Je veux d'abord remercier le président Emorine d'avoir associé le groupe d'études sur le développement économique de la montagne à cette audition. Personnellement, je ne crois pas que l'on puisse mener une politique d'aménagement du territoire sans politique des infrastructures. Or, je constate que le ministre en charge de la ruralité et de l'aménagement du territoire, M. Bruno Le Maire, n'a pas son mot à dire sur les infrastructures de transport, qui sont l'apanage du ministre en charge de l'écologie, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, qui applique en la matière les arbitrages du Grenelle de l'environnement. C'est, à mes yeux, un vrai problème : je considère qu'un même ministre devrait avoir compétence pour l'aménagement du territoire et pour les infrastructures de transport.
Le département des Hautes-Alpes est enclavé, et sa population est convaincue qu'aucun progrès sérieux ne sera possible tant que l'on n'aura pas réglé le problème de son désenclavement par les infrastructures de transport. 80 % de l'économie des Hautes-Alpes dépend du tourisme, et 94 % des touristes viennent dans le département par la route. Or, on continue de refuser de réaliser l'autoroute A51. Depuis Gap, il faut plus de deux heures pour rejoindre Marseille, Valence ou Grenoble, à une moyenne de 60 kilomètres par heure. Mais le problème ne concerne pas que la route. La liaison ferroviaire entre Marseille et Briançon est constituée par 300 kilomètres de voie unique, avec un détour parfaitement inutile de 40 kilomètres. J'ai retrouvé une décision datant du Second Empire concernant le tunnel du Montgenèvre, qui n'est toujours pas fait.
Bref, nous sommes dans une situation digne du XIXe siècle, dont tout le monde s'accommode à Paris. Les habitants des Hautes-Alpes, comme ceux des Alpes de Haute-Provence, ne peuvent se satisfaire qu'on leur annonce la réalisation de maisons de santé en guise de politique d'aménagement du territoire. Je comprends bien la nécessité de développer encore Paris et les grandes métropoles d'équilibre. Mais comment puis-je expliquer la situation à ma population, qui ne s'estime pas entendue ?
Les dysfonctionnements sont quotidiens. En 2011, pour des raisons d'économies, il faut une heure de plus qu'en 2010 pour joindre Paris à Briançon par train de nuit. La politique de réservation est chaotique. Réseaux Ferrés de France n'ouvre pas les créneaux demandés par la SNCF en temps utile. Et je ne comprends pas la politique des trains à horaires variables, qui veut que vous soyez prévenu de l'heure exacte de votre départ au mieux huit jours avant.
Il y a encore des zones dans notre pays pour qui les annonces de la politique d'aménagement du territoire sont dépourvues de sens. Nous n'avons quasiment plus d'industries dans notre territoire, et le développement de l'accès à Internet n'y pourra rien. Malheureusement, personne n'en a conscience à Paris.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet est le treizième ministre à étudier la question du doublement de la desserte routière de la vallée du Rhône par les Alpes. Seul M. Gilles de Robien avait fait l'effort de venir se rendre compte sur place. Mais ses services ont fait en sorte qu'il ne voit pas l'état de la route actuelle, et notamment pas la tristement célèbre descente de Laffrey, où 103 personnes sont mortes dans cinq accidents de cars. J'ai aussi demandé au ministre de faire une comparaison des émissions de CO2 liées à la route actuelle et celles qui résulteraient d'une autoroute. L'étude n'a toujours pas été faite, mais je sais, d'après les informations que m'ont transmises les transporteurs routiers, que la différence est d'au moins 30 %. Je n'ai pas eu davantage de réponse à ma demande de connaître les statistiques des accidents sur routes et sur autoroutes dans le département de l'Isère. Au final, j'ai le sentiment d'être ignoré et bafoué. On s'obstine à ne pas réaliser le « barreau » manquant de l'autoroute A51 pour des raisons purement idéologiques.