a rappelé qu'en application de l'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale, les femmes affiliées au régime général bénéficient depuis 1971 de deux années de majoration de durée d'assurance par enfant, qu'elles aient ou non arrêté de travailler. Une trentaine d'années plus tard, cet avantage familial apparaît toujours justifié par la persistance d'importants écarts de salaire (20 %) et, plus encore, de retraite (40 %) entre les hommes et les femmes. A l'occasion de la réforme des retraites de 2003, le Conseil constitutionnel a d'ailleurs jugé que le maintien du bénéfice de ce dispositif aux seules femmes était conforme à la Constitution.
D'un point de vue financier, la majoration de durée d'assurance représente 20 % de la pension de base moyenne des femmes, qui s'inscrit dans une fourchette de 400 à 500 euros. Elle joue donc un rôle majeur dans la compensation des écarts de retraite entre les hommes et les femmes. Dès lors, pourquoi réformer ce dispositif ?
La raison tient au fait que l'attribution d'une majoration aux seules femmes a été remise en cause par un arrêt de la Cour de cassation du 19 février 2009 pris au nom de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme qui proscrit les discriminations fondées sur le sexe. En vue d'assurer la compatibilité de la législation française avec la norme internationale, la Cour a étendu son bénéfice aux pères.
Inévitable, la réforme de la majoration de durée d'assurance, inscrite à l'article 38 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, a dû concilier trois objectifs, certes contradictoires, mais impératifs : réformer à budget constant, maintenir le maximum de garanties pour les mères et assurer la compatibilité du dispositif avec les nouvelles exigences juridiques.
La délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a examiné les mesures proposées qui lui ont inspiré les conclusions suivantes :
- ce dispositif constitue la moins mauvaise des solutions au regard du principe d'égalité des chances entre les hommes et les femmes car il s'efforce de préserver l'avantage accordé aux mères, tout en l'aménageant ;
- il est bienvenu qu'un pas en avant ait été fait en direction des pères, en particulier ceux qui élèvent, à titre principal, leurs enfants pour lesquels il serait injuste de les priver de la possibilité de bénéficier d'une partie de la majoration de durée d'assurance ;
- le raccourcissement d'un an du délai à partir duquel le couple peut faire son choix quant à la répartition de la majoration de durée d'assurance accordée au titre de l'éducation de l'enfant, auquel l'Assemblée nationale a procédé, ne paraît pas fondé. Initialement fixé à quatre ans, celui-ci a en effet été ramené à trois ans au motif que les risques de séparation et donc de conflit s'accroissent avec le temps. Or, il apparaît préférable de revenir à un délai de quatre ans pour trois raisons principales : trois ans paraissent être un délai trop court pour prendre une décision irrévocable ; il est nécessaire de prendre en compte une période de vie de l'enfant suffisamment longue pour imputer correctement la seconde majoration à l'éducation ; la gestion technique du dispositif serait, selon les caisses d'assurance vieillesse, plus facile avec un délai de quatre ans.
En outre, la délégation a tenu à rappeler que la majoration de durée d'assurance dans le régime général a pour principal objectif de compenser les discontinuités de carrière. Mais elles contribuent également à réparer les accidents de la vie qui peuvent frapper les mères comme les pères. Aussi la délégation approuve-t-elle la mesure adoptée par l'Assemblée nationale selon laquelle, en cas de décès de l'un des parents, la majoration de durée d'assurance au titre de l'éducation sera attribuée automatiquement au conjoint survivant. Idéalement, il faudrait aussi prévoir qu'en cas de rupture, le bénéfice de la majoration soit accordé au parent qui a la garde des enfants. Cette proposition a toutefois suscité des réserves de la part des interlocuteurs que la délégation a auditionnés. Cette idée pourrait cependant être examinée à l'occasion d'une réforme globale des avantages familiaux, dans le cadre du rendez-vous sur les retraites de 2010.
Puis Mme Jacqueline Panis, rapporteur, a précisé que la délégation souhaite que la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) informe en temps utile les affiliés des nouvelles règles en vigueur en matière d'attribution de la majoration de durée d'assurance. Elle a surtout insisté sur le fait que le principe d'égalité ne pourra conduire à attribuer les mêmes avantages familiaux aux femmes et aux hommes que lorsque l'égalité entre les sexes sera parfaite.
Enfin, à la demande des commissaires, elle a donné lecture des huit recommandations adoptées par la délégation.
- au regard de l'équité ;
- au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ;
- et au regard des règles de compensation des désavantages de carrière ainsi que de protection de la maternité prévues par le droit communautaire.
Recommandation n° 2. Le dispositif de majoration de durée d'assurance mérite d'être sauvegardé :
- c'est le principal avantage familial de retraite encore presque exclusivement réservé aux femmes ;
- il apporte une compensation aux inégalités de retraite entre hommes et femmes et aux inégalités entre les femmes, en fonction de leur nombre d'enfants. Il apparaît, de ce fait, bien adapté à ses objectifs.
Recommandation n° 3. L'article 38 du projet de loi s'efforce de préserver, autant que possible au bénéfice des mères, le dispositif des majorations de durée d'assurance. A cette fin, il constitue la meilleure - ou la moins mauvaise - des solutions provisoires possibles. Mais il comporte des inconvénients qui appelleront sans doute des correctifs dans le cadre d'une révision plus globale du système :
- une indéniable complexité ;
- un risque d'érosion des majorations de durée d'assurance des femmes au profit de certains hommes ;
- un caractère quelque peu artificiel puisqu'il ne prend en compte, pour l'attribution des MDA, que les quatre premières années de la vie d'un enfant alors que son éducation et la charge qu'elle représente s'étendent sur une durée beaucoup plus longue.
Recommandation n° 4. La délégation se félicite du pas que permet de franchir le nouveau dispositif en direction de certains pères qui ont assumé seuls ou à titre principal l'éducation de leurs enfants, en leur ouvrant la possibilité de compenser d'éventuels préjudices de carrière.
Recommandation n° 5. Elle préconise, pour éviter la remise en cause juridique du dispositif et clarifier sa gestion, de relever à quatre ans la durée prise en compte au titre de l'éducation.
Recommandation n° 6. Rappelant que les majorations d'assurance compensent avant tout les discontinuités de carrière, qu'elles doivent prendre en compte les séparations et contribuer à réparer les accidents de la vie, la délégation approuve qu'en cas de décès, les MDA soient attribuées au conjoint survivant qui a effectivement élevé ses enfants. En cas de rupture des parents, elle souhaite que les MDA suivent le parent qui a la garde des enfants.
Recommandation n° 7. Elle souhaite que la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) informe en temps utile les affiliés des nouvelles règles en vigueur en matière d'attribution des MDA.