatoire dont les résultats se font attendre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Juilhard

Je crois que nous allons un peu vite en besogne. Procédons d'abord à une analyse plus précise de la loi Leonetti avant de légiférer plus avant. Pour l'instant, je ne suis pas en mesure de voter ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Je ne féliciterai pas MM. Godefroy, Fouché et Fischer pour leur dire ensuite que je ne voterai pas leur texte... ! Pour ma part, je reconnais que la loi Leonetti a permis des avancées mais le texte du rapporteur me convient car il permet d'aller encore plus loin en couvrant tous les cas, y compris les cas particuliers. Toutes les précautions ont été prises et son dispositif s'inspire de celui qui est en oeuvre aux Pays-Bas.

Quoi qu'on en dise, la loi Leonetti ne prend pas en compte tous les cas et elle permet une euthanasie indirecte, hypocrite. Dans mon cas propre, je préférerais que l'on m'aide à mourir de façon douce plutôt que de me laisser mourir de soif !

Un tel sujet mérite que l'on en débatte au-delà de notre commission : il serait bon que l'Assemblée nationale se prononce et que nous allions au bout de la réflexion. Comme pour l'abolition de la peine de mort, peu importe que la majorité actuelle soit pour ou contre l'euthanasie. Il faudra bien un jour ou l'autre la voter : autant que ce soit le plus rapidement possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lorrain

Ces propositions de loi se situent dans la continuité d'autres textes présentés à l'Assemblée nationale. Ils ont au moins le mérite d'agir comme un stimulant et comme une invitation à chercher d'autres réponses.

L'objectif qu'elles poursuivent n'a en réalité pas de lien avec les soins palliatifs, un sujet sur lequel je travaille, moi aussi, avec le professeur Aubry. Je regrette que le titre de la proposition de loi qui nous est soumise ne contienne plus le mot « dignité ». Nous avons des conceptions différentes de la dignité et des libertés individuelles. Pour régler ce problème vous avez besoin de recourir à un tiers, qu'évidemment vous ne pouvez prendre que dans le monde médical. En tant que médecin, je ne peux accepter d'être ainsi instrumentalisé pour répondre à une demande philosophique. Certains respectent l'interdiction « tu ne tueras point » - une interdiction qu'il ne faut pas prendre en son seul sens judéo-chrétien - et, de leur part, vous n'obtiendrez jamais cette instrumentalisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

A mon tour, je remercie les auteurs des trois propositions de loi qui nous donnent l'occasion de réfléchir à ce grave sujet, et je félicite particulièrement Jean-Pierre Godefroy pour son travail.

Je ne sais pas moi-même comment je me comporterai dans une telle situation et ce que j'exigerai de mes proches. Il s'agit d'une interrogation intime. Or, ce texte met en place certains standards juridiques et je m'interroge sur leur compatibilité avec le droit actuel. N'est-on pas en train de déconstruire celui-ci et notamment ce qu'il en est de la non-assistance à personne en danger, de la nécessaire protection des plus vulnérables ou de l'abus de faiblesse ? Au-delà même de mes convictions intimes, ces questions juridiques m'empêcheront de soutenir ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Rude sujet... J'ai le sentiment que la loi Leonetti ne traite pas tous les cas de fin de vie et laisse une marge d'appréciation personnelle au médecin quant à sa façon, non pas d'apporter des soins, mais de prendre soin de ses patients en phase terminale. La loi actuelle permet d'abréger cette phase. Mais certains médecins, qui ont une interprétation stricte du principe « tu ne tueras pas », refusent d'appliquer la loi et la clause de conscience va contre l'intérêt des patients qu'on laisse souffrir jusqu'au bout.

Le texte qui nous est proposé, à mon sens, n'a aucun rapport avec les soins palliatifs parce qu'il concerne des gens qui les ont refusés et ne veulent plus vivre. On se situe en dehors du domaine de la loi Leonetti. On ne peut s'arroger le droit de considérer que ces personnes ont l'obligation de vivre et leur faire violence au nom de l'ordre public. Il fut un temps où le suicide était pénalement condamné. Il ne l'est plus, mais il y a des gens qui n'ont plus la capacité physique de passer à l'acte. Il est difficile d'avoir conscience de tout cela lorsqu'on n'a pas personnellement vu des malades se battre pour vivre pendant des années, puis reconnaître qu'ils en sont arrivés à un stade où ils veulent en finir, qui renoncent.

Ces trois textes posent des questions qui méritent d'être posées. Parallèlement, il faut prendre des sanctions exemplaires contre les médecins qui, dans les maisons de retraite ou à l'hôpital, se permettent de hâter la mort de gens qui ne l'ont jamais souhaitée. Nous devons être davantage vigilants pour détecter et punir les abus. La clause de conscience doit être respectée : le médecin peut ne pas partager le « jugement » - excellent terme - sur la vie de ceux qui font cette requête. Je me suis demandé s'il fallait adopter un dispositif juridique a priori comme celui qui nous est ici proposé - qui peut exposer à des abus et qu'il faut encadrer - ou bien un dispositif a posteriori d'abandon des poursuites pénales, qui aurait le mérite d'inciter à réfléchir celui qui envisage d'apporter son assistance à un malade. Je ne souhaite pas en tout cas qu'on emploie dans ce texte le mot de « dignité » parce qu'aucun état de santé n'est indigne. En revanche, j'approuve la rédaction : « quand la personne la juge insupportable ». Je souhaite un débat au Parlement. Si celui-ci le refusait, il faillirait à sa mission. Je souhaite aussi qu'il débatte des abus actuels, pour y mettre fin. La volonté de chacun doit être respectée.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Desmarescaux

Je salue l'objectivité de Jean-Pierre Godefroy qui, tout en étant l'auteur de l'un d'eux, a su être le rapporteur des trois textes. Pour moi, l'euthanasie est incompatible avec les soins palliatifs. Ces derniers existent, progressent et, cette année, toutes les régions seront dotées d'équipes dédiées à ces soins. Autre progrès : en 2010, a été votée l'allocation journalière pour ceux qui accompagnent leurs proches en fin de vie.

Sur ces propositions de loi, il ne faut pas reculer mais prendre le temps nécessaire. L'observatoire, créé en septembre dernier, est encore trop jeune, il faut lui laisser le temps de produire ses résultats et, alors, nous retravaillerons le sujet. La loi Leonetti n'est pas assez connue ; des médecins eux-mêmes l'ignorent ; elle est peut-être aussi mal utilisée. Elle permet d'arrêter tout traitement. On a donc le droit de ne pas subir un traitement. Mais on a aussi le droit de ne pas avoir mal. Il faut distinguer douleur et souffrance. Si ces propositions de loi étaient votées, elles créeraient une cassure entre soignants et soignés. Je ne les voterai pas aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Dans notre système de santé, tout a été fait pour toujours respecter la volonté du malade. Et il y aurait une exception au moment de la mort ? Au moment le plus essentiel d'une vie ? Je suis un fervent militant des soins palliatifs et, en province, c'était dans mon établissement qu'on en a créé le premier service. Mais il n'y a aucune contradiction entre ces soins et l'assistance médicalisée pour mourir. La loi Leonetti ne traite pas tous les cas, elle laisse chaque médecin libre de l'interpréter, y compris dans les situations les plus insupportables. Lorsque j'étais directeur d'hôpital, j'ai vu des médecins réanimateurs s'écrouler, bouleversés par la décision qu'ils devaient prendre. Ils auraient préféré faire face à une définition légale plutôt qu'à des injonctions paradoxales et à la culpabilité des actes qu'ils étaient amenés à commettre. Et leur malaise s'étendait à toute leur équipe.

Nous ne pouvons continuer à nous soustraire à notre devoir de législateur. Le problème transcende toutes les sensibilités politiques et même les convictions religieuses. Je suis catholique et pourtant je ne suis pas choqué par de telles propositions de loi. Après tout ce que j'ai vécu, je les soutiendrai afin de ne plus laisser d'autres prendre, au cas par cas, des décisions qui les détruisent.

Debut de section - PermalienPhoto de René Teulade

Ce débat est passionnant, délicat, il honore le Parlement. C'est une question à laquelle j'ai été personnellement confronté et, en vous écoutant, je revis les moments difficiles où on m'a demandé de prendre une décision pour une personne de ma famille.... Nous devons être fiers de ce que notre pays a accompli depuis plus d'un demi-siècle pour lutter contre la plus intolérable des inégalités, l'inégalité devant la souffrance et la maladie. C'est pourquoi nous luttons aujourd'hui pour que ne soit pas remis en cause notre système de santé et de sécurité sociale. Il ne faudrait pas non plus que le droit de choisir sa fin de vie soit réservé à ceux qui ont une certaine culture, une certaine vision de l'au-delà. Il y a là aussi un problème d'égalité. Comment expliquer qu'on respecte la volonté du malade en toute occasion sauf à la fin de sa vie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Les sondages que l'on a mentionnés sont clairs et complémentaires : les gens veulent qu'on diminue les souffrances et qu'on maîtrise la mort, dans les meilleures conditions. Monsieur Lardeux, les dispositions de l'article 5 sont calquées sur celles relatives à l'IVG, pour laquelle la clause de conscience avait été admise et n'a pas posé de problème.

Oui, monsieur Lorrain, nous préférons renvoyer au corps médical plutôt qu'aux associations, comme en Suisse, et, ce faisant, nous reconnaissons leur responsabilité scientifique et leur rôle éminent. Mais nous prenons la précaution que le médecin puisse s'entourer de conseils et que l'acte d'assistance médicalisée soit réalisé « sous le contrôle et en présence du médecin traitant qui a reçu la demande ». Cela signifie que ce n'est pas lui qui le réalise. Nous avons essayé de prendre toutes les précautions pour que le médecin ne souffre pas. En 2005, lors des débats sur la loi Leonetti, j'avais été épouvanté par l'état de certains médecins, détruits par les décisions qu'ils avaient dû prendre.

Madame Hermange, contre les abus de faiblesse et la non-assistance à personne en danger, nous prenons toutes les précautions. Il ne faut pas lier ce texte avec nos discussions sur la dépendance : ce serait catastrophique !

J'ai apprécié l'intervention de M. About. Comme lui, je pense que la loi Leonetti ne règle pas tous les cas. J'avais été frappé par la conclusion du livre « L'ultime liberté ? » d'Axel Kahn où il conseillait d'instruire avec humanité le cas des médecins qui, en des circonstances exceptionnelles, sont amenés à transgresser les règles de leur profession, dans la lettre plus que dans l'esprit. C'est cela que tentent de régler ces propositions de loi. Je préfère que la loi fixe des règles plutôt que de voir des médecins se retrouver devant des juges, et peut-être des jurys populaires, lesquels peuvent ne pas avoir la même appréciation selon les juridictions et à qui, finalement, on demande de transgresser eux-mêmes la loi. Mieux vaut une loi, que le juge doit appliquer et en fonction de laquelle il doit réprimer les abus. Comme l'a dit Mme Procaccia on respecte le testament d'un mort. Pourquoi ne respecterait-on pas le testament d'une personne en fin de vie ?

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Nous allons maintenant examiner les amendements du rapporteur, amendements dont l'objectif est moins d'améliorer le texte que de synthétiser les trois textes en une rédaction unique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Comme ce sera le cas pour l'ensemble du texte, j'ai préparé, par l'amendement n° 1, une nouvelle rédaction de l'article 1er susceptible de constituer une position de compromis. Cet article ouvre le droit à une assistance médicalisée pour mourir. Il nous conduit à aborder quatre questions : trois de nature technique - insertion dans le code de la santé publique, dénomination du nouveau droit et définition ; la dernière, plus fondamentale, est celle des personnes susceptibles de demander une aide médicalisée pour mourir.

S'agissant du choix de l'insertion dans le code de la santé publique, il m'a semblé que la reconnaissance d'un droit à l'aide à mourir ne devait pas nécessairement figurer au sein de l'article L. 1110-2 du code de la santé publique comme le proposent les textes « Fouché » et « Fischer ». Cet article est relatif au respect de la dignité du malade. Or, la juxtaposition de l'affirmation de la dignité du malade et du droit à l'aide active à mourir pourrait être source d'ambiguïtés juridiques. Si l'on considère que la possibilité d'obtenir cette aide participe de la dignité des patients, sa mention explicite à l'article L. 1110-2 appellerait celle de l'ensemble des autres éléments constitutifs de la dignité. A défaut, certains pourraient considérer que l'aide active à mourir constitue un pendant, ou une alternative, à la dignité des patients, ce qui n'est pas la volonté des auteurs des textes examinés. Dès lors, par souci de clarté, je considère qu'il est préférable qu'elle figure à l'article L. 1110-9 qui concerne les soins palliatifs. Cette inscription paraît d'autant plus indiquée que l'aide active à mourir vient ainsi explicitement compléter la possibilité d'accéder aux soins palliatifs.

Pour ce qui concerne la désignation de l'aide active à mourir, je ne crois pas qu'il faille parler d'euthanasie. Ce mot, bien qu'il désignât la « bonne mort » dans la Grèce antique, paraît ici doublement inadéquat. D'une part, le terme d'euthanasie est devenu l'enjeu de débats éthiques importants, mais sans lien avec l'objet des propositions de loi, depuis le développement au XIXe siècle des politiques eugénistes. D'autre part, la notion de « bonne mort » renvoie à une norme socialement déterminée de ce que doit être la fin de vie. Or, c'est au contraire au renforcement de l'autonomie de l'individu et de sa capacité de choix, en dehors de toute pression sociale, que tendent les propositions de loi.

Je pense aussi que le terme de « suicide assisté » serait impropre. En effet, si l'aide à mourir traduit la volonté du patient de mettre fin à ses jours, l'acte n'a pas à être pratiqué par lui. Surtout, l'aide à mourir veut rompre avec la violence dont le suicide est porteur, à l'égard de soi-même et des autres. Elle vise au contraire à garantir que le terme de l'existence sera un instant paisible et si possible d'accompagnement familial, comme c'est le cas en Belgique. Enfin, utiliser le terme de suicide pourrait être source d'incertitudes juridiques quant aux conséquences du recours à une aide active à mourir, notamment pour les contrats d'assurance.

Je vous propose de retenir le terme d'« assistance » plutôt que de celui d'« aide », qui traduit mieux le fait que l'acte médical sera conduit en application de la volonté expresse du malade qui le demande, et de préciser qu'elle est « médicalisée », ce qui ajoute une clarification utile sur la nature du soutien apporté à la décision de la personne en fin de vie. Bien qu'il ne relève plus des soins, ce soutien se situe dans leur prolongement et relève de la compétence et de l'encadrement des équipes médicales.

Enfin, je ne crois pas utile d'ajouter l'adjectif « active » pour qualifier l'assistance envisagée, considérant, avec le docteur Anne Richard, présidente de la société française d'accompagnement et de soins palliatifs, que les soins palliatifs apportent déjà une aide active à mourir.

J'ai pensé nécessaire d'apporter une définition du nouveau droit de l'assistance médicalisée à mourir pour encadrer, avec plus de rigueur, son objet. Elle consisterait en « un acte délibéré, pratiqué dans un contexte médical et ayant pour but de provoquer une mort rapide et sans douleur ».

Dernier point : quelles sont les personnes susceptibles de demander une assistance médicalisée pour mourir ? Les critères ouvrant la possibilité d'être aidé à mourir et la procédure aboutissant à cette aide constituent le coeur même du débat souhaité par les auteurs des propositions de loi. La mise en place d'un nouveau droit aussi important que celui à la mort assistée, nécessite, pour être mis en oeuvre conformément à la volonté du législateur et prévenir toute dérive, l'encadrement le plus strict. Dès lors, il paraît nécessaire de cumuler les critères contenus dans les différentes propositions de loi pour déterminer qui pourra demander une aide à mourir. Ces critères sont, pour certains, empruntés à la loi Leonetti - « phase avancée ou terminale d'une pathologie grave et incurable » - auxquels je vous propose d'ajouter le « sentiment d'une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qui est jugée insupportable ». Dans le même souci, je vous propose de n'ouvrir cette faculté qu'aux personnes capables et majeures.

Enfin, la notion de dépendance contenue dans les propositions de loi « Fouché » et « Fischer » pouvant être interprétée de manière extrêmement large, jusqu'à englober la dépendance économique, je crois préférable de ne retenir que les cas d'affections ayant altéré la santé, étant entendu que la pathologie peut avoir une cause médicale aussi bien qu'accidentelle, afin que les personnes handicapées ne se trouvent pas exclues du droit à la mort aidée. La proposition de loi « Fischer » rejoignait la mienne sur ce point.

La rédaction de compromis que je vous propose pour l'article 1er reprend toutes les observations que je viens de vous présenter.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Ne serait-il pas préférable de viser les conditions « prévues par la loi » plutôt que « prévues au présent titre », afin de couvrir toutes les dispositions législatives concernées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

La loi Leonetti est tout entière codifiée dans ce titre.

L'amendement n° 1 est adopté et l'article 1er de la proposition de loi ainsi rédigé.

Article 2

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

L'assistance pour mourir implique, à mon sens, et c'est aussi ce que propose Alain Fouché, la participation du médecin traitant qui doit être le premier saisi de la demande : ce choix paraît légitime car il connaît bien le patient, avec lequel il a établi une relation de confiance. Prévoir d'élargir la saisine, comme le veut le texte de Guy Fischer, à « tout médecin de premier recours », m'a semblé excessif. Le médecin devra ensuite saisir l'équipe soignante en charge du malade, en même temps que deux autres praticiens - et non un seul, ceci afin de s'assurer que se dégage une position majoritaire - afin d'évaluer avec eux la situation. Les médecins devront informer le malade sur le recours aux soins palliatifs, afin de s'assurer que le défaut de soins ou la méconnaissance de la loi Leonetti ne sont pas à l'origine de sa décision. Ils devront contrôler l'état médical du patient et s'assurer par deux fois de sa volonté : au moment de la demande, puis en présence de la personne de confiance qu'il aura désignée : il s'agit de s'assurer que la volonté du malade est bien libre et éclairée.

Le rapport statuera sur la conformité de la situation à la loi, en particulier de l'absence de perspective d'amélioration de la santé du patient et de moyens d'apaiser sa souffrance. Cet examen devra être mené, ainsi que le veut Guy Fischer, sur le fondement de critères scientifiques, hors toute approche subjective.

En matière de délais, j'avais envisagé un délai cout entre la dernière confirmation de la demande et l'acte d'assistance lui-même, mais j'étais prêt à me rallier au délai de quinze jours qui figure dans les deux autres propositions et qui laisse place à une longue réflexion. Ceci étant, je me demande si ce délai n'est pas trop long, dans le contexte particulier du malade, et je vous propose de retenir une position intermédiaire en le fixant plutôt à huit jours. La demande restera bien entendu révocable à tout moment. L'acte, enfin, devra être effectué en présence d'un médecin, comme cela est le cas en Belgique.

Tel est le sens de l'amendement n° 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

N'est-il pas contradictoire de prévoir, au cinquième alinéa, que l'acte « ne peut avoir lieu avant l'expiration d'un délai de huit jours » - puisque le rapporteur a corrigé le délai en ce sens - tout en précisant, à l'alinéa suivant, les conditions dans lesquelles ce délai peut être raccourci à la demande du malade ?

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

L'expression « Il ne peut avoir lieu avant l'expiration » gagnerait peut-être, en effet, à être remplacée par « Il a lieu après l'expiration ».

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Le médecin doit pouvoir invoquer une clause de conscience, comme cela est le cas pour les gynécologues qui ne souhaitent pas pratiquer d'IVG. Or, la rédaction que vous proposez met le médecin traitant devant une obligation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

La loi sur l'assurance maladie oblige à avoir un médecin traitant, et c'est la raison pour laquelle j'ai préféré qu'il soit le destinataire de la demande plutôt que le médecin de premier recours envisagé dans le texte de Guy Fischer. Par ailleurs, l'article 5 prévoit la clause de conscience pour l'ensemble des professionnels de santé. Dans ce cas, le médecin saisi devra adresser le patient à un confrère.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Je voterai, par esprit de suite, contre cet article. Chaque cas posera un problème d'application. Je regrette que l'on confine ce débat au domaine médical. Pour la procréation médicalement assistée, la loi prévoit et un document écrit et un passage par le juge. Tel n'est pas le cas ici, au risque de créer un contentieux qui pénalisera les médecins.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Le rapport médical prévu au troisième alinéa est un document écrit, puisque le texte prévoit qu'il doit être remis au malade, et les directives anticipées le sont aussi. En outre, un contrôle judiciaire postérieur est bien prévu en cas de mise en oeuvre de la procédure d'assistance médicalisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Quel serait le délai dans lequel le malade doit confirmer sa demande initiale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Huit jours après le premier entretien, ainsi que cela est précisé au troisième alinéa, lorsque le rapport médical confirmant l'état de sa santé lui est remis.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Votre texte prévoit que la révocation est à tout moment possible : encore faut-il que la personne malade soit en état de le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

La procédure prévoit expressément que la demande d'assistance médicalisée doit être confirmée.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Et si la personne n'est pas en état de le faire, par exemple si elle est tombée dans le coma depuis sa demande initiale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

L'acte ne peut avoir lieu, bien évidemment, puisqu'il n'y aura pas confirmation de la demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Cela signifie que la personne est exclue du dispositif ?

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Si l'intéressé ne peut s'exprimer, l'assistance médicalisée pour mourir ne peut avoir lieu. Mais la personne n'est pas exclue du dispositif Leonetti.

L'amendement n° 2 rectifié est adopté et l'article 2 est ainsi rédigé.

Article 3

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

L'amendement n° 3 propose une nouvelle rédaction de l'article L. 1111-11 du code de la santé publique relatif aux directives anticipées. Il a pour but d'autoriser l'auteur de telles directives à prévoir les circonstances dans lesquelles il souhaite que soit demandée pour lui une assistance médicalisée pour mourir dans l'hypothèse où il ne serait plus en mesure de s'exprimer lui-même le moment venu. Par souci de compromis, je vous propose par l'amendement n° 3 de retenir, ainsi que le souhaitent Alain Fouché et Guy Fischer, une durée de validité de trois ans de ces directives pour qu'elles puissent être prises en compte par les médecins.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je voterai l'article mais je déposerai un amendement en séance pour porter cette durée à cinq ans.

L'amendement n° 3 est adopté et l'article 3 est ainsi rédigé.

Article 4

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Cet article détermine la procédure nécessaire à la mise en oeuvre d'une assistance médicalisée pour mourir pour les personnes ayant établi des directives anticipées et demandant à être subrogées dans leur volonté en cas d'incapacité à s'exprimer. Il incombera aux personnes de confiance précédemment désignées par le malade de saisir le médecin traitant. L'examen médical portera sur l'état médical du patient. Pour la mise en oeuvre de l'aide, une fois la décision dûment prise et confirmée, un délai de deux jours me semble en ce cas suffisant. Tel est l'objet de l'amendement n° 4.

L'amendement n° 4 est adopté et l'article 4 est ainsi rédigé.

Article 4 bis

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

L'amendement n° 5 insère un article 4 bis qui prévoit la procédure de contrôle des actes d'assistance médicalisée et dispose que les personnes y ayant recours seront réputées décédées de mort naturelle, notamment à l'égard des contrats d'assurance.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Cela supposera de modifier parallèlement le code des assurances.

L'amendement n° 5 est adopté et l'article 4 bis est ainsi rédigé.

Article 5

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

L'article 5, dans la rédaction de l'amendement n° 6, reconnaît une clause de conscience aux professionnels de santé qui ne souhaitent pas participer à une procédure d'assistance médicale pour mourir.

L'amendement n° 6 est adopté et l'article 5 est ainsi rédigé.

Article 6

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

L'article 6, dans la rédaction de l'amendement n° 7, prévoit la mise en place d'une formation des professionnels de santé sur l'assistance médicalisée pour mourir.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Que faites-vous des infirmières et des pharmaciens, également impliqués ?

L'amendement n° 7 est adopté et l'article 6 est ainsi rédigé.

Article 7

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Gager cette proposition de loi n'est pas constitutionnellement requis, dont acte. Il n'est donc pas utile de maintenir cet article.

L'amendement n° 8 est adopté, et l'article 7 est supprimé.

Intitulé

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

L'amendement n° 9 vise à modifier l'intitulé du texte pour tenir compte des modifications que nous venons d'adopter. Celui-ci deviendrait « proposition de loi relative à l'assistance médicalisée pour mourir ».

L'amendement n° 9 est adopté. L'intitulé est ainsi rédigé.

La proposition de loi est adoptée dans le texte issu des travaux de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Je regrette que l'on n'ait eu connaissance que tardivement des amendements sur lesquels nous avons dû nous prononcer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

C'est une pratique à laquelle nous sommes habitués.