Comme ce sera le cas pour l'ensemble du texte, j'ai préparé, par l'amendement n° 1, une nouvelle rédaction de l'article 1er susceptible de constituer une position de compromis. Cet article ouvre le droit à une assistance médicalisée pour mourir. Il nous conduit à aborder quatre questions : trois de nature technique - insertion dans le code de la santé publique, dénomination du nouveau droit et définition ; la dernière, plus fondamentale, est celle des personnes susceptibles de demander une aide médicalisée pour mourir.
S'agissant du choix de l'insertion dans le code de la santé publique, il m'a semblé que la reconnaissance d'un droit à l'aide à mourir ne devait pas nécessairement figurer au sein de l'article L. 1110-2 du code de la santé publique comme le proposent les textes « Fouché » et « Fischer ». Cet article est relatif au respect de la dignité du malade. Or, la juxtaposition de l'affirmation de la dignité du malade et du droit à l'aide active à mourir pourrait être source d'ambiguïtés juridiques. Si l'on considère que la possibilité d'obtenir cette aide participe de la dignité des patients, sa mention explicite à l'article L. 1110-2 appellerait celle de l'ensemble des autres éléments constitutifs de la dignité. A défaut, certains pourraient considérer que l'aide active à mourir constitue un pendant, ou une alternative, à la dignité des patients, ce qui n'est pas la volonté des auteurs des textes examinés. Dès lors, par souci de clarté, je considère qu'il est préférable qu'elle figure à l'article L. 1110-9 qui concerne les soins palliatifs. Cette inscription paraît d'autant plus indiquée que l'aide active à mourir vient ainsi explicitement compléter la possibilité d'accéder aux soins palliatifs.
Pour ce qui concerne la désignation de l'aide active à mourir, je ne crois pas qu'il faille parler d'euthanasie. Ce mot, bien qu'il désignât la « bonne mort » dans la Grèce antique, paraît ici doublement inadéquat. D'une part, le terme d'euthanasie est devenu l'enjeu de débats éthiques importants, mais sans lien avec l'objet des propositions de loi, depuis le développement au XIXe siècle des politiques eugénistes. D'autre part, la notion de « bonne mort » renvoie à une norme socialement déterminée de ce que doit être la fin de vie. Or, c'est au contraire au renforcement de l'autonomie de l'individu et de sa capacité de choix, en dehors de toute pression sociale, que tendent les propositions de loi.
Je pense aussi que le terme de « suicide assisté » serait impropre. En effet, si l'aide à mourir traduit la volonté du patient de mettre fin à ses jours, l'acte n'a pas à être pratiqué par lui. Surtout, l'aide à mourir veut rompre avec la violence dont le suicide est porteur, à l'égard de soi-même et des autres. Elle vise au contraire à garantir que le terme de l'existence sera un instant paisible et si possible d'accompagnement familial, comme c'est le cas en Belgique. Enfin, utiliser le terme de suicide pourrait être source d'incertitudes juridiques quant aux conséquences du recours à une aide active à mourir, notamment pour les contrats d'assurance.
Je vous propose de retenir le terme d'« assistance » plutôt que de celui d'« aide », qui traduit mieux le fait que l'acte médical sera conduit en application de la volonté expresse du malade qui le demande, et de préciser qu'elle est « médicalisée », ce qui ajoute une clarification utile sur la nature du soutien apporté à la décision de la personne en fin de vie. Bien qu'il ne relève plus des soins, ce soutien se situe dans leur prolongement et relève de la compétence et de l'encadrement des équipes médicales.
Enfin, je ne crois pas utile d'ajouter l'adjectif « active » pour qualifier l'assistance envisagée, considérant, avec le docteur Anne Richard, présidente de la société française d'accompagnement et de soins palliatifs, que les soins palliatifs apportent déjà une aide active à mourir.
J'ai pensé nécessaire d'apporter une définition du nouveau droit de l'assistance médicalisée à mourir pour encadrer, avec plus de rigueur, son objet. Elle consisterait en « un acte délibéré, pratiqué dans un contexte médical et ayant pour but de provoquer une mort rapide et sans douleur ».
Dernier point : quelles sont les personnes susceptibles de demander une assistance médicalisée pour mourir ? Les critères ouvrant la possibilité d'être aidé à mourir et la procédure aboutissant à cette aide constituent le coeur même du débat souhaité par les auteurs des propositions de loi. La mise en place d'un nouveau droit aussi important que celui à la mort assistée, nécessite, pour être mis en oeuvre conformément à la volonté du législateur et prévenir toute dérive, l'encadrement le plus strict. Dès lors, il paraît nécessaire de cumuler les critères contenus dans les différentes propositions de loi pour déterminer qui pourra demander une aide à mourir. Ces critères sont, pour certains, empruntés à la loi Leonetti - « phase avancée ou terminale d'une pathologie grave et incurable » - auxquels je vous propose d'ajouter le « sentiment d'une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qui est jugée insupportable ». Dans le même souci, je vous propose de n'ouvrir cette faculté qu'aux personnes capables et majeures.
Enfin, la notion de dépendance contenue dans les propositions de loi « Fouché » et « Fischer » pouvant être interprétée de manière extrêmement large, jusqu'à englober la dépendance économique, je crois préférable de ne retenir que les cas d'affections ayant altéré la santé, étant entendu que la pathologie peut avoir une cause médicale aussi bien qu'accidentelle, afin que les personnes handicapées ne se trouvent pas exclues du droit à la mort aidée. La proposition de loi « Fischer » rejoignait la mienne sur ce point.
La rédaction de compromis que je vous propose pour l'article 1er reprend toutes les observations que je viens de vous présenter.