Si l'annonce des modalités de financement de l'Euro 2016 a été tardive, c'est que la bagarre faisait rage en coulisses, jusque tout récemment ! Mais le Président de la République nous a entendus. Le CNDS ne pouvait tout de même pas être sollicité pour financer le sport le plus riche alors qu'il a vocation à soutenir le sport amateur et les disciplines modestes.
J'avoue que je porte une part de responsabilité dans le choix d'États généraux limités à la « famille » du football. J'étais partagée : durant les évènements de la coupe du monde, on entendait demander « de quoi se mêlent les politiques », mais tout le monde reconnaissait aussi que la question dépassait le monde des sportifs - le moral de tout le pays était atteint...
Il m'a paru nécessaire de placer le monde du football devant ses responsabilités, pour qu'il se réforme par lui-même. Les doutes étaient forts et nombreuses les prédictions pessimistes dans la presse. On partait de loin et les tensions étaient vives au sein de la fédération, après le départ de M. Escalettes. La moindre décision du président - par intérim... - déclenchait des contestations, portées sur la place publique au nom de l'intérêt général mais motivées par des ambitions personnelles. Et pourtant, les États généraux, avec la fédération aux manettes, ont été un grand succès. Ils annoncent une réforme profonde et consensuelle. Trois groupes de travail ont été créés, l'un pour la modernisation des structures du football, un autre portant sur la compétitivité et la solidarité à l'égard du sport amateur, un troisième sur le rôle social et citoyen du football.
La modernisation se fera par une démocratisation du système électoral : un scrutin de liste - chacune présentant un homme et une équipe. La gouvernance reposera sur un comité exécutif restreint et une sorte de conseil de surveillance, qui prendra la forme d'une Haute Autorité du football. Cela ira de pair avec une clarification des compétences de la fédération, de la ligue du football professionnel et de la ligue amateur. Il faudra aussi prendre des mesures, puisque le football professionnel est en déficit de 180 millions d'euros - tout n'étant pas dû à la suppression du DIC... Le nombre des licences est en baisse avec la crise économique et l'impact de la coupe du monde ; et le financement du football est de plus en plus conditionné par le montant des droits de retransmission télévisée, or Canal+ est en situation de monopole depuis le retrait d'Orange. Peut-être faut-il s'inspirer du rugby où la masse salariale est plafonnée dans le budget des clubs, peut-être faut-il appliquer la règle du joueur formé localement. Certains clubs comme Nantes sont connus pour leur formation de qualité, mais les jeunes joueurs partent rapidement rejoindre d'autres clubs...
Le football amateur lance un S.O.S. car il n'a pas suffisamment de moyens. Au sein de l'assemblée de la fédération, une représentation plus équilibrée pourrait être mise en place. Et je crois utile de sanctuariser les aides financières au football amateur, afin qu'elles ne soient pas affectées par les aléas économiques.
Quant au rôle social et citoyen, les joueurs professionnels seront invités à participer plus activement à des actions sociales financées par les clubs. Il faut former des hommes et des citoyens et valoriser le bénévolat.
Les nouvelles lignes directrices seront présentées pour être adoptées à l'assemblée de la fédération le 18 décembre prochain ; puis une assemblée générale extraordinaire se prononcera ; enfin l'assemblée de la fédération en juin 2011 élira les représentants dans les nouvelles instances.
Les 24,7 millions d'euros du DIC sont partis immédiatement au budget général, je ne les ai pas conservés. Mais ce versement nous a évité une ponction ailleurs... Néanmoins, le Président de la République, conscient du problème de compétitivité des clubs français, a souhaité que nous présentions un dispositif de remplacement du DIC. J'ai mis en place un groupe de travail associant les diverses disciplines et ligues, nous sommes parvenus à l'idée d'une aide axée sur la formation au sein des clubs. L'école française est performante mais elle coûte cher ! Le principe a été présenté à Matignon, nous attendons les arbitrages.
La retraite des sportifs est un autre combat : il faut dégager 5 millions d'euros. Les sportifs de haut niveau ont un statut d'amateur, ils entrent donc très tard dans la vie professionnelle. Nous envisageons un régime dans lequel les sportifs bénéficieraient de quatre trimestres validés par année d'inscription.
La réforme des collectivités territoriales m'a donné des inquiétudes ; je m'en suis ouverte à M. Perben et aux responsables d'associations des collectivités. Les deux assemblées ont préservé la capacité des collectivités à participer au financement du sport, je m'en réjouis. Les financements croisés demeurent possibles, sous réserve de l'élaboration d'un schéma d'organisation. Durant la période transitoire, jusqu'en 2015, il s'agit de ne pas perturber le système actuel des financements croisés. J'en ai parlé aux quatre rapporteurs ainsi qu'au Premier ministre, je crois avoir obtenu leur écoute.
Le président Bordry a réalisé un bon travail à la tête de l'AFLD. Son successeur est un très fin juriste, spécialisé dans le sport ; j'ai toute confiance en ses qualités. Vous avez raison de souligner que le cyclisme n'est pas la seule discipline concernée par le dopage, du reste, les joueurs de l'équipe de France de football ont été soumis à un contrôle durant leur stage à Tignes, avant l'été. La transposition du code mondial antidopage s'est faite par ordonnance. Trois décrets ont été élaborés, deux arrêtés déjà publiés. Quant au budget de l'agence, il est inchangé. Le gouvernement a renoncé à majorer la taxe Buffet, juste après la suppression du DIC. Je me suis engagée à apporter tout de même les financements nécessaires au bon fonctionnement de l'agence. La subvention de 7,8 millions d'euros est reconduite pour 2011. L'agence est une autorité administrative, financée à 80 % par l'État, mais elle est indépendante, sans conteste. Son nouveau dirigeant a des convictions fortes.
Certains sportifs, comme certains artistes, sont français uniquement lorsque cela les arrange. Les basketteurs qui n'ont pas participé au mondial de basket n'avaient pas non plus joué au championnat d'Europe : j'espère que le nouveau président de la fédération internationale, qui était auparavant le président de la fédération française, poussera la National Basketball Association (NBA) à laisser les joueurs français, Tony Parker ou Joakim Noah, à jouer en équipe de France. Leurs clubs américains craignent les blessures !
Vous parlez des choix que font les jeunes joueurs : ils suivent les règles de la fédération internationale de football association (FIFA) ! Mais le football se redresse, un nouvel état d'esprit apparaît, une nouvelle génération émerge, les supporters se reconnectent avec leur équipe. Un cycle nouveau s'engage.