Intervention de Bruno Sido

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 3 novembre 2010 : 1ère réunion
Adaptation de la législation au droit communautaire — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Bruno SidoBruno Sido, rapporteur :

Le 6 septembre dernier, MM. Gérard Longuet, Jean Bizet et Jean-Paul Emorine déposaient au Sénat une proposition de loi « portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit communautaire » (DDAC). M. Hubert Haenel relevait déjà, en 2002, dans un rapport d'information consacré à l'amélioration des procédures de transposition des directives communautaires que « les projets de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire permettent d'assurer, à l'occasion d'une même procédure parlementaire, la transposition de plusieurs directives, tout en respectant les droits du Parlement notamment le droit d'amendement ». Il serait aujourd'hui satisfait de constater que le Parlement se préoccupe de la question au point d'être à l'initiative d'une proposition de loi en la matière.

Les huit articles traitent de sujets variés : environnement et climat, professions et activités réglementées, ou encore transports. Dans tous les cas il s'agit de répondre à des retards de transposition de directives. Or ces retards ne sont pas sans conséquences pour notre pays : ils fragilisent sa position dans les négociations communautaires et dans les institutions de l'Union en général ; ils le placent dans une situation délicate au regard des procédures contentieuses qui peuvent être déclenchées, avec le risque d'amendes forfaitaires d'un montant minimum de 10 millions d'euros et d'astreintes journalières comprises entre 13 000 et 785 000 euros par jour de retard, alors que la situation de nos finances publiques est déjà dégradée. De tels retards sont aussi vecteurs d'une forte insécurité juridique, la jurisprudence développée par la Cour de justice de l'Union européenne reconnaissant aux citoyens la possibilité d'attaquer un État pour déficit de transposition ; ils constituent une atteinte à l'esprit communautaire, car la construction européenne repose sur la confiance mutuelle entre les États membres qui ont la responsabilité de la bonne application du droit de l'Union ; ils sont un mauvais signal à l'adresse des pays candidats ou des récents adhérents, à qui l'on a demandé tant d'efforts. Les débats lors de la révision constitutionnelle de 2008 ont, du reste, montré le profond malaise que suscite la tentative de régler le problème en recourant aux ordonnances.

Dès lors, faut-il se satisfaire de voir les parlementaires se saisir de cette question de la transposition des normes communautaire ? Mon sentiment est nuancé. Je me félicite de constater que nos collègues se soucient du respect du droit communautaire, de l'image de la France auprès de ses partenaires et de nos finances publiques. Mais l'initiative parlementaire doit-elle se substituer au Gouvernement en matière de transposition de directives ?

A ce jour, aucun vecteur législatif adéquat n'a été identifié pour adapter notre législation aux dispositions communautaires contenues dans cette proposition de loi. La loi portant engagement national en faveur de l'environnement n'aurait convenu que pour les dispositions à caractère environnemental. Cette proposition de loi apparaît donc comme une option répondant à une nécessité conjoncturelle.

L'article 1er transpose la directive dite « INSPIRE » visant à établir une infrastructure d'information géographique dans l'Union européenne en demandant aux autorités publiques des États membres de mettre en réseau leurs données et de les rendre accessibles au public par voie électronique. L'échéance de transposition était fixée au 15 mai 2009 ; nous avons fait l'objet d'une procédure d'infraction précontentieuse qui a donné lieu à un avis motivé adressé aux autorités françaises le 20 novembre 2009 et une décision de saisine de la Cour de justice le 2 juin 2010. N'attendons pas une condamnation pécuniaire pour réagir.

L'article 2 adapte la législation nationale au Protocole de Kyoto et au règlement du 21 décembre 2004 concernant un système de registres normalisé et sécurisé des permis d'émission. Il s'agit de sécuriser, dans le droit français, la conduite d'opérations portant sur les unités de réduction des émissions dans le cadre des mécanismes d'échange de quotas au niveau international.

Les articles 3, 4 et 5 portent transposition de certains points de la directive « Services » du 12 décembre 2006. L'échéance de transposition était fixée au 28 décembre 2009. L'article 3 adapte le statut des géomètres-experts, l'article 4 concerne la délivrance de l'agrément d'exploitation d'un établissement d'enseignement de la conduite, l'article 5 est relatif à l'exercice de la profession d'expert automobile. Une procédure précontentieuse a été ouverte fin janvier 2010 et un avis motivé adressé aux autorités françaises en juin. A défaut d'une transposition complète de la directive, la prochaine étape sera en toute logique une saisine de la Cour de justice en vue d'une condamnation en manquement.

L'article 6 transpose certaines dispositions de la directive « Classification, étiquetage et emballage des substances et mélanges » du 16 décembre 2008 dont l'échéance de transposition était fixée au 1er avril 2010. Plusieurs adaptations du code de la santé publique sont nécessaires. Une procédure précontentieuse a déjà été ouverte par la Commission européenne et une mise en demeure a été adressée en mai dernier, à laquelle les autorités françaises ont répondu le 10 août. Néanmoins, la transposition complète de la directive nécessite l'adoption de mesures législatives complémentaires. En l'absence de celles-ci, la procédure ouverte ne pourra donc être close et la France s'exposera à une condamnation pécuniaire.

L'article 7 impose des règles nouvelles en matière de sécurité pour les routes d'importance européenne existantes et instaure une évaluation pour les nouvelles. Il fixe en outre les conditions générales pour accéder à la profession d'auditeur de sécurité routière. La transposition doit avoir lieu avant le 19 décembre 2010. Ces nouvelles procédures de sécurité routière ne concernent que l'État et en aucun cas les collectivités territoriales. Cette directive a pour principale conséquence d'introduire dans notre pays l'évaluation en matière de sécurité routière pour les nouveaux projets de routes relevant de la compétence de l'État.

Quant à l'article 8, il donne compétence aux agents de la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes pour rechercher et constater les infractions ou manquements à l'obligation d'information préalable au voyage, qui incombe aux entreprises ferroviaires et aux vendeurs de billets. Le règlement communautaire est entré en vigueur en décembre 2009. Seuls sont concernés pour l'instant les trajets internationaux de voyageurs. Les trajets intérieurs bénéficient d'une dérogation de 5 à 15 ans, introduite lors de l'examen de la loi d'organisation et de régulation des transports ferroviaires, dite loi ORTF, du 9 décembre 2009, parce que la réglementation française est plus protectrice que le droit communautaire en la matière.

Nous avons privilégié la cohérence normative car, phénomène inédit tenant à l'urgence à transposer les directives concernées, de nombreuses dispositions de ce texte figurent également dans d'autres véhicules législatifs. Certaines se trouvent à la fois dans la présente proposition de loi, la proposition de loi de M. Jean-Luc Warsmann de simplification et d'amélioration de la qualité du droit et dans l'ordonnance du 21 octobre 2010 « portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'environnement », prise sur le fondement de l'article 256 de la loi portant engagement national pour l'environnement. Nous avions, en effet, habilité alors le Gouvernement à prendre par ordonnance toutes mesures pour adapter le code de l'environnement au droit communautaire. Je vous proposerai donc de supprimer les doublons ou d'assurer la convergence avec ce que nous avons déjà adopté dans le cadre de la proposition de loi de simplification du droit. Je vous proposerai aussi, sous réserve de corrections rédactionnelles, de ratifier l'ordonnance « DDAC » du 21 octobre 2010 en matière d'environnement, afin de donner force de loi à ses dispositions. Il convient aussi de supprimer, par cohérence, les deux premiers articles de la présente proposition, qui font doublon avec les articles 1er et 10 de l'ordonnance.

Il faut aussi assurer la convergence avec la proposition de loi de M. Jean-Luc Warsmann en apportant les mêmes modifications aux articles 3 et 5 qu'aux articles 10 et 38 de cette proposition de loi, relatifs respectivement au personnel navigant de l'aviation civile et aux procédures de lutte contre les incendies d'aéronefs. Je serai par ailleurs favorable à un amendement du Gouvernement visant à transposer la directive du 23 avril 2009 relative à la promotion de véhicules de transport routier plus économes en énergie, qui impose des critères énergétiques et environnementaux, celle-ci devant être transposée avant le 4 décembre 2010.

C'est finalement un texte juridiquement cohérent dont je vous proposerai l'adoption, sous réserve des modifications que je viens de vous présenter.

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