Intervention de Patricia Schillinger

Réunion du 18 novembre 2008 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2009 — Article 61

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

Cet article 61, qui prévoit de supprimer, à compter du 1er janvier 2010, la possibilité pour les employeurs de mettre d’office à la retraite leurs salariés âgés, est l’un des plus scandaleux de ce texte, du fait même de ses non-dits.

À l’Assemblée nationale, les députés ont estimé que la suppression pure et simple de la procédure de mise à la retraite pourrait causer des difficultés pour les entreprises. Ils ont donc voté un amendement laissant la possibilité aux salariés qui le souhaitent de prolonger leur activité au-delà de soixante-cinq ans, dans la limite de cinq années, sous réserve qu’ils en aient préalablement manifesté l’intention auprès de leur employeur. À soixante-dix ans, le salarié pourra être mis à la retraite d’office, comme il l’est aujourd’hui à soixante-cinq ans !

Cette mesure est particulièrement choquante et constitue une provocation de la part du Gouvernement. Les salariés qui le souhaitent pourront désormais travailler jusqu’à soixante-dix ans, mais ne nous y trompons pas : nous savons parfaitement que de moins en moins de salariés auront une retraite suffisante une fois arrivés à l’âge de soixante-cinq ans. Ils devront donc continuer à travailler, voire cumuler emploi et retraite.

Cette possibilité ne doit pas devenir progressivement une obligation.

Selon un sondage de l’Institut CSA, 66 % des Français considèrent le fait de « permettre aux salariés qui le souhaiteraient de travailler jusqu’à soixante-dix ans » comme « une mauvaise chose, parce que cela entraînera, à terme, la remise en cause de l’âge légal de départ à la retraite ».

Ainsi, l’argument du « libre choix », appliqué par le Gouvernement et les députés UMP, ne passe pas. Les Français ne sont pas dupes ! Nous savons bien que c’est la porte ouverte à toutes les dérives et que, demain, on demandera à tout le monde de travailler jusqu’à soixante-dix ans !

Selon le Gouvernement, la solution miracle est de « travailler plus » ou « toujours plus » ! Après la fin des 35 heures, les heures supplémentaires, le travail le dimanche et les quarante et une annuités, il décide maintenant de passer l’âge de la retraite à soixante-dix ans ! Où va-t-on ?

Quant au dossier de la pénibilité, il est toujours au point mort, alors que de nombreux salariés usés par des travaux pénibles attendent, eux, leur départ en retraite anticipée.

Certains salariés, comme les maçons, usés par la pénibilité de leur travail au terme de quarante ans d’activité, ont besoin d’une retraite, et à taux plein ! Cette pénibilité physique existe aussi pour ceux qui travaillent sur des chaînes de montage et n’en peuvent plus dès l’âge de quarante ans. Il est nécessaire de leur proposer une mesure de justice, car on observe de véritables inégalités sociales en ce qui concerne l’espérance de vie. En effet, celle d’un ouvrier est en moyenne inférieure de sept ans à celle d’un cadre.

Monsieur le ministre, où en êtes-vous avec la pénibilité ? Quand on analyse ce texte, on a envie de vous demander : à part la précarité, que proposez-vous ?

Et tout se fait sans la moindre concertation ni le moindre dialogue social avec les partenaires sociaux, comme je l’ai relevé à plusieurs reprises au cours de nos débats.

Oui, monsieur le ministre, il aurait fallu un vrai débat, au lieu de négocier sur un coin de table !

Comment un gouvernement qui ne cesse, dans ses discours, de prôner les vertus du dialogue social, peut-il faire voter à la sauvette un amendement d’une telle importance ?

Pourquoi cette mesure, alors que nous sommes en période de crise ? Chacun sait que le taux d’emploi des seniors âgés de cinquante-cinq à soixante-quatre ans n’est que de 37, 8 % en France, contre 42, 5 % en moyenne en Europe, et que seulement 10 % des personnes âgées de soixante à soixante-cinq ans sont encore en activité.

Les plus de cinquante ans peinent à retrouver du travail et les moins de vingt-cinq ans ne peuvent accéder à l’emploi. Alors, encore une fois, pourquoi une telle mesure ? La seule explication possible semble être la volonté de retarder le paiement des retraites !

Cet article pose un autre problème. Il remet en cause le principe de solidarité intergénérationnelle, en vertu duquel les salariés travaillent et cotisent avant l’âge de la retraite pour financer les retraites à taux plein de leurs aînés.

Selon ce principe, ce n’est sûrement pas aux anciens de continuer à travailler au-delà de soixante-cinq ans pour financer les allocations versées aux jeunes chômeurs en recherche d’emploi !

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