Intervention de Monique Cerisier-ben Guiga

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 9 octobre 2008 : 1ère réunion
Moyen-orient — Communication sur un déplacement

Photo de Monique Cerisier-ben GuigaMonique Cerisier-ben Guiga :

Puis la commission a entendu une communication de Mme Monique Cerisier-ben Guiga sur le déplacement en Israël et dans les territoires palestiniens d'une délégation du groupe d'information internationale sur les territoires palestiniens.

ben Guiga a tout d'abord rappelé que la délégation qu'elle conduisait, composée de Mme Bernadette Dupont, Mme Josette Durrieu, M. Bernard Fournier et de M. Charles Gautier, s'était rendue sur place du 5 au 10 juillet 2008, avec l'objectif d'évaluer la situation sur le terrain au regard de l'objectif fixé, lors de la conférence d'Annapolis, de parvenir à un accord de paix avant la fin de l'année 2008.

Elle a précisé que la délégation avait alterné entretiens politiques et déplacements de terrain, à Jérusalem Est, Hébron, Ramallah, Bethléem, Naplouse et dans la bande de Gaza, ce dernier territoire faisant l'objet d'un blocus complet de la part des autorités israéliennes, depuis sa prise de contrôle par le Hamas en juin 2007.

ben Guiga a indiqué qu'elle s'était également entretenue avec le père du soldat franco-israélien Gilad Shalit retenu en otage par le Hamas et avec les parents du prisonnier franco-palestinien Salah Hammouri, détenu en Israël.

La délégation a tout d'abord relevé une très nette dégradation des conditions de vie, en matière de circulation, d'activité économique, et de situation sociale et sanitaire des populations vivant dans les territoires palestiniens, à Gaza, mais aussi en Cisjordanie.

A Gaza, où vit 40 % de la population palestinienne, soit 1,4 million d'habitants, sur un territoire de 365 km², la situation est qualifiée de « chaos humanitaire » par les responsables de l'UNWRA.

Dans ce territoire sous blocus depuis plus d'un an, la pénurie sévit dans tous les domaines. L'énergie, l'alimentation, les médicaments et le matériel médical, les matériaux de construction, font défaut à des populations dont l'état sanitaire et social, déjà précaire, a enregistré une nouvelle dégradation. 85 % de la population dépend désormais de l'aide alimentaire internationale.

En Cisjordanie, à l'exception de Ramallah, a poursuivi Mme Monique Cerisier-ben Guiga, la situation est à peine meilleure. Sous l'effet des bouclages, des check-points fixes ou mobiles, des colonies et du mur de séparation, la circulation des personnes est tout simplement quasi impossible, ce qui conduit à une situation d'asphyxie économique dans des villes qui traditionnellement étaient actives et jouissaient d'une relative prospérité.

ben Guiga a souligné que la délégation avait été frappée par les progrès de la colonisation et le morcellement consécutif des territoires palestiniens. Ainsi, depuis la conférence d'Annapolis, et malgré l'engagement d'Israël de « geler » la colonisation, celle-ci a littéralement explosé, le nombre d'appels d'offres pour la construction de nouveaux logements ayant été multiplié par douze entre décembre 2007 et mai 2008 et le nombre de permis de construire multiplié par 6 sur la même période.

Elle a également souligné l'impact très limité, en termes de relance économique, d'une aide internationale qui a pourtant atteint des niveaux records depuis la Conférence de Paris de décembre 2007, du fait principalement du maintien, sinon du renforcement des restrictions israéliennes de toute nature aux accès et mouvements de biens et de personnes, restrictions que la délégation a elle-même pu mesurer à plusieurs reprises.

Elle a indiqué que, lancée en 2002 après le début de la seconde Intifada, la construction du mur de sécurité était aujourd'hui achevée à près de 90 %. Long de 723 km, le mur annexe de fait 10 % du territoire de la Cisjordanie, la majeure partie des colonies israéliennes (80 % des 450 000 colons de Cisjordanie), mais aussi la quasi-totalité des nappes phréatiques. En outre, depuis l'accord conclu en novembre 2005 sous les auspices des Etats-Unis et censé lever les entraves à la circulation en Cisjordanie, le nombre d'obstacles a doublé, passant de 300 à 600. Il faut y ajouter les routes réservées aux colons et interdites aux Palestiniens, ainsi que les zones militaires fermées, comme la vallée du Jourdain.

ben Guiga a ensuite évoqué le « processus de paix » et les négociations d'Annapolis. Elle a considéré que ce qu'il était coutume d'appeler le « processus de paix » n'était de fait plus un processus depuis plusieurs années dans le sens où les négociations ne progressaient pas. Il y a aujourd'hui un écart considérable entre les grands principes fixés par les résolutions pertinentes des Nations unies et la réalité du terrain.

Elle a indiqué que de ce processus subsistait l'Autorité palestinienne, c'est-à-dire des structures chargées de gérer le quotidien des populations en l'absence d'Etat.

Elle a estimé que cette situation de blocage du processus de paix tenait au fait que les protagonistes avaient été laissés en tête à tête dans le règlement de ce conflit, ce qu'a encore récemment consacré la déclaration d'Annapolis, alors qu'ils sont l'un comme l'autre dans une situation d'extrême faiblesse politique.

Elle a rappelé qu'en Israël, le processus était fragile, les « grands partis » devant donner des gages pour former leur coalition. Le système politique, très morcelé, privé de grand leader capable de mobiliser la population sur des choix courageux, conduirait à une forme de paralysie. Comme en atteste un incident auquel la délégation a été confrontée à Hébron, l'Etat ne maîtrise pas les éléments les plus extrémistes. La société israélienne est très lassée par le conflit, mais semble dépourvue des moyens de sortir de l'ornière.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion